Les mercredis 18 mars et 25 mars 2015 le Président Alpha Condé a présidé deux cérémonies au palais du peuple. Ces différentes cérémonies ont manifestement un parfum de campagne électoraliste. N’oublions pas que 2015 est une année électorale en Guinée.
-Le mercredi 18 mars 2015 le Médiateur de la République, le Général Facinet Touré a prêté serment devant le président Alpha Condé qui l’a nommé à ce poste en 2011 pour sept ans non renouvelable.
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Il a fallu donc attendre quatre ans pour que Monsieur Facinet Touré soit officiellement investi à son poste de médiateur, juste sept mois avant le premier tour de l’élection présidentielle !
Nous guinéens, sommes aujourd’hui en droit de demander si monsieur Facinet Touré a été payé sur nos deniers publics en échange de quel bilan ?
-Le mercredi 25 mars 2015 le président Alpha Condé a présidé au lancement des consultations nationales du processus de la réconciliation nationale. Là encore cette commission de réflexion sur la réconciliation nationale a été créée en juin 2011 par le avec l’appui du président de la république.
Depuis sa création le bilan de la commission d’après Monseigneur Vincent Coulibaly se résume ainsi : l’obtention d’un siège national, et des sièges des antennes régionales- l’organisation des prières dans des mosquées et dans les églises pour le repos de l’âme des disparus- et l’organisation des voyages d’études !
Le bilan de cette commission paraît bien maigre, compte tenu de la quasi-destruction du tissu social du pays, de l’insécurité, de la violence endémique, avec en toile de fond une impunité totale.
Depuis quatre ans qu’est-ce que le régime actuel a fait concrètement pour une vraie et réelle réconciliation. Rien ! Trois fois rien. Au contraire ; le régime a contribué à diviser d’avantage les guinéens.
Depuis l’élection présidentielle de 2010 la situation socio-politique de la Guinée s’est dramatiquement dégradée. La Guinée est un pays plus que jamais bloqué par manque d’un Dialogue sincère inter-guinéen, dont le seul responsable est et demeure le président de la république.
Voici ce que j’écrivais en Mai 2013.
« Monsieur le Président de la République pour lever l’hypothèque politique de la Guinée, admettez désormais qu’il devient nécessaire de procéder à une vraie réconciliation nationale, qui passe par un dialogue direct, (sans intermédiaire) franc et sincère avec l’opposition républicaine et l’ensemble du pays. »
Dans son discours sur la réconciliation nationale de ce mercredi 25/03/2015 au palais du peuple, trois idées principales se dégagent :
1-La réconciliation doit prendre du temps, il faut de la patience.
2-La réconciliation repose sur la nouvelle génération.
3- Les guinéens ne s’aiment pas !
Je le cite :
« La situation en Guinée est très complexe parce que l’anarchie s’est installée pendant longtemps, le non-droit, l’absence du respect des droits civiques, il faut du temps. Quelqu’un qui est habitué à un certain comportement, à frapper le prisonnier, vous ne pouvez pas en un ou deux mois, le changer…
« L’espoir de la réconciliation en Guinée, c’est la jeunesse parce qu’elle n’a pas participé à tout ça. Cette jeunesse n’a pas ce passé lourd, ni ces mauvaises habitudes. Donc, il faut la patience. Il faut que progressivement les nouvelles générations, qui vont venir, nous aident à condition qu’elles ne soient pas intolérantes elles-aussi. ..
Mais le grand problème, le guinéen n’accepte pas l’autre. Un diplomate m’a dit un jour : ce qui est grave en Guinée, est que le Guinéen n’aime pas le Guinéen, le Guinéen n’aime pas le bonheur de son voisin. J’étais ulcéré venant d’un diplomate mais quand je regarde la réalité, il n’a fait que peindre la réalité. Il faut toujours poser la question. Les mêmes ethnies, les mêmes familles étaient là en 1958. »
Tout le pays voit que le président Alpha Condé aime amuser la galerie et veut jouer une fois de plus sur la naïveté de certains guinéens. Cela commence à bien faire.
