La question des listes indépendantes : ce que je crois…( par Ismael Souare )

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Évaluation de l'article

L’un des grands mérites des élections du 4 février 2018 est sans nul doute d’avoir démystifié, (à travers cette victoire certes relative mais historique des listes indépendantes), le lien supposé indéfectible entre les partis politiques guinéens et leurs militants.

De la Basse-Côte jusqu’en Guinée Forestière, en passant par le Fouta et la Haute-Guinée, l’on nous a toujours fait croire que tout militant est forcément (selon son ethnie) une « propriété » de son parti. Pis, de par leurs capacités à mobiliser leurs militants, le RPG-AEC (majoritairement malinké) et l’UFDG (majoritairement peuhl), ont cette tendance qui frôle l’arrogance, à réduire l’électorat guinéen aux seuls Peuhls et Malinkés. Le reste (Soussous, Kisssis, Tomas, Guerzé, Lélés, Baga, etc…), ne serait ni plus ni moins que du « menu-fretin » à se partager !

De mon point de vu, si la capacité de mobilisation de ces deux partis reste, certes incontestable pour l’instant, il n’en demeur pas moins qu’au regard de la percée surprenante des listes indépendantes lors des élections locales du 4 février et la dynamique qu’elle risque d’entrainer dans le jeu politique, plus rien n’est moins sûr…

La défaite enregistrée, par endroit, par les « grands partis » dans leurs propres fiefs, est à mon avis, symptomatique de la lassitude des militants et de la crise de confiance qui règnent dans le « marigot politique » guinéen depuis la victoire du Président Alpha Condé à la présidentielle de 2015. Dès lors, cette « irruption » des listes indépendantes dans ce qui était considéré, jusque-là, comme une « chasse-gardée » des « partis politiques légalement constitués » , mérite un intérêt pour la reflexion.

Le débat autour des listes indépendantes n’a, en effet, jamais été aussi houleux qu’en ce début du mois de février. Et pour cause, la « percée des listes indépendantes » est désormais perçue par les grands partis, comme une dynamique démocratique qui a le potentiel de bouleverser le paysage politique en Guinée. Ne font-ils pas déjà la cours à quelques-unes de ces têtes-de listes ?

A première vue en effet, quoi de plus normal que des citoyens, non affiliés à une formation politique s’affranchissent du diktat de l’establishment politique pour prendre part à la gestion de la cité ? En Guinée pourtant, les élections locales sont les seules ouvertes aux candidats indépendants. Les têtes de liste indépendantes sont en majorité des hommes et femmes, parfois issus de la société civile ou du secteur privé. Ils ont cet avantage d’avoir plus de proximité avec les habitants, promettent de « faire la politique autrement » et paraissent, de ce fait, inspirer plus de confiance…

Questions :

Les guinéens en ont-ils marre de « nos politiques – de pacotille » ? Sont-ils fatigués de ces politiques sans visions, de ces« discours déstructurés, populistes voire démagogiques ? » 

Au regard du « séisme politique » du 4 février, il revient à chaque parti politique, d’aborder froidement ces questions. A mon avis, cette relative victoire des listes indépendantes marque tout de même une rupture avec une certaine conception du militantisme partisan. Et la question de la participation des listes indépendantes aux élections législatives voire présidentielles, risque de se poser avec plus d’acuité dans les années à venir ; et avec elle, celle de la remise en question, entre autres, de l’article 61 de la constitution, perçu comme discriminatoire. Cet article stipule en effet que nul ne peut être candidat aux élections législatives s’il n’est présenté par un parti politique légalement constitué !…

Ceci dit, il n’y a pas que cet article qui risque de réveiller des « appétit »!

Des velléités révisionnistes risquent donc de plomber les prochaines échéances électorales, surtout quand, sous prétexte d’en finir avec l’article 61, de « petits malins » tentent de s’en prendre à l’article 27* au mépris de l’article 154* de la Constitution.

Quoi qu’il en soit, M. Alpha Condé qui, faut-il le souligner, n’a jamais caché son mépris de voir les anciens dirigeants revenir encore aux commandes (du moins ceux qui s’opposent à lui), pourrait probablement tenter soit :

1 – d’encourager et soutenir indirectement les listes indépendantes avec l’espoir, d’une part, de casser les grands blocs de partis politiques (en premier lieu l’UFDG) et d’autre part, forcer les caciques du RPG-AEC à envisager l’éventualité de nouvelles alliances voire de nouvelles fusions; quitte à fâcher ceux au sein du parti qui ne tolèrent aucune forme de défiance. Son opposition à une proposition du RPG-AEC en faveur d’une coalition contre Mme Aminata Touré, arrivée en tête du scrutin du 4 février dernier dans la commune urbaine de Kaloum, me laisse en tout cas, dubitatif…

