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Dans une lettre ouverte datée du 12 février 2025, Sadio Barry, président du Bloc pour l’Alternance en Guinée (BAG), a critiqué sévèrement l’efficacité de la Communauté Économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) dans la gestion de ses propres instruments visant à garantir la bonne gouvernance politique dans la région. Il a exprimé des inquiétudes quant au risque de désintégration de l’organisation et a appelé à une réflexion sur l’avenir de la CEDEAO ainsi que sur la survie de la démocratie dans cette zone.
Lisez plutôt….!
» En cette période d’instabilité grandissante dans la sous-région ouest-africaine marquée par des coups d’État et des attaques djihadistes récurrentes, Il est logique sinon nécessaire de s’interroger non seulement sur l’avenir de cette institution, mais aussi sur la survie de la démocratie dans cette zone.
En effet, les enjeux relatifs à la gouvernance, au respect des droits humains et à la sécurité deviennent de plus en plus cruciaux pour nos États déjà fragiles. Les moyens techniques et diplomatiques de l’institution que vous dirigez semblent s’amenuiser à mesure que la pression monte au sein des pays membres. Nous estimons légitime de nous interroger sur le mode opératoire de la CEDEAO qui a la lourde responsabilité d’unir, de pacifier et de sécuriser ses États membres. Nous nous interrogeons également, et légitimement d’ailleurs, si les coups de force ayant ébranlé nos institutions démocratiques ne sont pas la conséquence directe d’un manque de fermeté et de l’impunité au sein de cette organisation sous-régionale face aux dérives politiques.
Le retrait de la CEDEAO, le 29 janvier 2025, des trois pays dénommés désormais Alliance des États du Sahel (AES), à savoir le Burkina Faso, le Mali et le Niger, ainsi que les conséquences qui en découlent, pointent du doigt un dysfonctionnement susceptible d’avoir des répercussions graves pour la démocratie, la bonne gouvernance et les droits humains au sein des autres pays membres et de toute la sous-région. Face à leur souci de légitimité et leur volonté manifeste de s’accrocher au pouvoir en dépit de leur état de putschistes, et bien entendu l’opposition d’une frange de la population, les dirigeants de ces pays frères ont préféré claquer la porte de l’institution pour bâtir des structures propres à eux, leur permettant ainsi de se soustraire aux principes et contraintes de la CEDEAO et d’échapper à d’éventuelles sanctions internationales. Au lieu de prendre des mesures idoines de dissuasion pour empêcher toute velléité d’accaparement illégal du pouvoir par ces oppresseurs et groupes armés hors-la-loi, la CEDEAO a plutôt choisi de les accompagner en y allant de main morte. Les peuples de ces États restent alors le seul rempart contre le système totalitaire et liberticide que ces juntes militaires sont en train de perpétrer contre des populations civiles innocentes.
À notre grande surprise, la CEDEAO cautionne cette position en accordant les mêmes droits et les mêmes privilèges à ces différentes populations, empêchant ainsi toute éventuelle remise en question de l’autorité des juntes fautives et irresponsables.
Devant cette situation, la CEDEAO n’est-elle pas en train de donner carte blanche aux dirigeants des pays de l’Alliance des États du Sahel (AES) et même d’encourager d’autres à leur emboîter le pas ? Ainsi, pourquoi les dirigeants des autres pays de la sous-région accepteraient-ils de se soumettre aux pressions de l’institution en respectant les règles et principes démocratiques, alors qu’ils peuvent aussi se retirer sans conséquences directes sur leurs pouvoirs ?
La CEDEAO n’est-elle pas en train de cautionner sa propre désintégration en adoptant une telle position vis-à-vis des pays dissidents du fait des juntes irresponsables et assoiffées de pouvoir qui les prennent en otage ?
C’est à juste raison que les efforts de médiation de la CEDEAO dans les crises institutionnelles au sein des trois pays fondateurs de l’Alliance des États du Sahel (AES) sont restés jusque-là sans résultats probants et que la junte guinéenne ne semble plus vouloir honorer ses engagements envers ladite Institution. À cette allure, si les populations du Mali, du Burkina Faso et du Niger peuvent toujours jouir des mêmes droits et des mêmes avantages que les populations issues des autres pays de la sous-région, cela va atténuer voire empêcher des pressions populaires et psychologiques sur les putschistes de ces pays et rien plus n’empêcherait la junte guinéenne de suivre l’exemple de ses pairs du Sahel pour garder le pouvoir à son tour en restant dans la CEDEAO pour être mieux fréquentable. Ce qui, à notre avis, encouragerait de facto la prolifération des coups d’Etat et la violation continue des principes démocratiques au sein de l’espace CEDEAO.
La CEDEAO, qui a le devoir de défendre et de protéger les citoyens de la Communauté, doit se réveiller maintenant si toutefois elle entend continuer à exister et à exercer en tant qu’organisation faîtière de la sous-région, assumant pleinement ses responsabilités. Avec la tendance actuelle de l’évolution mondiale, les élites rationnelles et visionnaires de la sous-région savent et comprennent que la CEDEAO est une institution vitale et protectrice indispensable à la sécurité individuelle et collective de nos États, ainsi qu’à la garantie de notre souveraineté sur nos ressources minières et forestières. Depuis 1999, l’organisation dispose d’un groupe militaire d’intervention permanent (FAC) que vous avez décidé de renforcer à la fin de l’année 2022. Activez-la et faites-en usage si nécessaire, mais ne laissez pas des groupes de bandits prendre les peuples de la sous-région en otage. Sinon, ces juntes pourraient provoquer des guerres ethniques qui se propageraient dans toute la sous-région CEDEAO.
Il est évident que le retrait des trois pays du Sahel a porté un coup dur à la démocratie, à la bonne gouvernance et au respect des droits fondamentaux des citoyens. Tout autre coup d’État de plus dans cet espace ou la non-gestion responsable de la crise guinéenne sonnera le glas de l’organisation et assurera le retour du totalitarisme et de l’anarchie propres aux années 1960.
Les dirigeants de la CEDEAO doivent se rappeler que l’impunité qui a caractérisé la gouvernance dans ses pays membres la décennie passée est en grande partie la cause principale des crises politiques actuelles. Fermer les yeux sur cette situation gravissime de la loi du plus fort, d’arbitraires et d’impunité au niveau sous-régional ne fera qu’affaiblir l’organisation et compromettre la paix et la stabilité en Afrique de l’Ouest.
Je vous prie d’agréer, Mesdames et Messieurs les responsables de la CEDEAO, l’expression de ma plus haute considération.
Sadio Barry,
Président du parti Bloc pour l’Alternance en Guinée (B.A.G)
Coordinateur de l’Initiative de Bruxelles pour le Changement en Guinée (IBCG) »