Guinée : les députés font leur entrée en piste

0 0 votes
Évaluation de l'article

GBK Enfin élus, enfin prêts à siéger, les députés guinéens vont pouvoir débattre dans l'hémicycle.

 

Ce début d'année est à marquer d'une pierre blanche pour la démocratie guinéenne. Mi-janvier, l'élection du président et du bureau de la nouvelle Assemblée nationale s'est déroulée quasiment sans accroc.

 

{jcomments on} Pourtant, après les élections du 28 septembre, les relations entre l'opposition – dont les élus contestaient les résultats du scrutin et menaçaient de ne pas siéger – et la majorité étaient, une fois encore, quelque peu tendues.

 

Il n'y avait pas eu de législatives depuis 2002. Le Parlement, dont le renouvellement prévu en 2007 avait été reporté, s'était trouvé dissous à la suite du coup d'État de décembre 2008. Et si la présidentielle de 2010 avait mis fin au régime militaire, les nombreux reports des législatives depuis décembre 2011 laissaient un fort goût d'inachevé à la sortie de crise.

 

L'installation du nouveau Parlement marque donc le plein retour du pays sur la scène démocratique. Le Rassemblement du peuple de Guinée (RPG), d'Alpha Condé, compte 53 élus. Avec les 7 sièges remportés par les autres partis de l'Alliance Arc-en-Ciel, il bénéficie d'une courte majorité de 60 députés sur 114. Une représentation relativement équilibrée, qui augure de débats mouvementés et, espère-t-on, féconds. Seul un élu persiste à refuser de siéger : l'ancien Premier ministre Lansana Kouyaté, président du Parti de l'espoir pour le développement national (PEDN). Le 14 janvier, Zalikatou Diallo, la seconde élue du PEDN, a d'ailleurs été exclue du parti, dont elle était secrétaire nationale, pour avoir décidé d'honorer son mandat.

 

D'ici à l'ouverture de la session, début avril, les députés vont pouvoir préparer leurs dossiers et peaufiner leurs stratégies pour développer le pays… Et pour les scrutins à venir. Portraits de quelques-uns de celles et ceux qui vont faire cette rentrée parlementaire tant attendue.

 

Claude Kory Kondiano

   Député du Rassemblement du peuple de Guinée (RPG), président de l'Assemblée nationale, 72 ans

 

Il se définit plus volontiers comme un technocrate que comme un politique. Banquier de formation, Claude Kory Kondiano a été élu président de l'Assemblée nationale le 13 janvier. Il a recueilli 64 voix sur 113 (contre 48 pour la candidate de l'opposition, Anne-Marie Tofany, et 1 vote nul). Originaire de Kondiadou, en Guinée forestière, cet économiste exigeant et rigoureux, militant du Rassemblement du peuple de Guinée (RPG) depuis 1992, avait le soutien du président Alpha Condé – lequel avait promis qu'au sein des institutions et du gouvernement les postes seraient répartis de manière équilibrée entre les quatre régions naturelles du pays. "Je suis président de tous les députés et de toutes les familles politiques, insiste cependant Kory Kondiano. J'ai milité vingt ans dans l'opposition, je sais combien c'est dur. Je ferai tout pour que les opposants puissent s'exprimer." Par le passé, il a eu pour élèves des ténors de l'opposition – dont Cellou Dalein Diallo, avec qui il dit entretenir d'excellentes relations. Et, au tout début des années 1990, il a participé à la création de l'Union pour le progrès de la Guinée (UPG), de Jean-Marie Doré.

 

Formé au Conservatoire national des arts et métiers de Paris, puis à Sciences-Po et à La Sorbonne, où il a soutenu une thèse sur la politique monétaire de son pays, Kory Kondiano a effectué une bonne partie de sa carrière au sein de la Banque centrale de Guinée et fut secrétaire d'État au commerce sous Lansana Conté. Désormais au perchoir, il veut se concentrer sur les grands dossiers, notamment l'économie.