2 – encourager et soutenir l’émergence de listes indépendantes pour éventuellement impulser le débat en faveur d’une révision constitutionnelle ; les listes indépendantes ayant désormais mesuré leurs capacités à rivaliser avec n’importe quel parti politique, il n’est pas exclu qu’elles manifestent un intérêt pour une retouche de la constitution, si cette « retouche » est subtilement brandie comme une voie vers le droit d’être candidat aux législatives et aux présidentielles. Et pour qui connait les velléités opportunistes de certains dignitaires du pouvoir actuel à Conakry, l’occasion sera toute trouvée pour créer des « mouvements de soutien » en faveur d’une « nouvelle » constitution, ouvrant ainsi la voie à la modification de l’article limitant le nombre du mandat présidentiel. Et se sera parti pour un désordre aux conséquences désastreuses pour notre pays. Que Dieu nous en garde !

L’on peut me rétorquer qu’avec l’article 154* de la constitution, aucun mécanisme « légal » ou « juridique » ne permet à M. Alpha Condé de modifier la constitution ! Je dirai, en « apparence oui… » Mais ceci n’étant pas l’objet du présent papier, je m’abstiens d’en dire plus.

En tout état de cause et au regard de ce qui précède, on peut se poser la question, si cette percée des listes indépendantes n’est-elle pas aussi, entre autres, une réaction à l’égoïsme des partis politiques qui se complaisent aux dispositions discriminatoires de l’article 61 de la Constitution.  Et, dès lors, toute initiative, fût-elle celle d’un certain Alpha Condé, visant á faire sauter ce qui est perçu comme une « injustice constitutionnelle », n’a-t-elle pas le potentiel de se propager et de prospérer?

Ismael Souare

Administrateur de Gbassikolo.com


Article 27  Le Président de la Republique est élu au suffrage universel  direct. La durée de son mandat est de cinq ans, renouvelable une fois. 

Article 154.(…) le nombre et la durée des mandats du président de la République  ne peuvent faire l’objet d’une révision.

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Laure Karcher
Laure Karcher
19 février 2018 21:13

Analyse très perspicace, Monsieur Souaré (points 1 et 2). Ces élections à la proportionnelle pourraient offrir aux partis politiques l’occasion de travailler ensemble sur la gestion de leurs communes, et ce serait une bonne chose, de l’inédit même ! C’est ce qu’on aurait aimé avoir au niveau national, car normalement, un parti politique doit avoir une vision, des politiques et des programmes précis qui intéressent l’ensemble de la population, ce qui n’est pas possible actuellement. J’ai un peu peur cependant, qu’au lieu de l’effet positif mentionné ci-dessus, on ait au contraire un effet négatif, en ce sens que les partis… Lire la suite

Kim
Kim
19 février 2018 09:33

J ai juste une question à propos d´un eventuel changement de la constitution pour la non limitation des mandats presidentiel. Vu l´analyse de Mr Souaré et la zizanie qui reigne au sein de l´oppostion rien ne peut l´empêcher de modifier la constitution, vu que Alpha Condé à èté elu avec la constitution actuelle pourra-t´il en beneficier du changement de la constituion? ########## Article 152. L’initiative de la révision de la Constitution appartient concurremment au président de la République et aux députés. Pour être pris en considération, le projet ou la proposition de révision est adopté par l’Assemblée nationale à la… Lire la suite

soumah
soumah
16 février 2018 21:24

Je pense que l´on donne trop d´importance à nos acteurs politiques au risque de réduire le peuple au néant sans s´en rendre compte. Le plus souvant tout ce qui se passe de fondamental on a tendance à l´attribuer directement à la clairevoyance de nos politiciens, surtout d´un certain Prof. Doc. Alpha Condé consideré comme le seul véritable maître à penser au bord d´un navire à la derive.Eh bien tel n´est pas toujours le cas, mais seulement il faut rester vigilant face à sa force de récuperation, car c´est un parieur bien né. La participation massive des Listes indépendantes à ces… Lire la suite

Momo
Momo
16 février 2018 16:25

M. Souare,
Pour facilliter le debat, je vous suggere de faire un avenant à votre article, pour planter le decor, en repondant aux questions que peuvent se poser un lecteur non impregné des resultats actuels du scrutin du 04 fevrier dernier:
1-Combien de listes Independantes ont gagné?
2-sur combien de listes presentées
3-sur combien de communes au total
4-Avec quel pourcentage?
5-Dans quels fiefs de
6-Quels partis

suite à ces reponses on pourait voir réellement le poids actuel ou la tendance pour les ections prochaines.

