Assainissement et Hygiène publique : un autre domaine où le changement se fait attendre (1ère partie) – Par Mamadou CISSÉ

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GBK Après l’installation de l’Assemblée nationale, l’on s’attend à ce qu’il y ait une détente dans le pays et que le gouvernement puisse se pencher sur des questions cruciales de développement pour le reste du mandat en cours. L’assainissement, la prise en compte de l’environnement et de l’hygiène publique dans les politiques gouvernementales font partie de ces sujets que beaucoup de citoyens aimeraient voir abordés par nos gouvernants.

{jcomments on}A l’occasion de l’organisation de la 40ème session de la conférence des Ministres des Affaires étrangères de l’OCI en Guinée, il nous a été donné de constater que le Gouvernement a lancé une campagne ponctuelle d’assainissement de la ville de Conakry. Selon plusieurs observateurs, il s’agit là d’une opération feu de paille et dès fin décembre, la ville retrouvera ses immondices habituelles. On se rappelle aussi qu’en début du mois de septembre 2013, la Fondation PROSMI (Promotion de la santé Maternelle et Infantile) de Mme CONDE Hadja Djéné KABA, avait organisé un forum sur la Mobilisation des Ressources en faveur de l’Assainissement et de l’hygiène publique dans la ville de Conakry et celles de l’intérieur du pays, une sorte de coup de pouce de madame la première dame au gouvernement de son mari qui peine à faire du concret dans ce domaine. Alors la question qui vient à l’esprit est de savoir si le Gouvernement actuel a une stratégie en la matière. C’est sur cette épineuse question que se penche la présente contribution.

Il ne fait pas de doute que l’élection en fin 2010 de Alpha Condé, opposant historique et chantre du changement en Guinée, avait suscité chez les beaucoup de Guinéens assez d’espoir pour un changement de leur quotidien dans plusieurs domaines. Bien que l’assainissement et la propreté de la capitale et des villes de l’intérieur ne figuraient pas en Gras Italique sur le programme du nouvel élu, les populations étaient en droit de s’attendre à une amélioration dans ce domaine pour mettre fin aux éternelles épidémies de choléra que le pays connait depuis plus d’une décennie.  A l’heure du bilan à 3/5 du mandat, force est de constater que dans ce secteur le gouvernement a fait du surplace et qu’aucun changement notable n’a été observé. Pourtant les choses avaient bien débuté pour le régime AC qui a hérité d’un projet promoteur dans ce domaine. En effet, dès janvier-Février 2011, le Ministère Délégué à l’Environnement et aux Eaux et Forêts, à travers la Direction Nationale du Cadre de vie lançait un Appel d’offres international pour « la Collecte, le Transfert et le Traitement des Déchets ménagers de la ville de Conakry », une sorte de pain béni pour le nouveau régime.  Mais comme dans d’autres domaines, la gestion de la nouvelle équipe de ce projet d’assainissement et Hygiène publique se révélera catastrophique de sorte que les 50 camions poubelles de la coopération Chinoise n’auront pas servi à grand chose. Voyons un peu les faits avant d’aborder les propositions de solution pour une meilleure gestion de l’environnement dans notre capitale et les villes de l’intérieur. 

1.       Gestion du secteur de l’Assainissement et de l’Hygiène publique par la Gouvernance AC :

La prise en compte des questions environnementales est nouvelle en Afrique, donc pas assez professionnalisée pour le moment, nous allons donc aborder la problématique essentiellement sous l’angle de l’assainissement et de l’Hygiène publique. Dès sa prise de fonction, le nouveau gouvernement bénéficiera en 2011 d’un don chinois de 50 Camions poubelles pour la propreté de la ville de Conakry (en plus des 100 bus qui seront affectés à la Soguitrans). Comme signalé plus haut, le gouvernement Condé a lancé au cours du 1er trimestre de 2011 un appel d’offres  international pour la gestion des déchets ménagers de la ville de Conakry avec 4 volets (collecte et transfert des ordures, exploitation et réhabilitation de la décharge, traitement de déchets par méthanisation, construction d’une nouvelle décharge à Kagbélen). A la suite du processus de passation des marchés, deux entreprises furent sélectionnées : la Guinéenne IC Transports pour la collecte et la Française HYCOS pour les 3 autres volets du programme. L’espoir né de ces passations de marché sera de courte durée. Et pour cause. L’entreprise « IC Transport », qui n’avait jamais travaillé dans le domaine des ordures ménagères, n’a pas pu démarrer l’exécution de son contrat, cela beaucoup plus par incapacité organisationnelle que par manque de paiement de son avance. Et l’Administration, accusée de favoritisme, s’est vue obligée de lui retirer courant 2012 ce juteux contrat annuel de plus de 60 milliards de Francs Guinéens.  Spécialisée dans la location des engins aux sociétés minières, « IC Transport » a été aux côtés de la première dame lors des premières initiatives de cette dernière en matière d’assainissement dans la ville de Conakry, notamment  Taouyah ; ce qui selon certaines sources auraient permis l’octroi du contrat de collecte et de transfert des ordures à une société qui n’en avait aucune expérience. Le Service Public de Transfert des Déchets (SPTD), qui voyait d’un mauvais œil l’exécution de ce projet, a profité de l’incapacité de « IC Transport » pour faire sa propre promotion auprès des nouvelles autorités ; cela avec l’appui du Gouvernorat de la ville de Conakry. Résultat : l’Etat décide à nouveau de confier la collecte et le transfert des ordures à la SPTD sans qu’aucune lumière n’ait été faite sur le contrat de « IC Transport » (en pareil cas, il faut faire un solde de tout compte en toute impartialité sans léser l’Etat ou l’entreprise). Et depuis, on est retombé dans les mêmes habitudes et les montagnes d’ordures sont devenues plus fréquentes dans la ville (dont la production en déchets ne cesse d’augmenter) à l’exception de Kaloum qui connait un traitement spécial. L’épidémie de Choléra reste ainsi colée à notre capitale. Au même moment, les 3 autres composantes du projet, confiées à la société Française HYCOS n’ont vu aucun début d’exécution. Sans que l’on sache pourquoi, on apprend au cours du 1er semestre 2013 qu’un avis d’appel d’offres doit être lancé pour la sélection d’une firme internationale pouvant construire et exploiter la nouvelle décharge de Kagbélen dans le cadre d’un BOT (Build, Operate, Transfert). On apprend aussi depuis 4 à 5 mois qu’une entreprise liée à l’ancien Ministre des Affaires étrangères de la Côte d’Ivoire (BicTogo) a été retenue pour l’aménagement de la nouvelle décharge à Kagbélen sans savoir s’il s’agit du résultat dudit appel d’offres. Des déguerpissements sont en cours. Au-delà de la transparence de la passation d’un tel contrat, la question de la collecte et du transfert des ordures à la décharge reste toujours posée. Le nouvel opérateur doit-il s’occuper de la collecte (pour obtenir sa matière première nécessaire à la production de l’énergie qui sera vendue à l’Etat) ou bien cette phase reste encore l’apanage du SPTD ? Rien n’est encore clair.