 

Mouctar Diallo

Député, président des Nouvelles Forces démocratiques (NFD), 38 ans

Il incarne la nouvelle vague d'une opposition jeune, mais expérimentée et déterminée à tenir tête à la machine Arc-en-Ciel. Né en 1975 à Dakar, Mouctar Diallo participe à ses premières manifestations à l'âge de 15 ans. En janvier 2007, il coordonne la grève générale contre Lansana Conté et critique parmi les premiers le coup d'État militaire de 2008. Avec son parti, les Nouvelles Forces démocratiques (NFD), composé principalement de jeunes – parfois qualifiés "d'ambitieux" par les caciques de l'opposition -, l'activiste veut bouleverser l'establishment. Ministre de l'Élevage dans le gouvernement de transition, Mouctar Diallo entend bien jouer de son CV de révolté et veut croire qu'il est "perçu comme une menace à l'Assemblée nationale". La NFD, qui revendique plus de 58 000 sympathisants, n'y a cependant obtenu qu'un seul siège, sur la liste de l'Union des forces démocratiques de Guinée (UFDG, de Cellou Dalein Diallo). "Je ne me laisserai pas faire, nous allons dérouler notre partition pour instaurer une meilleure gouvernance", affirme Diallo. Il envisage déjà de se présenter à la présidentielle de 2020 et, en attendant, soutiendra Cellou Dalein Diallo dans l'hémicycle ainsi que pour la présidentielle de 2015.

 

Hadja Nantènin Chérif Konaté

Députée du Rassemblement du peuple de Guinée (RPG), 70 ans

 

Aux côtés d'Alpha Condé, elle a connu la clandestinité, l'exil à Paris, les manifestations dans le Quartier latin et les longues années de lutte. Leur rencontre remonte à 1963, et, depuis, elle lui est toujours fidèle. Rentrée au pays en 1992, Hadja Nantènin Chérif Konaté, surnommée par certains la Ellen Johnson-Sirleaf de Guinée ou, tout simplement, Nantou, est membre du bureau politique du Rassemblement du peuple de Guinée (RPG), dont elle coordonne la stratégie à l'Assemblée nationale. En tant que tête de liste du parti aux législatives, elle aurait dû présider la Chambre, mais elle ne le souhaitait pas. "Je préfère jouer un rôle au RPG", précise cette native de Kankan, qui a fait de la haute Guinée l'un des fiefs de l'Alliance Arc-en-Ciel, où elle mobilise et organise les soutiens depuis les années 1990. Femme politique aguerrie, Hadja Nantou Chérif Konaté était en première ligne dans les âpres négociations de l'Alliance avec l'opposition pour les postes de président de commission et de vice-président de l'Assemblée. Aujourd'hui, elle se dit confiante, prête à défendre ses idées dans l'hémicycle, et "réjouie de voir une opposition consistante et structurée. Un gage de débats démocratiques sains".

 

Anne-Marie Tofany

Députée, vice-présidente de l'Union des forces démocratiques de Guinée (UFDG), 62 ans

  Elle était la seule femme candidate à la présidence de l'Assemblée nationale. Anne-Marie Tofany, vice-présidente de l'Union des forces démocratiques de Guinée (UFDG), de l'opposant Cellou Dalein Diallo, n'a pas été élue. Mais elle n'a pas ressassé sa déception. Sitôt la victoire de Claude Kory Kondiano annoncée, elle a tout laissé en plan pour aller le saluer. "Hier, avec la majorité, nous étions dans l'adversité. Désormais, nous sommes dans la diversité. À l'Assemblée, nous sommes tous là pour la nation", résume-t-elle. Croyante fervente, active au diocèse et à l'archevêché de Conakry, Anne-Marie Tofany se tient à l'écart des batailles politiciennes. Dans l'hémicycle, elle entend soutenir les droits des femmes et répondre aux attentes de la population, notamment en matière de développement. "On ne va pas être des béni-oui-oui face à la majorité, on va défendre des idées", prévient-elle avec le positivisme qui la caractérise et dont elle a fait un slogan : "Rêver, oser, agir".

 

In JA
 

guest
0 Commentaires
Inline Feedbacks
View all comments