COMOLAM
COMOLAM
16 février 2018 14:42

C’est passage, bonne ou mauvaise qui pose problème???? « Mais en même temps, il n’est pas exclu que cette dynamique de multiplication des candidats indépendants à travers les succès électoraux du 4 février dernier, soit par ailleurs amplifiée par le régime, si cela peut servir à affaiblir son principal adversaire qui est l’UFDG » En quoi ça va fragiliser UFDG, à partir du moment que, c’est prévue par la constitution? De quelle velléité vous parler, par rapport à quelle constitution qui serait sacralisé comme le saint Coran ou la bille, une constitution évolue avec le temps, et le seul le peuple est… Lire la suite

Oury Balde
Oury Balde
15 février 2018 21:11

@ Koto AOT;

Merci pour la franchise de la remarque, nulle autre explication à mes tirades périodiques sous les posts qu’au penchant pour l’argumentaire impeccable que m’a imprimé l’école, mes profs, et à mes habitudes de lire les papiers généralement étoffés des chercheurs universitaires.

J’ai hérité de formateurs pour qui bien souvent le parler universitaire surtout lorsqu’il émane du chercheur, se doit d’être consistant,  étayé.

Oury Balde
Oury Balde
15 février 2018 21:10

Peut-être que c’est une pédanterie doctorale, professorale, qui serait mal vue quand on n’en comprend pas le pourquoi et le comment ou qu’on n’est pas issue de ce milieu la. J’avoue que c’est un monde fermé ; élitiste ; absurde, voire subliminal limite. Mais le pli m’est resté. On ne paie pas non plus au kilomètre sur les sites guinéens ; nos trophées et paies bonus et arriérés compris pour tous nos écrits depuis je les attends pour demain la vieille. Lol ! Si aussi on ne charge pas la mule lyriquement —je veux dire sans les commentaires qui rendent l’affaire intéressante… Lire la suite

Oury Balde
Oury Balde
15 février 2018 21:08

Du reste, la concision est une qualité de l’art d’écrire ; Molière de la toile s’il trace par là, te le confirmerait. Par habitude , malgré moi donc, au lâcher je porterai surement ce réflexe au prolixe encore quelque temps . Le reste du temps, c’est motus bouche cousue ; silence d’or chez le plumitif. Un jour prochain tout ça sera fini, inchallah ! Le chant du cygne approche . . . De plus , l’espace commentaires est devenu dépliable, si l’effort du clic c’est pour me taper de la rhétorique ennuyeuse , non merci ; je préfère les découper court et fort quitte à occuper de l’espace… Lire la suite

COMOLAM
COMOLAM
15 février 2018 20:49

Fred, personne n’a piégé personne,une alliance faite en pleine journée devant tout le monde est claire et nette, ce n’est pas, comme les délégués de RPG-AEC de Mamou, Labé,Pita, Dalaba etc… qui se disaient Rpgiste le matin et la nuit UDFGistes, ils ont même facilité et encourager par endroit la fraude pour UFDG, pour solidarité communautaire, nous somme savons la sournoiserie hypocrisie de certains qui est éternelle et caractéristique!

Fred
Fred
15 février 2018 18:41

Salut Alpha ! (AOT) Vois-tu , IL FAUT beaucoup beaucoup expliquer , avec toutes les ritournelles possibles , pour qu’un DIALLODJO comprenne que le  » Soleil ne se leve pas a l’est , ou ne se couche pas l’ouest  » ! D’ou la demarche de Mr Oury Baldebah mo Bah ! Ceci dit , a trop se croire malin , on tombe , le plus souvent , comme le rat , dans la coquille de l’huitre . ( Le rat et l’huitre , La Fontaine ). AC a voulu  » pieger  » SIDYA et a eu un  » pan sur… Lire la suite

AOT Diallo
AOT Diallo
15 février 2018 16:52

@Gbassikolo, quelques exempls parlants de la justesse de votre analyse sur l’impact ici des victoires indépendantes – mêmes rares mais c’est leur 1e coup d’essai donc c’est pas mal du tout : – On ne voit plus tous les jours a Conakry depuis la publication des résultats partiels tous nos coqs politiques vaniteux locaux qui chantaient et dansaient bruyamment dans chaque meeting sur leur succès éclatant et sur la raclée spectaculaire de leurs ennemis. Ils sont vraiment très silencieux, rasent les murs et fuient la TV comme si elle était un vecteur d’Ebola depuis le début de la semaine. Je… Lire la suite