Dans les villes de l’intérieur, il avait été prévu dans le budget de 2012 au compte du Ministère de la Construction et de l’Urbanisme, des programmes ponctuels de ramassage des ordures et balayage des certaines artères. Les appels d’offres ont été lancés dans les journaux mais actuellement on a aucune idée du niveau actuel de l’exécution de ces travaux.  Pour l’embellissement de la capitale, l’aménagement de certains carrefours a démarré début 2013 mais les travaux ont du mal à atteindre la vitesse de croisière.

Ce bref rappel des faits montre à suffisance que la Gouvernance AC a du mal à amorcer un nouveau départ dans le domaine de l’assainissement et de l’hygiène publique malgré un contexte favorable. Certains observateurs ont pointé du doigt les luttes de chapelle entre le Ministère de l’Administration Territoriale et celui de l’Environnement pour la Gestion du projet suscité, les peaux de banane glissées par le Gouvernorat et le SPTD (qui voyaient mal l’octroi d’un tel contrat à un opérateur privé), l’incapacité organisationnelle de IC Transport à collecter les ordures et à les transférer à la décharge de la Minière (en attendant la construction d’une nouvelle à Kagbélen), …Le Gouvernement, englué dans la politique (comment remporter les législatives), n’a donc pas pu proposer un plan stratégique d’Assainissement et d’Hygiène publique au niveau national. Pendant que beaucoup de pays Africains font des progrès dans le domaine de l’Environnement et d’hygiène publique, notre pays fait du surplace et relègue cette question aux calendes grecques. On aurait pourtant aimé que le pays suive l’exemple du Rwanda ou du Ghana, 2 pays Africains qui se sont distingués  par les progrès qu’ils réalisent en matière d’Assainissement et de gestion de l’environnement. Dans le domaine de déchets industriels, la Guinée peut bien prendre l’exemple sur le Tchad qui vient d’arrêter les activités d’une société pétrolière Chinoise (l’Etat accepte donc de perdre certaines recettes fiscales tant que l’entreprise Chinoise ne prend pas de mesures correctives contre sa propre pollution). Que dire des emballages plastiques non biodégradables (dont notamment les sachets d’eau minérale) ou de la lutte contre la déforestation (en subventionnant des sources d’énergie autres que le charbon ou le bois de chauffe) ? Pourquoi la société civile Guinéenne et le seul parti qui se disait écologique ne font aucune pression sur le Gouvernement pour l’amener à adopter une politique nationale d’Assainissement, d’Hygiène Publique et de Gestion de l’environnement ? Qu’attend le régime actuel pour faire entrer le pays dans l’économie verte et ses potentialités ? Le nouveau parlement initiera-t-il des lois dans ce domaine ou amènera-t-il le Gouvernement à faire appliques celles qui existent ? Ces questions méritent une attention de la part des décideurs et de l’intelligentsia en vue d’une prise de conscience de notre retard et d’un début de solution à ces problèmes récurrents que nous connaissons depuis des décennies. Nous donnerons dans la deuxième partie de cette contribution, nos propositions de solutions pour susciter le débat et pousser les autorités à prendre leurs responsabilités.

Dans la 2ème partie, nous essayerons de proposer quelques solutions concernant les problèmes soulevées dans ce texte.

 

Mamadou CISSE

Depuis Conakry

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