Les erreurs du gouvernement de transition burkinabè et la voie d’une sortie de crise. (par ibrahima SANOH)

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Le 30 octobre 2014, Blaise Compaoré avait été chassé du pouvoir au Burkina. L’espoir d’un lendemain meilleur se pointait à l’horizon et un gouvernement de transition y naquit. Ce dernier était à quelques microns de réussir sa mission principale, celle d’organiser des élections crédibles et transparentes. Seulement qu’à quelques jours du scrutin des présidentielles prévues en 2014 , l’ex-garde prétorienne , le régiment de la sécurité présidentielle ( RSP) s’empara du pouvoir sous l’égide de celui  qui avait toujours été à sa tête de 1987 à 2014 , le Général Gilbert Diendéré. Diendéré…

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Pour le RSP, leur confiscation du pouvoir est pour, disent-ils, éviter une grosse crise électorale et sauver le pays en danger. L’acte est à condamner,  car porte un coup de massue à la transition démocratique amorcée depuis le 30 octobre de l’an dernier  et plonge le pays dans l’incertitude.

Les erreurs des autorités de transition ont contribué à cet embrouillamini. Elles ont commis de grosses erreurs d’évaluation de la situation depuis la chute de Blaise de Compaoré . Elles ont donc confondu le principal à l’accessoire. Elles se sont trompées de priorités, c’est ce qui donna l’opportunité au RSP de créer le désordre, non pas pour défendre les intérêts du Faso mais le leur. Les erreurs des autorités de transition auxquelles je fais allusion sont :

  1. 1)L’entêtement à vouloir rétablir la vérité au sujet de l’assassinat de Thomas Sankara

   Le 15 octobre 1987, le capitaine Thomas Sankara , alors président du Faso avait été assassiné et depuis le déni de justice à cet vaillant et courageux dirigeant , à son peuple et ses admirateurs irréductibles de par le monde , fut patent . Le choix des autorités d’antan de taire l’épineux dossier Sankara   n’était pas un choix aléatoire quand on sait l’inimité qu’avait causé les prises de positions courageuses du défunt capitaine. Il était hait par ses camarades, certains d’entre eux, par certains dirigeants africains et aussi par ceux dont sa voix et le courage ont offensé. Le cas Sankara est bien complexe . En 2005, l’ancien chef de guerre libérien, Prince Johnson, avait donné quelques informations indicielles au sujet de l’assassinat du capitaine Sankara . C’était lors de sa comparution devant la commission de vérité réconciliation libérienne, laquelle, exigeait des vérités factuelles. L’assistance fut scandalisée, lorsque Prince Johnson parla du capitaine et dit certaines choses au sujet de son assassinat.

Le gouvernement de la transition burkinabè, lui, feint de comprendre la complexité de ce cas et que ceux qui avaient servi de cautions lors des crimes de sang pouvaient encore se trouver dans les f girons du pouvoir. Ceux-là, pouvaient avoir quelques pouvoirs, fussent-ils , informels . En mars 2015, le gouvernement de transition conduit par le premier ministre Yacouba Issac Zida , saisit un décret pour autoriser l’exhumation du corps présumé   de Sankara . Pour la première fois, un juge d’instruction fut nommé.   Depuis des années, le déni de justice avait été affligeant . Du 29 septembre 1997 , date du dépôt de la plainte contre X pour assassinat ; au 8 octobre 2002, date du dépôt de la plainte contre X pour enlèvement et séquestration de Thomas Sankara à l’ONU , aucune avancée n’avait été notée. L’une des raisons de ce déni de justice avait été que Blaise Compaoré , jadis ami du défunt président et suspecté d’avoir été bourreau , était encore au pouvoir .