I. Souare
I. Souare
15 février 2018 10:32

COMOLAM, je crois que vous déformez mon opinion. Sauf erreur de ma part, je ne vois nulle part dans mon texte un passage mentionnant que la Constitution serait contre l’UFDG. Je vous suggère donc d’exiger des précisions (c’est votre droit), quand un passage de mon texte vous parait ambigu… Si vous relisez lucidement mon papier, il ne vous échappera pas que de façon résumée, j’ai voulu dire ceci: La constitution de listes indépendantes par des Citoyens (ayant de tout temps subi le diktat des partis politiques aux chefs inamovibles) marque la fin de la conception de l’engament politique (au sommet… Lire la suite

COMOLAM
COMOLAM
15 février 2018 05:11

C’est un peu léger comme argument, de penser que dans la constitution, qui prévoir les candidature indépendante, serait contre UFDG, et l’alliance avec les gagnans indépendants, seraient pour casser l’UFDG, on dirait que c’est l’hégémonie et la suprématie d’un clan autocrate qui vous intéresse, pour croit naïvement, que tout est fait et serait fait, pour bloquer l’accession d’un congloméra de groupe communautaire au pouvoir. @Fred, tu es continuellement hanté pour la question de 2020, vous serait seul avec ton beau, ne mêle pas le peuple responsable de Guinée, à votre affaire de famille déh, la théocratie n’existe que dans votre… Lire la suite

Fred
Fred
14 février 2018 17:36

Il est certain que des  » Petits malins  » , ( des Souloukou Soun To )vont profiter de cette relative victoire de certaines listes , dites independantes , pour tripatouiller la constitution . Il ne faut pas se voiler la face , ils ne le feront que sous l’impulsion de cet INTRIGANT – MACHIAVELIQUE , ALPHA CONDE ! A partir de maintenant , il est bon d’avoir en en tete que s’opposer a ALPHA en 2020 , c’est sauver ce qui nous lie , qui fait de nous des Guineens : LA CONSTITUTION ! Voulons nous d’ailleurs continuer a etre… Lire la suite

Oury Balde
Oury Balde
14 février 2018 15:09

Des candidatures indépendantes vraiment, et salutaires ? Sous réserve de ne pas avancer masqué, et que ça se démarque de la fumisterie politique des supposés grands partis traditionnels.

Je reste dubitatif jusqu’à en palper les réalisations positives en faveur de nos populations, compte tenu des habitudes coriaces du marigot politique national. Faute de quoi on retomberait sur les mêmes travers politiques qu’on nous fourgue dans ce pays depuis Mathusalem.

Oury Balde
Oury Balde
14 février 2018 15:08

L’on ne découvre en Guinée que maintenant l’option indépendante alors que c’est une pratique rodée dans plusieurs pays africains notamment depuis :

ATT en 2002 au Mali, Kérékou au Benin en 1996 et en 2001, Boutelefika en 1999 en Algérie, ont tous été élus sur la bannière indépendante.

Oury Balde
Oury Balde
14 février 2018 15:07

Les candidatures indépendantes incarnent sans nul doute une certaine lassitude des Guinéens vis-à-vis des partis traditionnels. Et de ce fait, vu leur victoire relative, une menace réelle aux éléphants politiques habituels, qui soit tenteront de limiter l’influence de ces nvx concurrents, soit essayeront de les annihiler carrément ; en tous les cas les politiques habituels s’adapteront avec le même instinct de survie que la prégnance future (très probable) des indépendants.

Oury Balde
Oury Balde
14 février 2018 15:06

Mais tout n’est pas malheureusement pas rose avec les candidatures indépendantes comme on pourrait le croire. De nombreux risques restent lies aux listes indépendantes, en effet:

Oury Balde
Oury Balde
14 février 2018 15:05

Risque de panacée ; de foutoir ; overdose de marchandages politiques ; de combines ; d’intrigues comme on le voit en ce moment à Kaloum ; manque de lisibilité politique ; opacité de financement ; risque de récupération ; l’éventualité de se pogner de marchands politiques et les fameux aventuriers politiques à la AC. Un risque systémique réel à vrai dire dans le contexte guinéen de pléthore d’opportunistes politique !

En Ouganda par exemple seuls les indépendants sont admissibles à l’élection présidentielle, afin d’éviter des candidatures ethniques et leur moult dérives.

Oury Balde
Oury Balde
14 février 2018 15:03

L’effet de mode aidant, l’éventualité semble forte à l’occasion des ces communales de voir militer pour la généralisation des candidatures indépendantes à toutes les élections guinéennes, comme on trouverait absurde la loi à n’autoriser de listes indépendantes qu’au niveau local.

De la à réviser la constitution, il n’y aura qu’un petit pas à franchir. Tout, bien sur, au nom des révisions pour les révisions, et notre enclin aux amalgames et à l’inconséquence. Alors qu’ à priori la constitution est sacro-sainte !!!

Stie ! faudrait, je pense aussi à poser ma candidature !