Dans le contexte chaotique actuel qui est le nôtre, il n’est pas superflu de préciser brièvement, des expressions abondamment utilisées par certains de nos « leaders »politiques et par d’innombrables internautes. L’usage qu’ils en font, n’est pas toujours heureux. A les écouter ou à les lire, on perçoit qu’ils ont une connaissance très superficielle ou approximative des notions comme « Chef de file de l’opposition, Démocratie, … ».
{jcomments on}
De ce fait, le pouvoir auquel ils sont opposés, ou auquel ils déclarent être opposés, s’engouffre aisément dans les espaces juridiques inconstitutionnels à la création desquels ils ont eux-mêmes prêté leur concours. Le nombre impressionnant de « politologues » et de « juristes » improvisés qui se manifestent ici et là, rend encore plus compliqué, l’exercice auquel je vais devoir me livrer.
C’est de clarté dont nos « leaders » politiques ont besoin. Et d’ailleurs, pas seulement eux. Car faute de savoir ou pouvoir nommer avec exactitude la réalité qu’on prétend transformer, on ne fait que la maintenir en la dénaturant, mais de façon catastrophique. En ont-ils conscience ? -Possible. Mais peut-être, par orgueil personnel, à mon avis mal placé (ce qui caractérise le GUINEEN formaté par la « culture »PDGISTE de M. Sékou TOURE), ils préfèrent employer des notions trouvées ici ou là, le plus souvent dans les discours politiques et économiques français, même s’ils en ignorent le sens, ou le maîtrisent très mal. S’inspirer de ce qui se dit ou se fait en France ou ailleurs, peut avoir du bon. Mais il faut au préalable, s’assurer que les conditions, les circonstances et le contexte général de notre pays s’y prêtent, avec pertinence.
Ainsi, on parle à longueur de journée ou de clavier, de « Chef de file de l’opposition », ou de « démocratie » quand il s’agit en réalité d’ « élection ».
Premier commentaire : « Chef de file » de l’opposition :
Dans une démarche tactique visant à favoriser sa « réélection » en 2015, M. Alpha CONDE a entrepris de rebâtir à sa convenance, un statut de l’opposition, différent et contradictoire avec ce que préconise le texte qui tient lieu de « constitution, spécialement écrite pour lui parce que, en 2010, sa cooptation était déjà décidée plusieurs mois avant l’organisation même du scrutin présidentiel.
Or, Dans la configuration politico-juridique du régime politique guinéen, la notion de « Chef de file » de l’opposition est une aberration politique grossière. S’en prévaloir, au seul et unique motif qu’on a un plus grand nombre de députés, est une naïveté, heureusement sans conséquence. Mais il y a infiniment plus grave. Car l’instituer par une Loi, comme vient de le faire le gouvernement guinéen, est une faute majeure de droit.
Une faute majeure de droit : les partis politiques sont des Associations dont l’objet est de prendre le pouvoir politique par les moyens légaux, et ainsi disposer des outils qui leur permettent de réaliser concrètement le projet ou le programme sur lequel ils auront été élus. Ils ne diffèrent d’une O.N.G., ou d’une Association sportive ou culturelle par exemple, que par leur OBJET.
Ils sont indépendants les uns des autres. En d’autres termes, chaque parti est « souverain ». Il ne peut avoir de porte-parole « attitré » autre que celui ou celle qu’il aura librement désigné pour cette fonction. Il a son statut, son ou ses responsables, son projet politique, économique et social qui peuvent être différents de celui des autres partis avec lesquels il est, ou sera en concurrence électorale tôt ou tard. De ce point de vue, la « souveraineté » d’un parti qui a un, ou deux, ou trois… députés a exactement le même poids que celle d’un autre qui en aurait 30, 40. Politiquement, il en sera ainsi tant que ces partis n’auront pas décidé d’eux-mêmes, librement, de renoncer à une partie de leur « souveraineté » pour former, provisoirement ou durablement, une entité encore plus forte. Ainsi, par exemple l’U.F.R. et d’autres partis ont décidé de s’allier pour former un groupe parlementaire. Le R.P.G., l’U.F.D.G. ont fait de même. Mais ces différents regroupements procèdent de volonté souveraine des personnes morales de droit privé (partis politiques) et non d’une Loi, même votée. De ce fait, chaque groupe parlementaire a son « Chef » qui en est le porte-parole attitré. Faut-il le préciser, dans un système de « démocratie » même balbutiante, on ne peut exiger d’un parti qu’il d’accepte comme « porte-parole attitré » ou chef de file, le leader d’un autre parti qui n’est autre que son concurrent sur le plan électoral, ou de se laisser représenter par lui.
Imagine-t-on une seule seconde, le leader du P. E.D.E.N. ou de l’U.P.G. se déclarer, en raison d’un nombre de députés, « chef de file » ou porte-parole « attitré » de ses compétiteurs (U.F.R., U.F.D.G…..) qui par ailleurs ne l’ont pas choisi ?
