Un Ministère Délégué des Guinéens de l’étranger _Oui, mais pourquoi faire ?

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Évaluation de l'article

 GBK Au vu des résultats très modestes accomplis par le Ministère Délégué des guinéens de l'étranger depuis son instauration, on est en droit de se poser la question sur la pertinence de son existence. Car si l’idée d’impliquer les guinéens de l’étranger au processus de développement du pays par la mise en place de cette entité est louable, force est de constater que dans les faits c’est une coquille vide sans véritable feuille de route et dont l’inefficacité n’a plus besoin d’être démontrée.

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Cette médiocrité est-elle liée à l’insuffisance de moyens financiers du département ministériel ? S’agit-il d’un problème structurel d’organisation et de fonctionnement ? Est-ce une confusion de rôles entre le Ministère Délégué et son Ministère de tutelle ? Ou alors c’est un problème de compétences humaines dans un ministère de genre nouveau en République de Guinée ? A moins que ce ne soit tout à la fois. J’ose espérer que  cette analyse ne tombera pas dans les oreilles d’un sourd et que les personnes en charge de ce département réagiront pour apporter un éclaircissement car les citoyens sont en droit de connaitre l’utilisation faite de l’argent public.

 

Tout d’abord, il faut rappeler que ce Ministère Délégué est placé sous l’autorité du Ministère des Affaires Etrangères et des Guinéens de l’étranger qui lui délègue une partie de ses attributions parmi lesquelles : 1) Régler les questions liées à l’état civil des guinéens à l’étranger ; 2) Défendre les intérêts des ressortissants guinéens à l’étranger ; 3) Elaboration et promouvoir des politiques visant l’implication et la participation des guinéens de l’étranger à l’effort de développement national ; 4) Participer à la mobilisation et au rapatriement de l’épargne des guinéens de l’étranger ; 5) Favoriser l’accès au logement et à la propriété foncière des guinéens de l’étranger.

 

Malheureusement, à l’image des autres administrations publiques de notre pays,  les résultats n’ont pas été à la hauteur des espérances et des ambitions annoncées. Pour s’en convaincre, il est nécessaire de passer en revue chacune de ces missions et analyser ce qui est fait et ce que ne l’est pas :

 

1)      Régler les questions liées à l’état civil des guinéens à l’étranger 

 

Nul besoin de s’étendre sur la question pour se rendre compte que les seules activités liées à l’état civil qui fonctionnent dans les ambassades guinéennes à l’étranger sont celles qui sont financièrement rentables : l’émission de visas aux binationaux et aux rares touristes qui s’aventurent encore en Guinée, la délivrance de laissez-passer pour un retour volontaire ou forcé de sans-papiers, la prolongation de la date de validité des passeports. Pour tous les autres actes d’état civil il faut se rendre à Conakry et passer  par le Ministère de Affaires étrangères.

 

A titre d’exemple, compter le nombre de ses citoyens (à l’intérieur ou à l’extérieur de la Guinée) est pour un Etat une opération facile et une étape indispensable à son bon fonctionnement. Or à ce jour,  aucun ambassadeur guinéen à l’étranger n’est capable de dire avec exactitude le nombre de ses concitoyens vivant sur son territoire.

 

2)      Défendre les intérêts des ressortissants guinéens à l’étranger

 

A Combien s’élève le nombre de guinéens dont les droits sont bafoués dans les quatre coins du monde ? Qui s’intéresse vraiment au guinéen dont les avoirs légalement acquis ont été confisqués à Kinshasa, à Luanda, à Johannesburg ou ailleurs ?  Qui s’est levé pour demander justice lorsque des guinéens se font abattre comme des lapins par des policiers américains ? Que savons-nous du nombre et des conditions de vies de guinéens emprisonnés à tort ou à raison à travers le monde ? Qui s’intéresse au devenir des familles de guinéens tués à l’étranger dans l’exercice de leurs métiers ? Qui s’interroge sur les conditions de vies difficiles parfois dégradantes des étudiants boursiers guinéens à l’extérieur ? Ne cherchez longtemps les réponses à ces questions car elles se trouvent dans les questions !

 

Prétendre donc vouloir défendre les intérêts des ressortissants guinéens à l’étranger alors qu’on est incapable de défendre ceux des guinéens de l’intérieur est tout simplement démagogique.

 

3)      Elaborer et promouvoir des politiques visant l’implication et la participation des guinéens de l’étranger à l’effort de développement national

 

A ce jour, aucune politique nationale relative aux guinéens de l’étranger n’existe. Or si l’on souhaite la participation effective des nombreux guinéens de l’étranger au développement du pays, il faut leur réserver la part qui est la leur notamment sur le plan constitutionnel. Pourquoi ne bénéficieraient ils pas d’une circonscription électorale et donc une représentativité à l’Assemblée Nationale ?  Je pense que les lois peuvent et doivent être changées dans ce sens pour passer de 38 députés à l’uninominal à minimum 39 (33 des préfectures, 5 des communes de Conakry et 1 des guinéens de l’étranger).

