Un opposant… à perpétuité (par Haro)un GANDHI

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 Ses fans l'appellent l'opposant historique, mais l'histoire appartient au passé. D'ailleurs, il le dit lui-même, Alpha Condé veut que la Guinée retourne en arrière, là où Ahmed Sékou Touré l'a laissée… en 1984. CQFD.

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Lors de l'assemblée générale hebdomadaire du RPG auquel il a assisté le 10 Mai dernier, le président dudit parti s'en est pris à ses adversaires pour tenter de refaire l'histoire. Fidèle à ses habitudes, il a entrepris de les critiquer, et particulièrement Cellou Dalein Diallo, pour stigmatiser le manque de résultats de ce dernier dans plusieurs domaines.

 

Le président du RPG a expliqué à ses militants et sympathisants, qu'il comptait introduire très bientôt un projet de loi qui permettrait de faire un audit sur la gestion du pays entre 2004 et 2014. Chacun remarquera la date de départ de l'audit. On aurait pu imaginer 1984, puisque pour Alpha Condé rien n'a existé pendant cette période jusqu'en 2010. En fait il choisit l'année 2004, puisqu'elle correspond à l'année où son adversaire est devenu Premier Ministre. Coïncidence ?

 

On a du mal à comprendre pourquoi l'Assemblée Nationale serait mobilisée pour faire des audits, alors que tout PRG n'a pas besoin de ladite Institution pour en faire. Sans doute veut-il occuper nos députés… pour que ceux-ci se limitent à regarder derrière et non ce qu'il fait (ou ne fait pas) actuellement.

 

Il convient de passer en revue les différents secteurs, que le président du RPG a évoqués.

 

Concernant les biens de l'État

 

Le président du RPG compte engager très bientôt une bataille contre ceux qu'il appelle les « prédateurs » du patrimoine immobilier de l'État : « la deuxième République a construit beaucoup de permanences et des magasins, nous allons bientôt publier la liste… Celui qui se réclame propriétaire d'un magasin, nous allons lui demander comment il a eu le magasin. Tous les terrains que les chefs de quartier ont vendus, nous allons aussi les récupérer. C'est là que la bagarre va commencer » a t-il annoncé.

 

Au lieu d'endosser sa tunique de juriste, qui lui aurait permis d'être soutenu par beaucoup (moi y compris) pour récupérer des biens qui appartiennent peut-être à tous – en cas de détournement, l'État a le droit pour lui -, il montre que le but n'est pas de récupérer sereinement des biens de manière indiscutable, mais de livrer une bataille contre des adversaires supposés et donc forcément ciblés. Il préjuge comme à son habitude la culpabilité de certains – comme si toutes les ventes étaient frauduleuses -, ce qui est un comble pour ce juriste, qui ne peut donc être que de pacotille.

 

En effet, il accuse Cellou Dalein Diallo d'avoir « bradé » les biens de l'État : « pourquoi le pays est à terre ? Il faut qu'on se dise la vérité. Cellou a été ministre des transports, le train marchait, Conakry-Kankan, Air Guinée aussi et on avait des bateaux. Où sont-ils partis ? » s'est-il interrogé.

 

Étant accessoirement président de la république, celui qui décide de tout, y compris de la nomination et/ou de révocation par décret présidentiel de plantons, il est bien placé pour savoir qu'un ministre ne dispose que peu de pouvoirs de décision… en dehors de celui de s'enrichir personnellement.

 

En outre, qui a mis Air Guinée en faillite ? Pourquoi voulait-on le vendre ? À qui ? Pourquoi c'est finalement un incompétent en matière de transport ferroviaire, Mamadou Sylla, qui en a hérité ? Ce dernier est capable d'indiquer quelle fut la position de Cellou Dalien Diallo dans ce dossier (opposé au rachat par un novice), et quelles ont été les péripéties – notamment financières – ayant finalement amené à son achat.

 

Dans n'importe quel dossier, les personnes impliquées sont là. Il paraît simple de leur demander. Je ne pense pas en effet, que les Guinéens soient contre la remise à plat et l'examen de nombreux dossiers, qui polluent l'atmosphère politique guinéenne, encore faut-il que certaines conditions soient respectées, comme par exemple l'intégrité, l'honnêteté intellectuelle, la diversité dans la composition des « enquêteurs » pour permettre le respect du contradictoire, et la non limitation des dossiers à ceux qui concernent les adversaires du président du RPG. À ces conditions, sans doute non exhaustives, tous les Guinéens ne peuvent que souscrire à cette initiative. Chiche ?

