Journée de violences à Conakry. Malgré les nombreux appels au dialogue du camp présidentiel, l’opposition guinéenne a préféré mettre ses menaces à exécution en faisant descendre ses militants dans la rue pour affronter le régime en place. Non sans risques. Car depuis le début de ces nouvelles menaces de paralyser la capitale, le gouvernement, à travers ses commis appelle au calme et à la reprise du dialogue. Sans succès pour le moment…
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C’est une décision surprenante à bien des égards. Alors que les leaders de l’opposition multiplient les actions de désobéissance de tous ordres dans les cinq communes de la capitale, Alpha Condé temporise ! Bien malgré certains de ses partisans, le numéro Un guinéen refuse d’en découdre avec son opposition. Laissant le soin aux forces de sécurité de rétablir l’ordre là où cela est nécessaire. La Loi anti-casseurs encore en vigueur ? Elle peut rester dans les tiroirs. Le président n’en a pas besoin. Tactique politique ? Sagesse tirée de sa longue lutte pour la conquête du pouvoir ? Peur d’embraser le pays ? Refus de tomber dans le piège d’une possible intervention de l’armée ? Tout y est… Et pourtant !
L’appétit vient en mangeant. L’opposition guinéenne semble faire de cette devise son cheval de bataille depuis l’arrivée au pouvoir d’Alpha Condé. Le président guinéen ayant jusque-là cédé à presque toutes les revendications de ses opposants, ces derniers n’hésitent plus à défier son pouvoir ouvertement et de façon ostentatoire, contestant même sa légitimité, refusant désormais d’envoyer une « banale » lettre d’information aux autorités locales pour organiser ses manifestations ! Au motif que les mairies sont dans une parfaite illégalité. Exacerbant les tensions politiques et sociales avec leurs corollaires de destructions de toutes sortes. Fermant du coup les portes du dialogue tout en ouvrant celles du chaos et de la chienlit. Comme objectif à peine voilé, le renversement du régime par l’armée et l’instauration d’une nouvelle transition militaire. Comme si le long règne de Lansana Conté n’était pas suffisant, comme si le grave accident de l’Histoire qui a porté Moussa Dadis et ses compères à la tête de la Guinée n’était pas assez dramatique pour ce pays longtemps maudit par tous les dieux! Les leaders de l’opposition guinéenne qui appellent de tous leurs vœux au changement par des manifestations et autres soulèvements populaires ne semblent pas avoir tiré les leçons des douloureux événements qui continuent d’endeuiller bon nombre de pays africains et arabes qui ont choisi cette forme d’accession à la magistrature suprême. Car, qu’on l’écrive ou pas, il est désormais établi que si la force peut mettre fin à des régimes aussi puissants que ceux de Kadhafi en Lybie, rien n’indique que ceux qui ont orchestré ces raccourcis profiteront pleinement des fruits de ces tragédies. Au contraire…
Alpha Condé, dont la capacité de mobilisation de ses militants quand il dirigeait l’opposition ne faisait l’objet d’aucune contestation sous le règne de Lansana Conté, refuse catégoriquement aux va-t-en-guerre de son régime de lui dicter sa conduite vis-à-vis de ses opposants. « Je ne veux pas gouverner un champ de bataille, encore moins un pays en guerre », aime-t-il à répéter, à ceux qui en privé, lui reprochent de plus en plus son manque de « poigne » face à certaines dérives et provocations. Lui qui a passé plus de deux ans de sa vie en prison, ayant connu les affres de l’exil et des condamnations à mort par contumace, préfère revêtir des gants de velours pour affronter dans les urnes ses adversaires qui contestent son bilan. Il sait qu’en instaurant la répression face à l’hostilité de l’opposition il a plus à perdre qu’à gagner. Résultat : plus les opposants font monter les enchères, plus le pouvoir temporise. Mais jusqu’à quand les colombes des deux camps pourront-elles tenir enfermés dans leurs cages les extrémistes de tous les bords ?
Ce qui est certain, la tâche du ministre de la justice Maitre Cheick Sacko, président du dialogue inter-guinéen, n’est pas simple dans ce contexte où la confiance semble totalement rompu entre le pouvoir et l’opposition. L’homme de Droit qui tient à s’appuyer sur le droit pour poursuivre son travail de conciliateur entre les deux camps, ne peut que constater, la mort dans l’âme, la détérioration du climat politique sur le terrain. Avec la radicalisation des positions de l’opposition, il est fort à parier que le dialogue tant prôné est dans une impasse. Faut-il alors commencer à comptabiliser les morts et les blessés avant de finir par se parler ? Malheureusement on est tenté de répondre par l’affirmative. En attendant les prochaines manifestations des opposants ainsi que les futurs appels au dialogue de la majorité.
Aladji Cellou