C’est dans un régime parlementaire bipartite (2 partis) qu’on peut parler de « chef de file » de l’opposition, l’autre parti étant au pouvoir, donc majoritaire. Même dans un système parlementaire (système où l’exécutif tient son pouvoir de l’investiture reçue des députés), s’il y a plus de deux partis politiques, la notion de « chef de file » de l’opposition perd toute pertinence. Et aucune Loi ne peut dans ce cas, imposer valablement (au plan constitutionnel) un « chef de file ». Au demeurant, le régime politique guinéen est « présidentiel », c’est-à-dire un système où c’est une personne qui est directement élue à la magistrature suprême par ses concitoyens. Il ne tient pas sa fonction des partis politiques, mais directement de ses concitoyens qui l’ont élu. Mis à part le parti dont il est issu, il n’a pas à se mêler de la vie des partis politiques.
Faire « voter » le statut de « chef de file et porte-parole attitré » de l’opposition est tout simplement un « truc » politicien
Se dire « chef de file » d’une opposition composée de partis politiques différents dans leur philosophie, représentés au parlement pour certains, et extra-parlementaires pour d’autres, parce que, on a 20, 30 ou 35 députés, fait plutôt sourire. Le bénéficiaire peut certes s’en prévaloir pour obtenir des prébendes et autres préséances protocolaires auprès de son inventeur lequel, demandera évidemment en contrepartie une docilité certaine, puisqu’il l’aura achetée. Tout cela n’a rien à avoir avec la constitution, ni avec la vie politique normale. Il s’agit juste d’un petit arrangement entre politiciens dont le pays ne voit pas très bien l’utilité pour la Nation dans sa totalité.
Doit-on considérer que les autres partis de l’opposition sont désormais dans un rapport de subordination et qu’ils devront allégeance au « chef de file », « porte-parole attitré » ? Dans la négative comme c’est probable, va-t-on les contraindre, puisqu’il y a une Loi, à se soumettre à celui qui n’est qu’un de leur concurrent ? Dans l’affirmative, peut-on encore parler de démocratie, même balbutiante ?
Les manœuvres politiciennes font partie de la vie politique. Il n’est donc pas anormal qu’on en use en Guinée aussi. Mais il ne faut pas raconter à nos compatriotes, des fariboles comme cette histoire de « chef de file de l’opposition ». Nos compatriotes aussi méritent respect.
Démocratie et élection : Il peut paraitre à certains, inutile de revenir sur ces deux notions qu’ils pensent être compris par tous. Or l’emploi quotidien et répété de ces deux concepts n’indique pas forcément que c’est le cas.
L’élection n’est pas la démocratie, et elle n’a pas à être démocratique ou pas. Une élection a à être libre, transparente et honnête ou pas. Si ces conditions sont remplies, on dit que l’élection est valable. Dans le cas contraire, il s’agit tout simplement d’un arrangement « électoral » comme celui qui a porté M. Alpha CONDE à la tête de notre pays, alors qu’il n’y a aucune ATTACHE, même émotionnelle. Néanmoins, l’élection reste une des composantes de la démocratie. Mais la démocratie ne peut être réduite à une seule composante.
On parle d’élection lorsqu’il y a plusieurs « possibles » entre lesquels il faut faire un choix. On peut dire qu’une élection est un procédé par lequel les citoyens révèlent leur préférence dans la multiplicité des projets politiques qui leur sont proposés. L’élection est une affaire de nombre. Les plus nombreux l’emportent, ce qui ne signifie pas qu’ils ont nécessairement et définitivement raison. Il est possible qu’entre le moment où la majorité a « gagné » et le moment où elle met son projet à exécution, les électeurs aient changé d’avis, partiellement ou totalement. La démocratie, c’est aussi la prise en compte de ce changement de l’état de l’opinion, toujours possible. La démocratie, d’admettre que la minorité provisoire a exactement les mêmes droits que la majorité provisoire. La démocratie est un processus continu, l’élection est un instant. Avoir reçu le plus grand nombre de suffrages, ne fait pas du bénéficiaire le propriétaire du pays ou de l’Etat.
L’élection n’est pas la démocratie. Les pires dictateurs invoquent toujours des « élections » qu’ils auraient gagnées pour fabriquer leur propre légalité dont ils exigeront par la suite le respect. Aucun être humain sensé ne peut respecter leur légalité, parce qu’elle est ILLEGITIME. Exemple : l’Apartheid en Afrique du Sud était bien légal. Les députés qui ont codifié ce racisme d’inspiration hitlérienne étaient élus « démocratiquement ». Question : Les NOIRS légalement bestialisés en Afrique du Sud d’alors, auraient-ils dû restés dans la « légalité » fabriquée spécialement contre eux, par un parlement élu ?
Distinguons la Démocratie de l’élection.
Mamadou Billo SY SAVANE