 

Concernant le communautarisme et le sectarisme

 

Abordant la gestion de l'ex-Premier Ministre Cellou Dalein Diallo, le président du RPG a déclaré que : « le problème de la Guinée n'est pas une affaire de peuhls, ni de malinkés, ni de soussous et autres. C'est un problème de gestion. Certains ne voulant pas montrer leur gestion passent par des questions ethniques pour ne pas que la vérité jaillisse », fustige t-il. Il est parfaitement placé pour le savoir, lui qui stigmatise, parfois insidieusement la communauté peuhle, dans le but de créer des polémiques destinées à occuper les gens, et à instiller sournoisement dans la population, le fait que les retards du pays ne seraient dus qu'à ceux qui n'ont pourtant jamais gouverné le pays, quoiqu'on en dise.

 

Il ajoute : « ceux qui ont volé, veulent se cacher toujours derrière leur ethnie pour dire ceci et cela. On peut se demander par exemple, Cellou a construit combien de routes au Fouta, ou combien de forages. Qu'il nous dise ou qu'il nous montre. Nous, nous pouvons lui montrer ce que nous avons fait au Fouta ».

 

Contrairement à la vision d'Alpha Condé de rapports de force ethniques, Cellou Dalein Diallo a été le Premier Ministre de toute la Guinée et non du seul Fouta, ce qui montre que l'expression « tout pour nous, rien pour les autres » associée à certains RPGistes, n'existe pas que dans l'imagination fertile de leurs seuls détracteurs. L'État ce sont 4 régions et non seulement celle du PRG ou du PM.

 

On rappelle que le Président de tous les Guinéens est habilité à recevoir les leaders des partis politiques, et non de réserver ses visites au seul parti, dont il est encore anticonstitutionnellement le président.

 

Enfin au cours de cette Assemblée Générale, son président a aussi évoqué la question liée à la restructuration de sa formation politique, mais aussi des préparatifs en prélude aux prochaines consultations électorales. Alpha Condé a insisté sur le fait que : « c'est seulement ceux qui sont d'accord avec la base qui vont occuper les postes de responsabilité. Il ne faudrait pas que les gens pensent que ce sont ceux là qui ont les moyens qui vont occuper les postes ». Autrement dit, lui qui affirmait éhontément qu'il ne s'immisçait pas dans la gestion du RPG, donne pourtant des consignes… qui ne souffrent d'aucune discussion.

 

Une justice aux ordres ?

 

D'abord, le président du RPG s'est adressé à ses militants en ces termes : « vous dites que nous sommes au pouvoir et qu'il n'y a pas d'argent, cela est vrai. Avant, c'était des planches à billet et des affaires de drogue, maintenant, il n'y a plus ça. Ou bien vous voulez que je fasse des planches à billet comme eux ? », s'interroge-t-il.

 

Tout en notant au passage le faible niveau de français châtié, de quelqu'un qui se dit professeur de droit, il oublie que dans son entourage figurent des trafiquants notoires. Sans doute, parce que les poursuites judiciaires sont orientées, et qu'il ne pensait évidemment pas à eux. Il est vrai que dans notre république bananière, il existe des présumés coupables avant jugement, qui doivent être incarcérés (Nouhou Thiam par exemple) et des présumés innocents avant jugement, qui doivent conserver leur liberté (Tiegboro Camara par exemple).

 

D'ailleurs, il annonce qu'il connaît le leader qui a encouragé les enfants à détruire les installations d'une société brésilienne : « nous savons quel est le leader qui a donné de l'argent aux enfants pour détruire les installations de la société AOS. C'est juste pour décourager les investisseurs », affirme-t-il.

 

Dans la foulée, il insiste en ces termes – sans doute pour faire le lien entre le leader indéterminé ci-dessus et celui qu'il va indexer ensuite : « Cellou a dit aux investisseurs de ne pas venir en Guinée, que la Guinée n'est pas en sécurité. Comment un leader peut dire que son pays n'est pas en sécurité aux investisseurs ? ».

