« Que le président sache qu’il est là aujourd’hui. Soit il mourra au pouvoir, soit il partira en laissant le pouvoir à d’autres personnes… »
Dans une longue interview qu'il a accordée à notre confrère Guineenews ce jeudi 10 juillet, le député et homme d’affaires Mamadou Sylla a livrée sa part de vérité dans le dossier Air Guinée. En effet, selon un rapport d’audit publié deux jours plutôt, l’allié du locataire de Sèkhoutouréyah ainsi que plusieurs hauts cadres de l’administration publique guinéenne mais aussi des leaders politiques sont incriminés dans plusieurs dossiers de malversation. Depuis la capitale française où il se trouve pour des soins, l’ex-patron des patrons a sursauté de son lit de convalescence….
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Dans la deuxième et avant dernière partie de cette longue interview, que nous vous proposons maintenant, Mamadou Sylla explique clairement la manière dont l’épave d’Air Guinée lui a été vendue. Mieux, il demande à son allié de ne pas user de son statut de président de la République pour régler des comptes à ses amis ou ennemis.
Guineenews : Mathos ! C’est qui Mathos ?
Mamadou Sylla: Mathos est un notaire. C’est lui qui a constitué le dossier de création d’Air Guinée Express. Il a même fait du bazar dans mon dossier avec Dadis. Quand les premiers militaires ont fait le premier audit, c’était pour voir si mon dossier était problématique ou pas. Le jour où Baldé, qui a été nommé président du comité d’audit en leur temps, après contrôle, a dit à la télévision que l’Etat reste devoir à El hadj Mamadou Sylla vingt millions de dollars, ses collègues (Mathos, Hann) sont venus pomper Dadis la nuit. La même nuit, ils l’ont mis aux arrêts.
Guineenews : Le général Baldé ?
Mamadou Sylla : Non ! Baldé, l’auditeur civil-là. Après, même le président Alpha l’a pris, l’a nommé avec le zaïrois ou quoi là…
Guineenews : … au comité d’audit.
Mamadou Sylla : Voilà
Guineenews : Jonas Mukamba Diallo ?
Mamadou Sylla : Exact. C’était encore lui le vice-président du comité d’audit. Il a même fini par démissionner si ma mémoire est bonne. Lui, on l’a mis en prison pendant deux mois. Tout simplement pour le fait qu’il a affirmé que l’Etat doit de l’argent à Sylla. Donc, voilà que tout est clair. Quiconque vient et tente de remuer le dossier, il finit par se rendre à l’évidence. C’est un dossier béton. Le mardi 15 juillet, je m’envolerai pour la Guinée. Puisque c’est cette affaire qui est d’actualité, une fois à Conakry, je sortirai une copie de ces documents pour qu’enfin, tout le monde sache ce qui s’est réellement passé. Déjà, à l’époque, les gens savaient mais ils s’obstinaient à ne pas reconnaître les vrais faits. Air Guinée a été liquidée, j’ai racheté l’épave. J’ai injecté de l’argent dans la nouvelle compagnie. Air Guinée Express était à moi. C’était une société avec un capital à cent pour cent privé. J’ai embauché des guinéens. Partout où la nouvelle compagnie faisait escale, j’ai ouvert des représentations dans ces pays. Tout cela, sur fonds propre. Même le comité de privatisation m’a remis des documents pour me dire que je ne dois rien à l’Etat. Le ministre des finances de l’époque a même signé un contrat de main levée que j’ai en ma possession. Si les gens pensent qu’il faut toujours réveiller les choses… Peut-être que ce sont les cadres qui sont dans l’entourage du président qui ne lui disent pas la vérité. Je ne sais pas hein ! Je ne sais pas ce qui s’y passe.
Guineenews : Air Guinée, ce n’était pas seulement l’épave. Il y avait aussi l’immeuble, le siège d’Air Guinée qu’on vous louait… (Il ne laisse pas terminer).
Mamadou Sylla : … qui était dans le contrat !
Guineenews : Qui était dans le contrat et qu’on vous louait à deux millions de francs guinéens. Une somme dérisoire, selon, le rapport d’audit. Mais que vous n’arriviez, tout de même pas à payer. Dans le rapport d’audit, il est écrit que vous devez dix mois d’arriéré au patrimoine bâti public.
Mamadou Sylla : Que je dois dix millions ?
Guineenews : Dix mois d’arriérés de loyer.