Lorsqu’il est venu au pouvoir en 2010, c’était justement pour changer la situation qu’il décrit, cette mal-gouvernance qui ronge la Guinée comme un cancer.
Le président Alpha Condé se comporte comme un médecin, qui au chevet de son malade se contente de décrire les signes cliniques de la maladie, mais ne propose aucun traitement !
Voici ce qu’en disait déjà notre regretté frère et ami Pr Alfa I. Sow.
« La société guinéenne certes est bien malade depuis des décennies, seule la conférence nationale souveraine peut nous unir à nouveau après nous avoir réunis pour nous expliquer et discuter : oser nous regarder en face : savoir afin ce qui nous est arrivé ; promettre solennellement et collectivement que cela ne se reproduira plus jamais ; demander pardon aux familles et amis des victimes ; réparer moralement et se souvenir collectivement des crimes et des forfaits commis… C’est cela la saine réconciliation, et la preuve que l’inoubliable horreur pourrait tout de même se pardonner. Ce serait la preuve que nous voulons nous corriger, nous ressaisir et promouvoir notre pays dans le respect de la justice et du droit. » Professeur Alfa Ibrahima Sow. (Paix à son âme)
Contrairement à ce qu’affirme le président Alpha Condé :
La réconciliation en Guinée ne peut plus attendre.
La réconciliation n’est pas uniquement l’affaire de la jeunesse.
Les guinéens ne s’aiment pas ! Qu’est-ce que le président de la république a fait pour que les guinéens s’aiment et s’entendent d’avantage ? Est-ce qu’il les a appelés tous en tant premier magistrat à un vrai et sincère dialogue afin de trouver un consensus aux problèmes qui concernent l’ensemble du pays. Depuis son élection, est-ce que le président a daigné rencontrer une seule fois l’ensemble de l’opposition pour parler des questions d’ordre national, comme la fièvre hémorragique à Ebola ?
Aujourd’hui la réconciliation est non seulement devenue une nécessité, mais surtout c’est devenu une urgence vitale pour le pays, qui est au bord du chaos tellement le blocage est total.
La réconciliation ne peut attendre que les enfants des victimes de camp Boiro la fassent.
C’est trop facile Monsieur le président de fuir ses responsabilités pour les reporter sur la jeunesse. Ce n’est pas la jeunesse qui a commis les crimes du camp Boiro, ni ceux de 1985, de 2006, 2007, du 28 septembre 2009.
La réconciliation est devenue le talisman des religieux et le gri-gri de la mouvance présidentielle. La mouvance présidentielle a galvaudé le terme de la réconciliation dans notre pays dans le seul et unique but de noyer le poisson!
En effet tout le monde parle de réconciliation dans les séminaires, dans les mosquées, dans les associations de jeunesse, dans la société civile, dans l’armée, dans les partis politiques….
La réconciliation nationale ne se fera pas par de simples incantations ou par des conciliabules en catimini !
Aucune réconciliation ne peut se faire sans un vrai et sincère dialogue pour dire la vérité, et rendre justice aux victimes et leurs familles, qui pourront enfin pardonner. Sans ce Pardon la société guinéenne ne peut pas s’humaniser et guérir de ses multiples tares héritées du passé.
Certains guinéens prétendent que ce débat n’est plus d’actualité, que la Guinée n’est plus en transition, que la Guinée est en démocratie. Aucun guinéen sérieux et sincère ne peut nier le blocage actuel du pays. Aujourd’hui il faut à la Guinée ce débat national car:
« L’enjeu de ce débat dépasse largement le destin d’un homme et d’un régime pour concerner le présent et l’avenir de tout un pays et ses habitants. » Pr Alfa I Sow.
Vive la Guinée
Vive la Paix.
Dr.B. Diakité