 

Alpha Condé sait de quoi il parle, lui qui n'a cessé de torpiller les initiatives de Lansana Conté, mais il ignore sans doute que les investisseurs viennent en fonction de leurs intérêts, quel que soit le régime politique. Ces derniers n'oublient pas que les premières décisions prises par Alpha Condé lui-même (annulation par décret présidentiel d'un contrat international, d'un bail emphytéotique, nationalisation d'entreprises privées sans indemnisation, vente de droits de Simandou à plusieurs acquéreurs potentiels, accusation sans preuve judiciaire et « annulation » du permis d'un investisseur étranger, etc…) en exaspère plus d'un. Penser qu'un PRG puisse remettre en cause des investissements par sa seule volonté, est un repoussoir autrement plus rédhibitoire que les éventuelles récriminations de l'opposition. En outre, récemment un Comité non démocratique (nommé par le seul Alpha Condé) a déclaré – sans autre forme de procès – que BSGR était coupable de corruption. Circulez, il n'y a rien à voir…

 

Seuls les pays ou les multinationales ayant les reins solides, peuvent se permettre d'investir dans de telles conditions, et encore… en dehors des problèmes posés par l'absence d'état de droit, il existe également des problèmes matériels (manque d'eau et d'électricité) qui obèrent les coûts de revient. Alpha Condé qui ignore ce qu'est un investissement, ne pouvait évidemment pas le savoir, lui qui s'imagine que parce qu'il parle, on va lui donner le bon dieu sans confession.

 

De toute façon, si Cellou Dalein Diallo avait la capacité sur son seul nom, de bloquer les investissements étrangers en Guinée, cela signifie a contrario, que s'il était PRG, il aurait la capacité de les faire venir pour travailler, et non de faire de grandes déclarations et/ou promesses comme AC pour constater que tout se bloque.

 

La récupération de Simandou

 

En ce qui concerne le retrait des blocs 1 et 2 de Simandou des mains de BSGR, Alpha Condé a regretté qu'aucun leader politique guinéen n'ait félicité le gouvernement : « nous avons récupéré nos mines, Simandou 1 et 2. Quel est l'opposant aujourd'hui qui a dit bravo au gouvernement. La raison est simple, c'est parce c'est cet homme[Benny Steinmetz]qui finance leurs manifestations politiques et leurs campagnes. C'est d'ailleurs paradoxal qu'ils combattent quelqu'un qui finance leurs campagnes politiques », a t-il déploré. Comprenne qui pourra ??? cette dernière phrase.

 

« Ils ont dit dans le journal Jeune Afrique que de toutes les façons, les élections législatives auront lieu. Pour eux, ils vont gagner pour ne pas qu'on retire nos mines. Et, nous avons retiré, nous allons lancer un appel d'offre.Là encore comprenne qui pourra ??? les deux dernières phrases. Des lapsus qui entretiennent la confusion.

 

En premier lieu, Alpha Condé prend ses désirs pour des réalités. En aucun cas, les blocs de Simandou n'ont été récupérés. Il ne faut pas confondre ce qu'Alpha Condé croit avoir fait, et la réalité. Dans ce dossier ce n'est pas Alpha Condé qui décide, tout pacha qu'il croît être. S'il ne comprend pas, il n'a qu'à relire les bons papiers réalisés par… la rédaction de Guinéenews. C'est une pure opération de communication destinée à refleurir son image ternie par différentes affaires, tout en en faisant un « chantre » de la lutte contre la corruption. Mais à moyen terme, ce bras de fer juridique engagé aura des conséquences désastreuses pour la Guinée. Ce qu'Alpha Condé peut présenter à la population comme une victoire… de sa communication, ne peut même pas commencer le début d'un enfumage.

 

Par ailleurs Frédéric Cillins (poursuivi par le FBI) a plaidé coupable… du délit d'entrave à l'exercice de la justice (tentative de destruction de documents originaux entre Mamadie Touré et BSGR) et non comme une certaine presse propagandiste l'affirme, de corruption. Tout est dans la nuance de présentation. Dans cette hypothèse, BSGR pourrait encourir le paiement d'une amende au trésor américain et non à la Guinée. Les conclusions du Comité technique à la solde du gouvernement ne constituent en aucun cas une preuve judiciaire. Mais même en cas de corruption avérée, ce qui pourrait être prouvé, cela n'autorise pas pour autant Alpha Condé à retirer un permis, mais seulement à infliger une amende.

 

En deuxième lieu, on ne peut pas exiger des autres, ce qu'on ne fait pas soi-même. Tout le monde se rappelle combien d'entreprises sont ou ont été associées plus ou moins directement au Simandou (des Australo-anglais, des Sud-Africains, des Chinois, des Brésiliens, des Israéliens, des Arabes…). Si on regarde tous les investisseurs étrangers, ils sont obligés de passer par la présidence pour obtenir quelque chose. Ce n'est pas défendre les corrupteurs que de le constater simplement.