Mamadou Sylla : Mais c’est faux. C’est archi-faux. Ce que les gens ne comprennent pas, c’est que dans ce cas précis, c’est au ministère des finances que je payais. Vous savez, tout ce qui est cession de l’Etat, baux et autres, c’est au niveau du ministère des finances que ça se règle. Ce n’est pas au niveau du patrimoine bâti. Jamais. Donc, qu’ils se renseignent du côté du ministère des finances. A chaque fois qu’on m’envoyait les redevances, des factures, je les payais. Je ne peux pas payer le patrimoine bâti dans la mesure où je n’ai pas de contrat avec cette régie.
Guineenews : Pourtant, dans le rapport, il est dit que le patrimoine bâti vous a favorisé avec deux millions de francs comme loyer.
Mamadou Sylla : Non ! Je vais vous dire quelque chose d’important. Le premier qui a sorti (il ne termine pas la phrase)… Je crois que, c’est l’agent judiciaire de l’Etat qui a sorti la liste des personnes qui occupaient les biens de l’Etat. N’est-ce pas ? Savez-vous qui il est pour moi ?
Guineenews : Sow (l’agent judiciaire de l’Etat)?
Mamadou Sylla : Il me connaît mieux que quiconque. Au minimum, pendant quinze ans, il a été mon avocat. Je dis bien quinze ans ! Par conséquent, il connaît tous mes dossiers. Il connaît l’histoire d’Air Guinée. Il connaît tout. Donc, heureusement que j’ai des témoins qui sont là. Si on n’use pas de trafic d’influence, parce que c’est une réalité. Il y a des gens qui ont peur de perdre leur poste. Il y a plusieurs guinéens qui sont dans cette psychose. Si on ne leur met pas la pression dessus, ils pourront dire ce qui s’est réellement passé dans ce dossier. Ce n’est pas le patrimoine bâti qui gère. Ce sont des histoires. J’ai tous mes reçus, tous mes documents, les contrats de vente… Je les ai tous avec moi.
Guineenews : Vous n’êtes pas seul dans cette situation. Cellou Dalein Diallo, aujourd’hui, principal leader de l’opposition, était ministre en charge des transports au moment où on vous vendait Air Guinée. Dans le rapport d’audit, il est lui-aussi cité comme étant un acteur dans la liquidation d’Air Guinée. Qu’avez-vous à dire sur ce point ?
Mamadou Sylla : Mais monsieur Lamah, attendez ! Je crois que, tous les décrets que le président Alpha signe aujourd’hui, demain, c’est à lui qu’on demandera des comptes. S’il signe tous ces décrets, c’est parce qu’il est président aujourd’hui. Ou bien ?
Guineenews : Oui.
Mamadou Sylla : A l’époque, bien sûr, au ministère des transports, c’est El hadj Cellou qui était le ministre. Mais, entre Dieu et moi, c’est le président Conté qui l’a appelé. J’étais assis avec le président Conté sous le baobab au palais des nations. Il l’a appelé. A son arrivée, il nous a trouvés assis. Il lui a dit : « j’ai vendu l’ancienne Air Guinée ». Parce que les bailleurs de fonds avaient dit qu’ils n’ont plus d’argent à mettre dans Air Guinée. Ils ont même préconisé qu’Air Guinée soit vendu au franc symbolique. C’est important de le rappeler. Pendant ce temps, l’épave de l’avion se trouvait en Israël. El hadj Cellou (ndlr, Cellou Dalein Diallo actuel président de l’UFDG ; au moment des faits ministre des transports) a tout fait pour gagner de l’argent avec Cheick (ndlr, Cheick Camara, ministre de l’économie et des finances de l’époque) pour mettre en marche Air Guinée. Cheick lui a dit : «Je n’ai pas d’argent. On se bat maintenant contre les rebelles. Je ne peux pas mettre un franc dans Air Guinée maintenant parce que, ce n’est pas rentable. Si tu injectes de l’argent dans cette affaire, quand l’avion vient, c’est le personnel qui vole. On ne réalise pas de profit. Donc, ce n’est pas la peine».
