Entretien avec Mamadou Billo Sy Savané :« La candidature unique n’a pas de valeur divine. C’est une proposition qui peut être discutée, amendée, ou récusée… ».

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Dans une interview qu’il a bien voulue accordée à notre rédaction,  M. Mamadou Billo Sy Savané, membre influent de l'Union des Forces Républicaines (UFR), récemment nommé Secrétaire aux relations extérieures et chargé du programme du parti, a abordées plusieurs questions d’actualité de notre pays…De ses nouvelles fonctions et les objectifs qu’il s’est fixés, à l’épineuse question de la candidature unique, Sy Savané « n’y est  pas aller avec le dos de la cuillère ». Lisez plutôt !

 

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Gbassikolo.com: Bonjour M. Sy Savané

 

Bonjour

 

Vous venez d’être nommé cumulativement Secrétaire national chargé du programme du parti et des relations extérieures. Quel commentaire faites-vous ?

 

Je remercie  les militants et les dirigeants de l’U.F.R. pour m’avoir fait confiance. Avec  leur appui, je  m’appliquerais du mieux que je peux pour mériter  cette confiance.

Je pense que  le choix porté sur ma personne par l’U.F.R. doit être interprété comme un signal fort en direction de tous les Guinéens, y compris et surtout pour ceux de la Diaspora. Ce n’est pas fréquent que les partis politiques  majeurs de l’opposition guinéenne portent leur choix sur  un membre de la diaspora  intellectuelle guinéenne en France. Si vous me posez la question de savoir pourquoi  il en est ainsi, je serais incapable de vous donner une réponse satisfaisante.  Mais on peut penser que si  lors des prochaines consultations présidentielles, nos concitoyens  portaient leur préférence sur  M. Sidya TOURE, il considèrera, au niveau des responsabilités d’Etat, que la diaspora guinéenne formée  enFranc et en occident, n’est pas moins méritante que leurs frères et sœurs de l’Intérieur. Il faut se rappeler  que par le passé, un ou des journalistes  livraient des éditoriaux  vengeurs à la R.T.G. contre cette Diaspora issue des universités françaises. Je me souviens de ce « grand » journaliste intitulant ses sermons, à  la formation de chaque gouvernement de Lansana CONTE par : Nouveau gouvernement, le triomphe de l’université guinéenne. J’émets l’hypothèse que dans l’esprit de ce « journaliste », le  « triomphe » voulait signifier que les portes des responsabilités d’Etat étaient désormais verrouillées contre la Diaspora issue des universités françaises et occidentales. D’ailleurs, les quelques rares qui ont pu s’y introduire, ont été très vite marginalisés pour ensuite être éjectés. Je pense par exemple au regretté Jean-Claude DIALLO, ou encore à M. Bahna SIDIBE, ou même à M. Facinet FOFANA (avec lequel j’ai eu parfois un débat musclé). A l’exemple des autres pays voisins, c’est le rassemblement de tous les Guinéens dont nous avons besoin. Nous n’avons pas besoin de « triomphe » factice de telle université contre  telle autre. Voilà selon moi, le sens du geste de l’U.F.R. et de M. Sidya TOURE.

 

Attendez ! Vous allez un peu vite. Dans le cas présent, il ne s’agit  que de gestes politiques d’un leader qui n’est pas au pouvoir. C’est plus facile. Êtes-vous sûr  qu’il en sera ainsi, si par bonheur pour lui, les Guinéens lui confiaient  les clefs de SEKHOUTOUREYA en 2015 ?

 

Ecoutez ! Moi je ne peux pas être catégorique à la place de SIDYA. C’est à lui que vous devez poser cette question. Cela étant, je vais vous dire ce que je pense avoir compris de sa disposition d’esprit par rapport à cette question, puisque je le connais un petit peu, c’est un ami personnel, je le fréquente depuis 1999 date à laquelle, la  réactivation de l’U.F.R. a été décidée.

1°. Vous avez raison, c’est facile  lorsqu’on n’est pas au pouvoir, de  se montrer ouvert. Quoi que…..