 

Soyons clairs, tous les Guinéens sont pour la défense de leurs intérêts. Mais ceux qui raisonnent s'intéressent davantage aux intérêts de la Guinée, qu'aux moyens employés par Alpha Condé pour se donner une bonne image en vue d'assurer sa réélection.

 

Sur Ébola

 

« On a fait tout un mythe autour de cette maladie, mais le palu tue mille fois plus de personnes qu’Ebola, ainsi que la méningite… Les Médecins Sans Frontières ne nous ont pas aidés, ils ont fait des communications pour qu’ils aient assez d’argent. Nous avons eu beaucoup de partenaires qui nous ont aidés ».

 

Maintenant que la fièvre semble se dissiper, le président du RPG en minimise les effets. Honte à lui. Heureusement que d'autres ne sont pas aussi inconscients. Rien n'a été fait pour lutter rapidement contre cette épidémie, et si le paludisme est plus dangereux que le virus Ébola, on se demande pourquoi on construit des hôtels (pour qui ?), mais pas d'hôpitaux. Il est vrai que nos dirigeants n'ont pas besoin d'hôpitaux, puisqu'ils en disposent au Maroc, au Sénégal, en France ou ailleurs.

 

Quant à accuser MSF – créé par Kouchner – de mercantilisme, prions pour qu'on n'ait plus besoin d'eux à l'avenir.

 

Sur sa gouvernance

 

Alpha Condé affirme encore: « à l’époque, quand ils voulaient faire un décret, ils donnaient la dernière page au président de signer, tout ce qui est dedans, il [Lansana Conté]ne connaissait pas. Mais moi, personne ne peut me tromper. Quand tu me présentes ton décret, je regarde bien de fond en combe ».

 

C'est sans doute la raison pour laquelle Alpha Condé a nommé un mort par décret présidentiel, la présidente d'une Institution qui n'existait pas encore (la HAC), la révocation d'un directeur de société privée… et j'en passe. Quand le ridicule ne tue pas.

 

En fait tout ce bruit, vise à ne pas parler de la gouvernance d'Alpha Condé, non seulement sur les droits de l'homme (les meurtres et assassinats, les tortures, l'impunité), mais également ses échecs sur le plan économique (pouvoir d'achat en berne, pas de projet minier, les fermetures d'usines et/ou d'entreprises telles Friguia, Moulins de Guinée, Sotelgui…) et les affaires financières douteuses (quid des 700 millions de Rio Tinto, des 150 millions angolais, des 50 millions congolais, des 25 millions de Palladino, des 15 millions d'Areeba, des 300 millions d'EDG contre des pièces détachées, des paiements inconnus mais pourtant réels de Rusal, des 250 millions de Sable Mining…).

 

Conclusion

 

En premier lieu, Alpha Condé montre ce qu'il est, un opposant chronique. Il devrait donc se limiter à ce rôle dans lequel il est le meilleur, et ne pas s'occuper d'autre chose.

 

En second lieu, la pré-campagne électorale a commencé, mais il ne faut pas se tromper de but, à un an de la présidentielle de 2015. Il y a les élections communales d'abord, qui sont tout aussi – sinon plus – essentielles.

 

Cellou Dalein Diallo ou un autre ne doit pas menacer, mais agir. Il doit donc porter plainte pour violation de l'article 38 de la constitution. Alpha Condé n'a strictement rien à faire à l'assemblée générale d'un parti politique, sauf à démontrer qu'il n'est que le président des militants du RPG.

 

L'article 37 stipule que : «le PRG est protégé contre les offenses, les injures et les calomnies dans les conditions que la loi détermine», mais bizarrement il n'est pas prévu de sanctionner les dérives, même verbales du PRG. Sans doute a t-on pensé qu'il jouirait naturellement d'une éducation digne de ce nom, ce qui ne correspond absolument pas au profil du président du RPG. Doit-on l'appeler « l'ex-taulard » pour équilibrer les vilenies ?

 

Avec Alpha Condé, il semble que faire savoir (qu'il n'y a rien) est plus important que de faire. Évidemment quand on ne fait rien, il est très important de s'agiter pour faire croire l'inverse.

 

 

Gandhi, citoyen guinéen

 

« Dans tout État libre, chaque citoyen est une sentinelle de la liberté qui doit crier, au moindre bruit, à la moindre apparence du danger qui la menace » (Robespierre, Discours sur la liberté de la presse, Mai 1791).

 

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