C’est dans ce contexte qu’il (ndlr, le président Conté) a appelé El hadj Cellou. Il lui a dit :’’moi, j’ai vendu Air Guinée. Puisque vous dites que le franc symbolique ne vaut rien, moi je l’ai vendu à mon ami. Je l’ai vendu à El hadj Sylla à cinq millions’’. Il (ndlr, Cellou Dalein Diallo) était estomaqué. Il a demandé au président :’’ cinq millions de quoi ?’’. Le président a répondu :’’cinq millions de dollars’’. Il (ndlr, Cellou Dalein Diallo) a réagit en ces termes :’’Eh !!!’’. Mais bien avant qu’il ne parle, je lui ai dit que le président est en train de me forcer la main. D’ailleurs, j’ai tout de suite dit que je ne voulais plus de l’avion. Parce que, dans ce cas précis, c’est comme si j’achetais le nom Air Guinée. Il rétorque en disant :’’Ah ! Il y a des choses dedans’’. Même avec cela, ai-je répondu au président, je ne veux rien. L’avion coûte deux millions de dollars et non cinq millions surtout qu’il ne reste plus que l’épave de l’avion.
Prenant la parole, El hadj Cellou a dit :’’ Ah, président ! Ce qu’El hadj Sylla a dit est réel. Sur Internet, on peut savoir le prix de différents prix d’avion. Le prix que tu as fixé est excessif’’. Ce jour-là, il lui a dit :’’ je ne demande pas ton avis. Tu as déjà trouvé que j’ai conclu mon affaire. C’est fini’’, a tranché Conté. Quant à moi, quand je lui ai fait savoir que je ne voulais plus de l’avion, il m’a dit :’’non ! Tu ne peux pas refuser aussi le marché. Tu paieras l’avion à cinq millions’’. J’ai dit :’’ah ! Ça devient maintenant un décret qui tombe sur moi?’’. Il me dit :’’en tout cas, si tu veux, tu le prends. Moi, me concernant, j’ai déjà tranché’’. Voilà comment l’affaire s’est passée. A un moment donné, je croyais même qu’il (ndlr, le président Conté) blaguait. C’est ainsi que l’avion a été liquidé.
Une partie de l’argent, que j’ai payée à l’Etat, a été utilisée pour payer les travailleurs dans un premier temps. Si j’ai bonne mémoire, l’argent que j’ai payé était estimé à neuf cent quatre vingt onze millions (ndlr, francs guinéens). En tout cas j’ai fait un chèque d’un milliard, les travailleurs ont été dédommagés avec cet argent. Voilà la situation. Air Guinée a été liquidée. Dans le cas d’Air Guinée, j’étais le client. Quant à l’Etat, il était le fournisseur. Par contre, dans les autres transactions, j’étais fournisseur. J’ai fourni à l’Etat des fusils, des véhicules… L’Etat était mon client. L’audit-là (ndlr, l’audit de ffa ernst & young) avait révélé tout cela. Quand les gens disent qu’on n’a pas procédé à un appel d’offres quand je livrais du matériel militaire à l’Etat. Mais, en tant de guerre, la loi ne confère pas au président de la République le privilège de réquisitionner tous les biens qu’ils soient privés ou publiques ? Il a ce droit. Il a le droit de tout réquisitionner pour aller au front et combattre l’ennemi. Les textes le lui permettent.
Je vais vous faire une révélation. Pendant que je faisais cela, qu’on me critiquait, qu’on me traînait dans la boue, les américains ont eu vent des efforts que je fournissais pour la défense de la patrie. En ce qui concerne la sécurité intérieure de l’Etat, les américains ne badinent pas. Le maire de la ville de New york a tout fait pour être en contact avec moi. Vous pouvez vérifier. Entrez mon nom dans Google (ndlr, le moteur de recherche Google), vous verrez qu’aux Etats-Unis d’Amérique, mon nom et ma photo sont gravés là où les grandes personnalités comme Obama et autres ont les leur. Pour cet acte patriotique, les autorités américaines m’ont fait appel à New York. Elles ont fait de moi un citoyen d’honneur à New York. Elles m’ont dit que, ce que j’ai fait pour mon pays, je ne l’ai pas fait que pour la Guinée mais pour l’Afrique tout entière. J’ai fait en sorte, ont-elles dit, que la paix a été préservée en Guinée au moment où les rebelles étaient à nos portes. Cela s’est passé au moment où des guinéens me traitaient de tous les noms d’oiseaux. Pour matérialiser l’acte, ils m’ont décerné un satisfecit. Ce satisfecit, je l’ai avec moi en Guinée. Je l’ai encadré. Je pouvais m’attendre à ce qu’on ne paie pas mon argent. Mais cas même, pour le bien que j’ai fait, on aurait cas même pu me remercier avec des mots. Ou encore me donner un truc par décret pour les personnes qui ont vraiment travaillé pour le pays. N’est-ce pas ? (Il cherche l’expression). Ce qu’on donne même aux étrangers quand ils viennent ici et pour lesquels le président prend un décret en collaboration avec la chancellerie.
