30 ans après – Dissiper le spectre de Sékou Touré. (par Ourouro Bah)

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Demain,  26 mars.  Le gouvernement guinéen a demandé aux étudiants de porter du blanc pour célébrer la mort du dictateur, Sékou Touré. En réponse les membres de l’association des victimes, demandent a tout le monde de porter du rouge.

 

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Derrière cette confrontation  de couleurs se trame la tragédie négligée d’une nation.  Ici,  il n’y a  pas  seulement une volonté d’érosion de la mémoire collective due à la pression de la nécessité et à la misère rampante.  Au contraire,  le gouvernement d’Alpha Condé s’est donné pour vocation de ne jamais favoriser la paix des esprits ou  générer  la prospérité économique. Cela serait trop dangereux pour lui. A l’instar du dictateur qu’il célèbre, il a décidé de régner par et sur le chaos – comme gage de survie.

 

A un tel plan, la réponse des victimes  de la répression du PDG et  des générations  de guinéens marquées au fer rouge par les crimes du totalitarisme est encore une fois une potion d’amertume et de frustrations.  Faut-il s’étonner ? Depuis trente ans il n’y a pas eu d’action coordonnée et délibérée pour éradiquer l’héritage du PDG dont souffre la Guinée.  Des demandes sporadiques de fils de disparus sur le sort de leurs parents ont été vite étouffées par la pression de la peur. Des actions ponctuelles de revendications symboliques sur le pont des pendus et sur la préservation des cachots sont tombées  dans les oreilles négligentes du gouvernement. Désabusés par des doutes paralysants sur le silence de la nation sur cet ignoble passé, certaines familles des victimes se sont renfrognées dans le silence en tançant tous les guinéens de complicité. D’autres  ont décidé cyniquement de faire hara-kiri et donner une caution morale à l’entreprise criminelle du RPG en joignant ses rangs – au prix de quelques subsides matériels. 

 

Contre cette fuite en avant et cet espoir infondé que le temps va arranger les choses mécaniquement, il faut s’insurger. Non pas pour battre notre propre coulpe mais pour utiliser les provocations du régime afin de créer les conditions d’une lutte  au-delà d’actions symboliques; dans une entreprise de reconquête de la vérité et d’érection de la justice. A défaut, il faudra s’attendre à une répétition sans fin des actions de provocation. Quand le RPG s’écroulera sous le poids de son incurie, d’autres partis ou mouvements fascistes vont renaitre sur le terreau fertile du PDG pour pérenniser la mémoire traumatisante. Il n’y a pas de raison de changer le jeu qui réussit tant à tout gouvernant. Le mal dont le PDG était porteur  ne va pas se dissiper de lui-même avec le passage du temps. Au contraire plus l’éradication de l’impunité tarde plus le pays s’enfonce dans un marasme sans fin qui fait croire que c’est une nation maudite. Les bandits qui se succèdent au pouvoir, pour camoufler leurs tares,  répandent  astucieusement l’idée que la Guinée est  malade de ses citoyens  qui seraient tous des corrompus, des lâches, des paresseux, des malhonnêtes des envieux et autres… Derrière ce barrage insidieux ils montent la garde contre tout changement. Ils  ne changeront  que sous les coups de boutoir et l’assaut répété d’un mouvement d’avant-garde basé sur  des stratégies diverses d’éradication de l’impunité en Guinée.

 

Que faut-il pour qu’un tel mouvement prenne pied ? C’est là une question complexe qui ne peut qu’être esquissée dans un article. Pour commencer on doit éviter plusieurs écueils. Aussi quelques actions premières doivent être  engagées.

 

Parmi les écueils à éviter, il y a la tentation de la victimisation qui se traduit par un désir pervers de vouloir plaire à l’ennemi ou de chercher à tout prix à trouver des circonstances atténuantes aux criminels.   Il  y a le manque de discipline qui mène vers le suicide des  combats personnels, la résignation et le refus d’actions concertées dans des organisations cohérentes et reconnues. Il y  a le blâme du cynisme qui n’est que la justification pour les opportunistes. Il y a l’amertume et le sentiment de culpabilité qui paralysent.  Sans compter la peur du qu’en dira-t-on si virulent dans nos sociétés. Tous ces facteurs ont été un frein à  des actions effectives des victimes du PDG et de ses héritiers. Bien que les mécanismes de telles dispositions psychologiques soient connus, elles ne sont pas de mise et doivent être écartées

 

Il  y a des actions qui peuvent être mises sur chantier même avec des moyens limités. Les victimes se doivent d’organiser des manifestations hebdomadaires pour demander des comptes sur les fosses communes, les lieux d’enterrement de leurs parents et la révision des procès. Avec une centaine de personnes et à raison de 2 manifestants au minimum par semaine, chaque famille peut prendre, une fois par an la garde d’un stand devant  l’emplacement du pont des pendus ou devant le camp Boiro pour faire ces revendications permanentes. Il est fort à parier qu’au bout d’un an et  si l’action est soutenue, elle aura un retentissement de grande envergure qui va la renforcer.  Il y a aussi nécessité de faire un mémorandum complet de revendications pour la  réhabilitation des victimes et le rétablissement de la vérité. L’idée d’une fondation qui devra soutenir les efforts faits par l’auteur du www.campboiro.org a été avancée mais reste bloquée dans l’inertie.  Ces exemples d’actions permanentes sont ce qui va donner un sens  aux actions ponctuelles telles que les manifestations à l’occasion de dates anniversaires de répression. Les actions permanentes vont aussi soutenir l’engagement des jeunes dans les mouvements qui luttent pour l’éradication de l’impunité : OGDH à l’intérieur de la Guinée et  JUSTICE IN GUINEA à l’extérieur ainsi que les associations de victimes, pour préparer la relève.  Pour les députés de l’opposition dont certains sont des enfants des victimes, faire de l’éradication de l’impunité la pierre angulaire de la lutte politique n’est pas seulement une bonne tactique pour diminuer les menaces des fascistes au pouvoir. C’est faire la politique dans le sens noble de changer la nation pour de bon.

 

Historiquement, une génération est le temps qu’il faut pour que certaines vérités sortent  de l’ombre. De plus en plus, on a une image complète de ce que fut Sékou Touré grâce notamment aux écrits de ses proches, parmi lesquels André Lewin. Ses relations homosexuelles avec Cornu-Gentille, gouverneur de l’AOF, contribuèrent à son  triomphe sur des adversaires plus compétents. L’auteur a aussi produit une précise documentation sur la Neurosyphilis dont souffrait Sékou Touré, qu’il aurait transmise à plusieurs personnes de son entourage. Cette condition expliquerait les démences intermittentes et les hallucinations de Sékou Touré à la base de la paranoïa des complots récurrents.   Enfin, des discussions émergent sur l’assassinat de Diallo Yacine  que Sékou aurait inspiré avec la complicité de Mafory Bangoura.

 

Ces actions et débats conjugués d’éclairage du passé sont nécessaires pour  dissiper le spectre de Sékou Touré derrière lequel les vampires de l’ethnocentrisme se camouflent pour  lacérer la nation.

 

Ourouro Bah

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