Guinée : des ONG exigent l’annulation de la grâce accordée à Moussa Dadis Camara

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Conakry, le 28 septembre 2025 – À l’occasion du 16ᵉ anniversaire du massacre du 28 septembre 2009, une coalition d’organisations nationales et internationales de défense des droits humains adresse une lettre ouverte au général Mamadi Doumbouya, président de la transition, pour lui demander l’annulation « urgente » de la grâce présidentielle accordée à l’ancien chef de l’État Moussa Dadis Camara.

Une grâce « incompatible » avec les obligations nationales et internationales

Parmi les signataires figurent Amnesty International, Human Rights Watch, l’Observatoire Guinéen des Droits de l’Homme (OGDH) et l’Association des Victimes (AVIPA). Ils considèrent que la décision de grâce est « incompatible avec les obligations de la Guinée en vertu du droit international ».

Les ONG rappellent notamment que, selon la législation guinéenne, le président ne dispose pas du pouvoir d’accorder une grâce tant que l’affaire n’a pas fait l’objet d’un jugement définitif, c’est-à-dire après épuisement des voies de recours (dont l’appel). En accord avec ce point de vue, la coalition affirme qu’en l’espèce, la grâce équivaudrait à « une impunité de droit et de fait ».

Le dossier du 28 septembre : un crime contre l’humanité, selon les ONG

Le cœur du litige remonte aux violences du 28 septembre 2009 au stade de Conakry, où plus de 150 personnes ont péri et de nombreuses victimes ont subi des violences sexuelles. Moussa Dadis Camara a été reconnu coupable de crimes contre l’humanité et condamné le 31 juillet 2024 à 20 ans de prison pour son rôle dans cette répression.

La lettre ouverte rappelle que la Guinée est partie au Statut de Rome de la Cour pénale internationale (CPI) et qu’elle est tenue d’enquêter, de poursuivre et de sanctionner les auteurs de crimes graves. Toute mesure d’amnistie ou de clémence qui garantirait l’impunité violerait cette obligation.

De plus, la coalition cite la jurisprudence de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples (CADHP) qui, selon elle, interdit la clémence lorsque celle-ci conduit à l’impunité pour de graves violations des droits humains.

Réconciliation, santé… et fragilité de « l’argument »

Les autorités guinéennes ont justifié la grâce au motif de la santé de Moussa Dadis Camara, ainsi que dans une optique de « réconciliation nationale ».

Mais les ONG contestent ces arguments. Elles exigent une expertise médicale indépendante pour établir l’état réel de santé de l’ancien chef d’État, et rappellent que les seuls motifs « sanitaires » ne peuvent suffire à justifier une mesure qui affecte le droit des victimes à la justice.

Quant à la réconciliation, les signataires alertent sur le risque qu’elle soit utilisée pour silencier les victimes et imposer l’oubli d’injustices sans reconnaissance ni réparation. Ils estiment qu’une réconciliation durable ne peut se bâtir que sur la vérité, la justice et la réparation.

Les ONG lancent un ultimatum moral

Face à ce qu’elles qualifient de « grâce-blessure » pour la mémoire des victimes, les organisations demandent au général Doumbouya de revenir sur sa décision et de laisser le processus judiciaire se poursuivre, en toute autonomie et sans délai.

Elles mettent également en garde que l’inaction de la Guinée pourrait conduire la CPI à reconsidérer son implication dans ce dossier. La possibilité d’une mise sous pression internationale demeure présente.

À noter qu’en cette date anniversaire du massacre, le débat autour de la grâce accordée à Moussa Dadis Camara ne relève pas seulement du domaine interne – il touche aux engagements régionaux et internationaux de la Guinée et à la crédibilité de sa justice.

Gbassikolo.com

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