En Guinée, le pouvoir ébranlé par la hausse du trafic de drogue

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GBK CONAKRY (Reuters) – Le développement du trafic de cocaïne, qui a transformé la Guinée en une importante plaque tournante du narcotrafic en Afrique, met en péril les efforts entrepris par le président Alpha Condé pour rebâtir les institutions après le coup d'Etat de 2008 et pour favoriser les investissements dans le secteur minier.

 

{jcomments on}Les Guinéens et les Latino-Américains, longtemps accusés de contrebande, opèrent librement dans le pays, certains bénéficiant de protections haut placées dans l'administration Condé, selon des responsables guinéens et internationaux et des rapports de police dont Reuters a pu prendre connaissance.

 

L'augmentation du trafic a échappé à la surveillance du gouvernement, concentré sur la mise en place d'un fragile processus de transition après le coup d'Etat de 2008.

 

Selon un rapport publié en 2013 par le département d'Etat américain, les saisies effectuées en Guinée et les affaires survenues à l'étranger en lien avec le narcotrafic en Guinée ont augmenté depuis l'arrivée au pouvoir d'Alpha Condé en 2010.

 

De source proche de services de sécurité étrangers, on déclare qu'un ou deux avions atterrissaient tous les mois l'an dernier en Guinée avec à bord de la cocaïne en provenance d'Amérique latine, dans le but d'approvisionner le marché européen. L'absence de chiffres exacts publiés par le gouvernement rend toutefois les estimations difficiles.

 

"Quelle que soit l'attitude du chef de l'Etat, il est évident que les trafiquants peuvent opérer en Guinée. Ils sont profondément implantés ici," a déclaré Stephen Ellis, chercheur au Centre d'études africaines de Leyde, aux Pays-Bas.

 

Stephen Ellis a souligné que l'argent du trafic de drogue avait un effet corrosif sur les efforts entrepris par le gouvernement Condé pour améliorer la gouvernance.

 

"C'est inquiétant puisque cela n'affecte pas seulement les politiques menées par la Guinée mais l'ensemble de la région."

 

HIGHWAY 10

 

La Guinée et la Guinée-Bissau représentent l'extrémité est de la "Highway 10", surnom donné à la route passant par le 10e parallèle au nord de l'équateur. Cette route, utilisée ces dix dernières années par les trafiquants, est le moyen le plus court pour faire traverser l'Atlantique à la drogue destinée au marché européen en provenance d'Amérique latine.

 

Des experts des Nations unies ont estimé l'an dernier que près de 20 tonnes de cocaïne, qui provenaient principalement de Colombie et du Venezuela, avaient transité par l'Afrique de l'Ouest, devenue une plaque tournante du trafic de drogue.

 

Le rôle de la Guinée a évolué l'an dernier alors qu'une opération américaine visant le chef militaire de la Guinée-Bissau a incité les trafiquants a trouvé refuge en Guinée, estime un responsable de la sécurité.

 

"Les gens craignent de prendre des mesures en Guinée", a déclaré un responsable étranger, qui n'a pas souhaité être identifié. "Les autorités savent que les trafiquants sont là mais sont dans l'incapacité de faire quoi que ce soit. Ils ont besoin de l'aide internationale."

 

De plus, le colonel Moussa Tiegboro Camara, responsable de la lutte contre le trafic de drogue, a été accusé d'être impliqué dans le massacre de protestataires qui manifestaient contre la junte militaire en 2009, empêchant les pays occidentaux de coopérer avec lui.

 

Ce dernier n'a pas souhaité commenter cette information, tout comme les responsables du cabinet présidentiel.

 

Le porte-parole du gouvernement, Damantang Camara, a démenti toute hausse du trafic ou une quelconque complicité de l'Etat.

 

"Il n'y aura aucun compromis avec les trafiquants", a-t-il affirmé.

 

Clémence Apetogbor pour le service français

 

Reuters

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