Rendre justice à Thomas Sankara , à sa famille et ses admirateurs n’est pas un péché , mais le moment fut inopportun . En acceptant l’exhumation du corps présumé de Thomas Sankara , le gouvernement de transition venait   d’engager – sans le savoir ou du moins sans y prêter attention ; une action impopulaire au sein du RSP , encore puissant et constituant une menace à la transition démocratique . Les membres de ce régiment, savaient que l’ouverture de ce dossier brûlant allait permettre de rétablir nombre de vérités dissimulées sur les crimes de sang, très nombreux, commis au Burkina. Les dates des auditions au sujet de l’assassinat de Sankara et le putsch   qualifié d’inintelligent, conduit par le RSP ont coïncidé. Simple coïncidence ou calcul savant ?

Les autorités de transition burkinabè portent une grande responsabilité dans tout ce qui arrive ces derniers jours dans leur pays, du fait de leur manque de discernement et de la confusion de leur mandat à celui d’une réconciliation pour laquelle la vérité historique devrait paraître .Il aurait dû , s’occuper de la transition , les prochains dirigeants eux s’occuperaient des questions de réconciliation et tacheraient de trouver des formules efficaces . Espérons que la transition n’échoue pas et que les putschistes rendent le pouvoir ! Vouloir trop faire triompher la justice dans les moments inappropriés, on crée le désordre qui à son tour enfante d’autres injustices pour lesquelles, il faudra de la justice aussi.

  1. 2)Le détournement de la transition pour des fins de règlement de compte

       Le gouvernement de la transition devrait conduire le Burkina aux élections transparentes, crédibles et inclusives. Il décida d’exclure quelques acteurs politiques proches de l’ancien dirigeant d’échu et de son parti. La démocratie, se serait chargée de les écarter de la scène politique, mais la loi fut utilisée pour y arriver. Ce choix, ce fut aussi une grosse erreur. D’autant plus que le peuple burkinabè n’aurait jamais accordé son crédit à ceux-là qu’il a chassés du pouvoir .

     En démocratie, fût-il, dans son implémentation, il faut laisser le choix au peuple de s’exprimer par le truchement des urnes. En aucun cas, il ne faut empêcher certains acteurs de se présenter aux élections, les réalités au Burkina exigeaient que l’on donne la chance à tous les acteurs et d’éviter l’exclusion.   La décision d’exclure a conduit aux ressentiments et frustrations, non pas au sein de la population dans sa globalité mais au niveau d’une frange d’acteurs politiques et de leurs partisans.    On sait les liens incestueux entre les pontes de l’ancien régime et le RSP. Les autorités auraient pu éviter de jouer à l’exclusion, afin que la démocratie se charge d’exclure ceux que les Burkinabés, eux-mêmes écarteraient de la gestion de leur pays, mais par les urnes.

           L’une des leçons de ce putsch, de cette velléité de confiscation du pouvoir, est que le RSP se voyait en danger et nombre de ses pontes iraient en prison si le procès au sujet de l’assassinat de Thomas Sankara était ouvert. Il fallait donc prendre en otage les autorités de transition qui, aux yeux du RSP voulait l’imputer tous les crimes de sang commis au Burkina. L’autre leçon est qu’il faut au Burkina une réconciliation nationale et cela exige une vraie approche qui ne pourrait pas reposer uniquement sur la justice, mais qui favoriserait l’amnistie dans certaines conditions .   Les membres du comité de réconciliation en Afrique du Sud, le savait bien, sans l’amnistie bien que cela ait conduit à l’amnésie dans certains cas, l’Afrique du Sud irait en guerre civile et la nation arc-en-ciel ne serait jamais née. La décision du régiment tristement célèbre et suspecté d’avoir joué un rôle prépondérant dans le meurtre de Sankara et dans les crimes de sang ; de détourner le pouvoir n’est pas un choix inintelligent. Le putsch qui est donc un crime de plus est calculé .Il fut perpétré dans le dessein de sauver, non pas un peuple en danger, mais les destins de quelques hommes : anciens dignitaires, membres du RSP.