Guineenews : Vous élevez dans l’ordre national du mérite ?
Mamadou Sylla : Voilà ! Je m’attendais à des choses comme ça, mais pas à ce qu’on me tire dans la boue. Je donne un conseil aux hommes d’affaires guinéens et aux acteurs du secteur privé. Je leur donne ce conseil pour ne plus jamais qu’une autre personne soit victime comme je l’ai été dans cette affaire. Avec le gouvernement guinéen, ce n’est pas seulement un document qu’il faut pour travailler. Car, le jour où celui qui est avec toi quitte, celui qui viendra, réveillera toujours des choses contre vous. J’en suis victime aujourd’hui. Si vous devez faire des affaires avec l’Etat, réglez-les séance tenante. Mais s’il s’agit de crédit (il ne termine pas la phrase)… Vous savez en Afrique, c’est un malien qui m’a conseillé. Il m’a dit ceci :’’ton argent-là est trop. Quand un africain te doit beaucoup d’argent, que ce soit l’Etat ou un particulier, soit il veut ta mort, soit il veut que tu restes cloîtré à la maison pour qu’on dise, celui-là, il est fini. Parce que, quiconque vient, il t’embêtera toujours’’. Ce qu’il m’a dit, c’est la vérité.
Je dis ce que je pense, c’est le cœur qui parle. J’ai cité les témoins, ceux qui ont géré ce dossier-là, avec un sang froid et sans arrière pensée, qu’ils les consultent. Il ne faut pas qu’ils se mettent en tête qu’en relatant les faits réels, qu’ils perdront leur poste. Les cadres en fonction en ce moment étaient déjà là, bien avant que le président ne soit aux affaires. Plusieurs d’entres eux connaissent ce dossier, qu’ils lui disent la vérité. Il y a plusieurs conseillers qui l’entourent là bas qui connaissent ce dossier. Qu’ils lui disent la vérité. On meurt qu’une seule fois. Je m’adresse maintenant au président. Si c’est à son niveau que les choses sont bloquées, qu’il ne fasse pas de règlement de comptes. Il ne faut pas qu’il se dise que, c’est parce qu’il est là aujourd’hui, qu’il doit régler des comptes à ses amis ou à ses ennemis ou encore avec un tel ou un tel. Qu’il sache qu’il est musulman et qu’il mourra. Qu’il sache que Dieu existe. Qu’il sache qu’il est là aujourd’hui, soit il mourra au pouvoir, soit il partira en laissant le pouvoir à d’autres personnes. Qu’il sache que, peut être demain, lui aussi, quelqu’un d’autre pourrait lui demander de rendre compte de certaines affaires. Ce sont des conseils que je lui donne en tant que… (Il ne termine pas la phrase). Vous avez-vous-même dit que j’ai été son allié dans l’entre-deux-tours. C’est vrai que je connaissais Cellou mieux que lui.
Guineenews : Ah bon ?
Mamadou Sylla : C’est la vérité ! Mais j’ai laissé Cellou. Qu’il se souvienne de ce jour. J’ai laissé Cellou, je suis parti avec lui. Pour les législatives aussi, il m’a dit :’’mon jeune frère, tu vas partir avec moi’’. Les témoins sont là. J’ai répondu par la négative. Il m’a dit :’’non ! Tu ne peux pas bouger. Tu dois aller avec moi aux élections. Je suis ton grand-frère, tu ne peux pas me dire non’’. C’est ainsi que j’ai accepté et je suis parti avec lui. Pour ces deux cas-là, si je le conseille, pour moi, c’est un ami qui l’a conseillé. Mais aussi, qu’il sache que c’est quelqu’un qui a voulu son bonheur qui le conseille même si aujourd’hui, j’avoue, il faut se dire la vérité. Vous ne pouvez pas croire, ça fait neuf mois qu’on n’est pas en contact. La dernière fois qu’on s’est parlé, il était question des histoires de l’assemblée. Il m’a dit que c’est l’autre (ndlr, Kory Koundiano, président de l’assemblée nationale) qui sera président. Je lui ai dit qu’il n’y a pas de problèmes. Par la suite, je lui ai demandé une audience au cours de laquelle, je lui ai suggéré que je voulais être premier vice-président de l’assemblée nationale. Il a dit qu’on allait en parler après. On n’en a plus parlé après.
Guineenews : A quand remonte votre dernier contact avec le président de la République ?