 

Malheureusement, pour des raisons inexplicables, les guinéens de l’étranger ont toujours été marginalisés dans le processus de développement de notre pays. Pourtant, de nombreuses études ont démontré l’impact considérable de la migration sur développement des pays d’origine à travers notamment l’envoi d’argent, le financement de projets de développement, l’apport de compétences et en termes d’échanges culturels, le savoir-faire en matière de démocratie.

 

Sur le plan économique et juridique, il faut créer les conditions qui favorisent et garantissent  les investissements non seulement des guinéens de l’étrangers mais aussi des étrangers en Guinée. Mais sur ce plan, le chemin est encore très long et difficile car c’est encore la notion incontournable de démocratie et de bonne gouvernance qui refait surface.

 

4)      Participer à la mobilisation et au rapatriement de l’épargne des guinéens de l’étranger

 

A l’état actuel des choses et comme indiqué plus haut, c’est une mission presqu’impossible car le rapatriement de l’épargne des  guinéens est conditionné au mode de gouvernance et à la  sécurité de la propriété privée. Or le régime de Conakry est connu pour passer outre le droit commercial en remettant notamment en cause des contrats publics dont il est pourtant signataire. Qu’il s’agisse donc de guinéen ou non, aucun investisseur ne prendra le risque d’investir ses économies dans un pays qui ne garantit pas la sécurité de l’épargne et de l’investissement. Aujourd’hui le minimum d’épargne que les guinéens de l’étranger rapatrient au pays est celle qui concerne  l’aide à la famille et le soutien à de micros projets de développement des localités d’origine.

 

En la matière, depuis l’avènement du président Alpha Condé au pouvoir c’est surtout le phénomène inverse qui s’est produit : des hommes d’affaires guinéens ont fui le pays avec leurs capitaux pour aller s’installer à l’étranger (dans les pays limitrophes plus exactement).

 

5)      Favoriser l’accès au logement et à la propriété foncière des guinéens de l’étranger

 

C’est une problématique à laquelle sont confrontés tous les guinéens vivant à l’extérieur du pays. 

 

Ce qui s’explique par l’impossibilité de l’accès au crédit immobilier, le coût élevé d’acquisition de propriété foncière, le problème de confiance envers ceux qui sont chargés de la construction au compte des guinéens de l’étranger, le manque de lotissements publics, l’absence de banque de l’habitat, etc.

 

Et pourtant des solutions à ces problèmes existent encore faudrait-il que le travail soit confié à des personnes compétentes avec une mission claire et précise. Malheureusement ce n’est pas ce qui nous a été servi depuis 2010 par « le changement » toujours attendu du Président Alpha Condé.

 

Le Ministre délégué sortant (Madame Kaba Rougui Barry) a passé son temps à faire des annonces et des promesses qui n’ont jamais été suivis d’effet. Il s’agit entre autres : la création d’un organe consultatif regroupant les différents conseils des guinéens de l’étranger dénommé le Haut Conseil des guinéens de l’étrangers ; le recensement des guinéens de l’étranger ;  la construction de 30.000 logements pour les guinéens de l’étranger ; etc. Des discours, encore des discours et toujours des discours mais point de concret.

 

La nomination récente de Sanoussy Bantama Sow alias kempes (l’un des ministres les plus détestés des guinéens de l’étranger) au poste de Ministre Délégué ne va certainement pas améliorer la situation de ce département ministériel. Monsieur Sow a d’ailleurs lui-même pu tester à ses dépens sa popularité auprès de la diaspora guinéenne de France à l’occasion de la cérémonie récente de Miss Guinée France tenue en novembre 2013 à Paris. C’est sous des hués nourris de milliers de personnes et devant des organisateurs impuissants que le ministre s’est efforcé d’aller au bout d’une cérémonie dont il se souviendra encore très longtemps.  Plus récemment, c’est-à-dire le samedi 25 janvier 2014, des militants du parti présidentiel le RPG protestant contre la nomination d’un certain nombre de ministres dont Bantama Sow ont empêché la tenue de l’Assemblée Générale hebdomadaire du parti pour exprimer leurs mécontentements. Quant aux compétences du nouveau ministre, n’anticipons rien et jugeons-le sur les actes et rien que les actes. Mais la partie semble très mal engagée.

 

Abdoul Diaila BAH
Liège, Belgique
abdoul.diaila@gmail.com

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