     Les putschistes peuvent quitter le pouvoir, c’est ma ferme conviction, mais à condition de prêter attention à certaines choses. Je suis de ceux qui pensent que les sanctions ne sont pas suffisantes pour faire revenir les putschistes à la raison. Il faudrait que l’on comprenne le mobile qui les a poussés à perpétrer ce crime contre le Burkina. Ce mobile, je l’ai dit, est celui d’empêcher l’émergence des vérités nuisibles aux anciens dignitaires et les membres du RSP y compris. La plupart des sanctions éludent les causes de l’acte qu’elles condamnent. Les sanctions, partout, elles ont été brandies, ont plus pesé sur les peuples que sur les dirigeants qu’elles prétendent sanctionner les choix et les actions. Les sanctions enferment les putschistes, car elles ne donnent pas d’issue à ces individus qui finissent par ce convaincre qu’ils ne doivent plus renoncer à quoi que ce soit. Dans ces conditions, ils s’accrochent au pouvoir à tout prix et contre toute attente.   Dans un tel cas de figure, le peuple burkinabè paierait le prix fort. Ce cas est peu probable à moins que les acteurs ne refusent de faire les concessions nécessaires à la paix et au retour de la transition.

     La voie à emprunter pour le dénouement de cette situation est celle de la négociation et des compromis solides. Les médiateurs de la sous-région, l’ont bien compris. Il faut que ces négociations, ouvrent une porte de sortie honorable aux putschistes. Leur décision d’accaparer le pouvoir n’est que l’expression de leur crainte. Elle peut être tout sauf bête. Les points sur lesquels doivent porter les négociations sont :

      

                                                   Le moratoire au procès sur l’affaire Thomas Sankara                                           

     Le mandat du gouvernement de transition n’est pas de conduire à la réconciliation nationale, mais aux élections inclusives. L’affaire Thomas Sankara est très complexe et le moment est inopportun pour amorcer un procès sincère. Que les prochains dirigeants aient la responsabilité de diligenter cette affaire.

                                           L’amnistie aux putschistes

   Sans l’amnistie, les putschistes ne cèderont pas. Leur décision d’accaparer le pouvoir, offre une opportunité. Celle d’organiser des élections vraies, inclusives. Il faut une porte de sortie aux putschistes, sinon  ils ne rendront pas le pouvoir et l’avenir du Burkina s’assombrira. Quand les gouvernements démocratiques seront venus, ils se pencheront sur les meilleures conditions d’une réconciliation nationale. L’amnistie n’est pas une insulte au peuple, mais le choix de permettre l’avenir. La force ne peut pas tout, il faut des fois patienter en vue de créer de bonnes conditions pour le triomphe de la justice.

La formation  d’un   nouveau gouvernement

   Le choix du colonel Zida comme chef de gouvernement avait soulevé des insatisfactions de ses anciens camarades du RSP. Pour donner une chance à la transition démocratique, il faut un gouvernement civil et Zida doit accepter de quitter le gouvernement. Ce gouvernement à former doit être foncièrement civil. Je me suis toujours opposé aux gouvernements dits d’union nationale car ils ont toujours été inefficaces. Gilbert voudra-t-il céder le pouvoir qu’il a confisqué aux civiles et rétablir les institutions déchues ? L’amnistie ne sera pas une garantie pour mettre fin à la confiscation du pouvoir, il faut d’autres incitations et d’autres garanties. Il faut des propositions qui permettent une sortie honorable aux putschistes. Il en va de l’avenir du Burkina.  

La prorogation de la date de tenue des élections

       Il faut que le débat sur la tenue d’élections transparentes ait lieu, les conditions actuelles montrent à suffisance que les prochaines élections au Burkina pourraient être transparentes, mais pas démocratiques. Une élection en vue de laquelle on exclut, ne peut pas être une élection démocratique.

                 L’inclusion des partis politiques exclus du processus électoral

     Les partis et acteurs exclus doivent participer du processus électoral. Il faut accorder à chacun sa chance. Que le peuple burkinabè décide de qui doit conduire sa destinée, mais qu’on ne légifère pas des lois pour exclure.

                                                                                                                                

Ibrahima SANOH 

Citoyen     guinéen.

 

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