Mamadou Sylla : La dernière fois qu’on s’est parlé, c’était le 21 novembre. Que ce soit au téléphone ou de vive voix. En dépit de tout ce que j’ai évoqué, je considère que j’ai fait au moins un beau temps avec lui. J’ai mouillé le maillot pour lui comme on le dit. Même si j’avais tué une personne qui lui est chère, on devait en discuter autour d’une table. Je crois que c’est le dialogue qui résoud tout problème. En somme, voici la situation qui prévaut entre nous. Je suis tranquille, j’ai la conscience tranquille. Dieu m’a donné tellement de choses. Jusqu’ici, il continue de m’en donner. Dieu m’a donné de quoi vivre, je le remercie pour cela. Je ne regarde que Dieu qui m’a créé. En aucun cas, je ne dois pas mentir sur le compte d’autrui. Quand tu as les moyens, tu ne dois pas mentir sur le compte d’autrui. Il faut dire la vérité, Dieu a dit de dire la vérité. C’est cette vérité-là que je dis. Peut être que certains la comprendront autrement, mais il est de mon ressort de dire la vérité. Je ne dois accuser personne à tort. Je fais mes cinq prières quotidiennes. Je ne trahirai jamais mon semblable, je ne mentirai à personne.
Guineenews : En deux mots, pour terminer, Cellou Dalein Diallo, qui était à l’époque ministre des transports, n’était pas au courant de la vente d’Air Guinée jusqu’à ce que le président de la République l’appelle pour lui dire : ‘’monsieur le ministre, j’ai vendu Air Guinée à cinq millions. C’est bon ou ce n’est pas bon ? ’’. Vous confirmez cela ?
Mamadou Sylla : J’ai fait ça avec le président. Sur mon jeûne, j’ai parlé de cela avec feu le président Conté. Que son âme soit en paix. C’est avec lui que j’ai parlé d’Air Guinée puisqu’on était sous l’arbre (ndlr, le baobab situé dans l’enceinte du palais des nations ; siège de la présidence sous Conté) où tout se réglait. Je précise qu’il y a des moments où il passait toute la journée chez moi, tout comme moi qui passais une partie de mes journées chez lui. Tout le monde le sait. Donc, c’est de là qu’il a dit à un motard d’aller appeler son ministre des transports, Elhadj Cellou. Quand il est venu, il lui a dit ceci :’’ah ! Vous qui dites que le truc-là (ndlr, l’avion) vaut le franc symbolique. Moi, j’ai vendu l’ancienne Air Guinée. Sylla a créé Air Guinée Express, le nom Guinée demeure dans la compagnie aérienne qu’il a créée. Je le lui ai vendu à cinq millions’’. Sur le coup, j’ai répliqué en disant :’’eh ! Le président blague. A cinq millions, je ne peux pas. J’ai dit, monsieur le ministre, vous-même vous savez combien coûte un avion identique à Air Guinée. En état de marche, un avion similaire coûte deux millions. J’ai dit que je ne pouvais pas. Il (ndlr, le président Conté) a dit que c’est une obligation’’. El hadj Cellou m’a tout de suite donné raison. Il a dit au président :’’c’est un individu. Si tu lui vends l’avion à ce prix, il ne s’en sortira pas. Pour preuve, il y a des compagnies étatiques qui font tout le temps faillite’’.
Quand vous prenez les quinze pays de la communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest (CEDEAO), combien d’Etats disposent encore de leurs propres avions ? Ils ne sont pas nombreux. Pour la simple raison que ce n’est pas rentable. Moi, j’ai goûté, ça m’a coûté de la quinine. Quand je confectionnais mes billets, je les vendais, les gens montaient dans l’avion. Les travailleurs prenaient les mêmes billets qu’ils revendaient aux passagers avant de faire main basse sur les recettes. Les agences de voyages, que j’ai accréditées auprès de ma compagnie pour aider les guinéens, pour qu’ils puissent avoir leur part, partaient confectionner les mêmes billets en cachette pour les remettre sur le marché. Mon avion était tout le temps plein, mais on ne faisait pas de recettes. Sans compter ceux que les pilotes aussi transportaient en disant que tel est mon cousin, tel autre est mon frère… Avec tous ces paramètres énumérés, les compagnies aériennes étatiques ne peuvent pas tenir encore moins celles appartenant aux opérateurs privés.
A suivre…
Lisez la prémière partie de l'interview en cliquant sur le lien suivant : Mamadou Sylla, député et homme d’affaires : « Je suis très surpris qu’on dise que je suis cité dans l’affaire Air Guinée »
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