Recours du Bloc Libéral : « à ce stade, juridiquement fragile… », selon le juriste Kalil Camara

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Le recours déposé par le Bloc Libéral (BL) à la Cour suprême pour l’annulation du nouveau code électoral et la dissolution de laDirection Générale des Élections (DGE) continue de susciter débats et réactions. Le juriste Kalil Camara, dans une analyse juridique approfondie, remet en question la recevabilité de cette démarche, en soulignant ses limites au regard des textes constitutionnels en vigueur.

Selon lui, bien que la requête du parti de Dr Faya Millimouno repose sur des réclamations qui peuvent être juridiquement fondées, elle risque d’être déclarée irrecevable pour défaut de qualité ou d’intérêt à agir. En effet, en matière de contrôle de constitutionnalité des lois avant leur entrée en vigueur, seules certaines institutions ou personnalités sont habilitées à saisir la Cour : le président de la République, le Premier ministre, le président de l’Assemblée nationale, certaines commissions nationales, ou un dixième des députés ou sénateurs.

Or, le Bloc Libéral, en tant que parti politique, ne figure pas parmi les entités mentionnées dans la Constitution. S’il a introduit son recours avant l’entrée en vigueur du code électoral, la Cour pourrait le rejeter d’office pour défaut de qualité.

Après l’entrée en vigueur d’une loi, un autre mécanisme de contrôle constitutionnel reste ouvert, mais uniquement par voie d’exception. Cela signifie que le recours ne peut être introduit que dans le cadre d’un litige concret, où une personne s’estime lésée par une disposition législative jugée inconstitutionnelle.

Dans ce cas, un justiciable peut demander à la juridiction saisie de transmettre la question à la Cour constitutionnelle. Toutefois, précise Kalil Camara, le Bloc Libéral n’est actuellement impliqué dans aucun contentieux de fond devant une juridiction, ce qui rend cette option pour l’instant inopérante.

L’autre angle d’attaque du Bloc Libéral vise le décret présidentiel de promulgation du code électoral, en alléguant son illégalité. L’article 142 de la Constitution impose en effet un contrôle préalable de constitutionnalité pour les lois organiques, comme le code électoral, avant leur promulgation. En l’espèce, ce contrôle ne semble pas avoir été effectué, ce qui pourrait entacher la légalité du décret.

Cependant, ce recours soulève une question complexe, le décret de promulgation est-il susceptible de recours ? La jurisprudence administrative, notamment en droit français, qualifie ce type de décret d’acte de gouvernement, donc insusceptible de contrôle juridictionnel. Reste à savoir si le juge guinéen s’alignera sur cette interprétation, ou s’il choisira de s’en démarquer.

Au-delà des aspects strictement juridiques, cette initiative du Bloc Libéral s’inscrit dans un contexte politique tendu autour de la réforme électorale. En contestant la validité du code électoral et en demandant la dissolution de la DGE, le parti cherche manifestement à ouvrir un débat sur la transparence et la légitimité du processus électoral à venir.

Mais sur le plan du droit, conclut Kalil Camara, le recours du BL semble, à ce stade, juridiquement fragile. Seul un contentieux électoral à venir pourrait éventuellement lui permettre de relancer l’offensive, cette fois par la voie d’exception, en soulevant l’inconstitutionnalité du code devant une juridiction compétente.

 

Aboubacar Sidiki Camara

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