2°. SIDYA a compris que  la Diaspora guinéenne, y compris celle  formée dans les universités françaises, n’est pas nécessairement  et tout le temps moins compétente que les « Hauts Cadres » issus de l’université de Conakry. Je pense pouvoir dire qu’il a envie de sortir  de cette situation de  Guinéens de l’Intérieur/Guinéens de l’Extérieur. Et si  nos concitoyens  décident de lui confier les destinées du pays comme je le   souhaite, beaucoup d’entre nous seront  étonnés par sa capacité de rassemblement.  Chaque Guinéen  constatera par lui-même qu’il est vraiment dans son pays, y compris au niveau des Responsabilités d’Etat. Je n’ai aucun doute sur ce point. Du reste, il a par le passé démontré  qu’il est un homme de dialogue et de rassemblement lorsque M. Lansana CONTE  l’a nommé premier ministre dans des conditions dont les Guinéens se souviennent.

 

Ça fait quand même une double fonction ! Vous n’êtes pas le seul cas d’ailleurs. Plusieurs cadres du parti exercent plus d’une fonction… L’UFR serait-elle en crise de cadres… ?

 

Certains ont parlé de cumulard, me concernant.   Ce n’est pas méchant, histoire de me « chahuter ».  Mais je voudrais rappeler qu’en général,  CUMULARD renvoie à l’idée de quelqu’un  qui additionne pour lui-même  des privilèges matériels ou des fonctions qui lui en procurent. Or, SIDYA et l’U.F.R. ne sont pas encore  au pouvoir, car  c’est le détenteur du pouvoir qui autorise ou pas les cumuls.  Ce n’est pas et ce ne sera  jamais la philosophie de l’U.F.R., ni de SIDYA.  Le fait que  des cadres du parti  exercent plusieurs fonctions comme vous le dites, n’indique pas du tout  que le parti manque de cadres.   Exemple : BARRY  Boubacar  est l’une des personnalités les plus éminentes du  parti. En plus d’être un des vice-présidents de l’U.F.R., il a en charge, avec moi, la construction de notre programme.  Sa capacité de travail, sa compétence en matière économique et financière  sont  incontestables. Il a déjà été ministre.  Fallait-il se priver  de tout  ce capital de compétence et d’expérience au motif de ne pas faire de cumul ?—Je ne le pense pa, et je ne vois pas beaucoup de partis qui s’en dispenseraient. Le moment venu, nos compatriotes verront bien si l’U.F.R. a suffisamment de cadres ou pas. En tout état de cause, dans le contexte actuel, où l’Etat est caporalisé au service d’un parti, le R.P.G.,  nous ne commettrons pas l’imprudence de fragiliser  les cadres qui, sans être encarté à l’U.F.R., partagent les principes fondamentaux de notre parti.  Par ailleurs, je pense pouvoir  affirmer ici, sans aucun risque d’être contredit, que ni SIDYA, ni le  parti, ni aucune notabilité de l’U.F.R. ne considère que le fait d’être installé à SEKHOUTOUREYA vous érige en PROPRIETAIRE du pays. Je n’en dirai pas plus.

 

Les élections approchent. A en croire les chiffres des élections passées, l’UFR n’a pas « suffisamment mouillé le maillot » à l’étranger.  En tant que l’un des principaux responsables chargés des relations extérieures du parti, quels sont vos objectifs dans le court et le moyen terme pour redynamiser vos sections de l’étranger ?

 

Nous,( Baldé Abdoul, un pharmacien à Paris, d’autres amis comme HABA Cécé Roger  et moi-même), nous avons implanté l’U.F.R. partout en France  au début des années 2000 (autour de 2002).  Je signale que,   Abdoul Baldé et moi-même, nous sommes à l’U.F.R. depuis sa création ou sa réactivation en 2000. Pour diverses raisons qu’il n’est pas utile d’exposer ici, le parti a perdu son rayonnement en France. Mais les sympathisants et militants sont toujours là. Notre travail (je ne suis pas seul), c’est de « mouiller » nos maillots comme vous le dites. Mes amis et moi, nous sommes en train d’établir notre programme d’activité. Lorsqu’il sera  prêt, nos compatriotes seront tenus informés. Dans tous les cas, nous aurons à faire des déplacements dans certains pays européens. Nous souhaitons nous adresser à tous les Guinéens disposés à dialoguer, même quand ils ne partagent pas nos positions. Aux uns et aux autres, nous devons admettre, en dépit de nos positionnements partisans, du reste légitimes, nous avons en commun la Guinée. (Moi j’emploie le terme TERRE des ANCÊTRES. C’est le terme qui désigne le mieux le sentiment que j’éprouve personnellement, lorsque je séjourne à LINSAN et que tous les matins, j’observe les montagnes de BILIMA, de SINMINYA dont les couleurs changent avec la position du soleil ).

 

Depuis quelques temps, la question de la candidature unique est sur toutes les lèvres. On peut dire, sans risque d’exagération qu’elle divise l’Opposition. Quelle lecture faites-vous de cette stratégie largement soutenue par votre parti ?

 

Ecoutez ! La candidature unique est une proposition, je dis bien une proposition comme il y en a d’autres. Une proposition est faite pour être discutée, amendée, ou récusée. Elle n’a donc pas de valeur divine.  Ce qui est grave, c’est de tenir pour suspecte, toute proposition qui n’a pas l’aval préalable  de tel ou tel parti. Si on va dans ce sens, alors il n’y a plus de débat possible, puisque, un camp serait supposé détenir la VERITE. M. Cellou Dalein  DIALLO a légitimement récusé cette idée et a proposé une autre voie. Doit-on l’invectiver pour cela ? Ce serait un comble que de le traiter de tous les noms d’oiseau au seul motif qu’il a proposé une idée  qui ne va pas dans le sens de ce que souhaite une personnalité d’un autre parti.  Fort heureusement, personne n’a eu cette tentation à l’U.F.R. Restons calmes. L’adversaire n’est pas Sidya TOURE. Je ne pense pas être  son thuriféraire en disant cela. Il faut plutôt  lutter pour  que l’alternance  souhaitée par l’immense majorité de nos compatriotes  devienne une réalité en 2015. Epuiser ses forces à  « lyncher » SIDYA n’a aucun sens. Il n’y a pas si longtemps, c’est BAH Oury  qui était  l’objet de toutes les vindictes, comme s’il était  au pouvoir.  Arrêtons  cette autodestruction qui ne dit pas son nom.  La tournée que M. Sidya TOURE et son état-major effectuent  dans les régions de notre pays est normale. Si lui et son équipe ont rencontré un écho favorable auprès de nos compatriotes, c’est bien pour l’ensemble de l’opposition. Revenons à l’essentiel : le changement en 2015. Voilà.

 

De plus en plus  d’hommes politiques et intellectuels proches de votre parti exigent la désignation de M. Sidya Toure comme candidat de l’opposition aux prochaines présidentielles. Pensez-vous ces exigences soient réalistes, quand on sait que, s’appuyant sur les résultats obtenus lors des élections précédentes, M. Cellou Dalein Diallo a récemment déclaré qu’il était le mieux placé pour porter le flambeau de l’opposition ?

 

Exiger que telle ou telle personne soit le candidat de l’opposition n’est pas raisonnable selon moi. A ma connaissance, à l’U.F.R., personne n’a rien exigé. Car  donner une  sorte d’ « ordre » à d’autres partis ou à d’autres hommes politiques, est toujours contreproductif, mais surtout désobligeant. Une proposition n’est pas une exigence. On y adhère ou on la récuse, mais elle ne peut pas être une exigence. Aucun des auteurs de cette idée ne parle d’exigence. Ils proposent. Cela étant dit, il y a une autre réalité qu’on ne peut nier et qui est la suivante : chez nous, l’élection présidentielle telle qu’elle est constitutionnellement fabriquée, met en prise directe la personne du candidat et les citoyens électeurs sur l’ensemble du territoire national. Autrement dit, la configuration de la présidentielle requiert certes un parti, un projet, mais surtout, la personnalité du candidat qui porte l’espoir du parti. Car la personne du candidat est aussi importante que le parti lui-même ou son projet.  Je veux dire par là, qu’un bon candidat à la présidence c’est celui dont la personne est capable d’attirer à elle la majorité des Guinéens dans toutes les régions du pays. Ici, ce n’est pas le poids électoral d’un parti qui est déterminant, c’est la personnalité du candidat qui peut être décisive. Je suggère que tous les leaders politiques, tous les partis politiques expliquent partout où ils passent que le vote « communautaire » est une impasse dangereuse et qu’il ne faut pas s’y engager.  Car si cette voie était suivie, à un moment ou à un autre, les autres « petites » ethnies de notre pays, finiront par être tentés par d’autres solutions, puisque, le vote ethnique aidant, la compétition présidentielle  sera inexorablement réduite en une  compétition ethnique entre les deux groupes ethniques, arithmétiquement les plus nombreux. Ce qui n’est pas bien pour la cohésion sociodémographique, ni pour la stabilité du pays.

 

C’est un secret de polichinelle que les élections en Guinée se feront sur des bases communautaires. Pensez que votre candidat à une chance de l’emporter devant les deux grands partis largement représentés par les communautés de leurs dirigeants respectifs ?

 

Moi je fais confiance.  Les Guinéens ont une capacité de discernement insoupçonné. Ils ne sont pas tous dans une démarche de type  ethniste.  Dans une élection honnête et transparente, nos compatriotes peuvent qualifier  Cellou Dalein  DIALLO et Sidya Touré pour le deuxième tour.  C’est possible.  Certes,  Sidya est issu d’une petite minorité. Mais n’oubliez pas  qu’il est apprécié  par l’immense majorité de nos compatriotes, toute appartenance politique et ethnique confondues. Par ailleurs, le mode de l’élection présidentielle guinéenne, presque la copie conforme du système français est très dépendant de la personnalité du candidat.  Dans tous les cas, selon moi, l’essentiel en 2015, c’est de récupérer d’abord notre pays. Qu’importe le futur élu. Pourvue que nous récupérions notre pays. J’insiste sur ce que j’ai déjà dit : restons calmes. Ayons un peu de discernement. C’est la politique de M. Alpha CONDE qu’il faut combattre, et non pas la personne de M. Sidya  TOURE. Dans tous les cas, tabler sur l’idée que, il faut soutenir en sous-mains M. Alpha CONDE contre Sidya, puisque on compte sur l’âge des uns et des autres pour accéder à SEKHOUTOUREYA est un calcul hasardeux.  Certains comptaient sur l’âge de M. Lansana CONTE pour lui succéder le moment venu. La suite, chacun la connait.

 

Quels commentaires faites-vous de la nomination du limogeage de M. Alassane Conde et de la nomination d’un général d’armée Boureyma CONDE au Ministère de l’Administration du territoire et de la décentralisation ?

 

Je ne ferais pas de commentaire au sujet du « limogeage » de M. Alassane CONDE. C’est un non-évènement. En revanche,  la nomination d’un général à la tête de l’administration du pays est d’une exceptionnelle gravité, à mes yeux.  Car il s’agit bien d’une militarisation préventive d’une administration  dont le poids sur  présidentielle est connu de tous en Guinée.  Cette nomination inopportune vise à mettre  en place au plan militaire, l’équipe de répression qui exigera qu’on déclare M. Alpha CONDE « élu » dès le premier tour.  A l’évidence, il y a là une véritable transformation ou tentative de transformation d’une partie de l’armée en milice politique au service d’une personne et de son parti. Il est impérieux que  l’armée resté républicaine et nationale. Il faut espérer que des militaires Républicains et patriotes s’opposent  à la sale besogne que le candidat sortant veut leur faire accomplir. Puisque  ce général s’est mis au service d’un parti et d’une personne, les autres Officiers devraient exiger qu’il quitte définitivement et immédiatement l’armée. Il peut se consacrer à son parti, le R.P.G. Car ce serait déloyal  que le général mette son corps d’origine au service d’une personne, même si c’est le candidat sortant. Encore une fois, les autres militaires et Officiers sont fondés à s’opposer à l’instrumentalisation de leur corps. Le rôle d’un militaire n’est pas d’être l’agent électoral  d’un président, quel qu’il soit. Il est de défendre la TERRE des ANCÊTRES contre d’éventuels ennemis.

 

Merci d’avoir accepté de répondre à nos questions

 

C’est moi qui vous remercie, et à bientôt.

 

Propos recueillis par Ismael Souare, Administrateur de Gbassikolo.com

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