En politique, faut-il privilégier la réussite ou la morale ? La question est souvent revenue sans avoir jamais été tranchée. Entre Platon qui croit que le but de la politique, c'est d'instaurer un ordre social, conforme aux principes de la morale, et Machiavel qui affirme, '' l'indépendance de la politique par rapport aux valeurs morales ‘‘, les politiques sont parfois perdus. Car si la morale est utile à leur action, la réussite est leur but. Surtout qu'il peut y avoir incompatibilité.
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Comme toujours, en Guinée, la mémoire, autant que l'indignation sont sélectives. La Guinée a besoin de justice et de vérité pour toutes les victimes de toutes les tragédies qui jalonnent son histoire. Notamment le drame du stade du 28 septembre plus récent, il est vrai, mais d'autres victimes d'autres crimes contre l'humanité attendent encore et depuis trop longtemps que justice soit rendue. Depuis que Alpha Condé, lui-même, est au pouvoir, beaucoup de citoyens guinéens ont été tués dans des manifestations pacifiques, d'autres ont péri dans la vague de répressions sauvages du régime en place. Jamais, il n'a été demandé des comptes à Alpha Condé. Ou faut-il attendre qu'il perdre, lui aussi, '' l'immunité'' du pouvoir pour le traduire devant la justice pour ses nombreux crimes ? L'impunité est le mal de la société guinéenne. Il est du devoir de chacun d'y mettre fin. Cependant, on ne peut exiger la justice pour les uns et excuser les autres. Ce serait aussi une injustice. Or, aujourd'hui, l'on veut pratiquer une justice à deux vitesses. C'est pourquoi, on s'intéresse à certaines affaires plus que d'autres. Si l'Etat est une continuité, la justice aussi ne doit pas se limiter à certains ou à une certaine époque. Et pourtant…
Malgré les événements tragiques de juillet 85 dont les principales victimes sont les Malinkés, la communauté à laquelle Alpha Condé dit appartenir mais aussi sa base électorale de toujours, il défend l'héritage de Lansana Conté, chef de l’Etat, au moment des faits. Alpha Condé compte aussi dans son entourage proche de nombreux collaborateurs parmi les plus zélés de l'ancien président. Qui lui a parlé de morale ? A-t-on conclu à une trahison de ses militants, de ses soutiens, qui ont été les grandes victimes de la purge de juillet 85? Lui a-t-on rappelé ses Fatwas contre Conté et son régime qu'il a combattus à mort ?
Le massacre du stade du 28 septembre est une page horrible de l'histoire récente de la Guinée qui ne peut être passée en pertes et profits. Cependant, faut-il s'en prendre à ceux qui réclament justice pour les victimes et leurs familles, y compris le capitaine Dadis Camara, ou s'indigner contre Alpha Condé et son régime qui ont retardé et piétiné l'instruction du dossier pour des calculs politiques et des visées bassement électorales ?
Comble de l'indignation, c'est ce pouvoir qui, à l'occasion de chaque manifestation pacifique de l'opposition, tue des innocents, ce pouvoir-là, ayant sur la conscience la mort de centaines de Guinéens qui demande de respecter la mémoire des victimes du 28 septembre et revendique en leur nom la justice. Un homme comme le député Damaro Camara qui a les mains tâchées de sang, ose parler d'alliance contre-nature entre Cellou et Dadis, sous le prétexte que l'un serait victime de l’autre. Lui, poursuivi par le fantôme de Diarra Troré livré à la mort par lui, nous apprend que la morale interdit aux deux hommes de s'unir pour le progrès de leur pays. C'est maintenant au pouvoir honni de tous de '' conseiller'' l'opposition et de dire à ses leaders ce qu'ils doivent faire ou non.
En vérité, tant que Dadis Camara se tenait tranquille et loin de la Guinée et paraissait bienveillant à l'endroit de Alpha Condé et de son régime, il était le partenaire idéal, maintenant qu'il a décidé de prendre en main son destin, il ne serait plus fréquentable. Le candidat '' boiteux'' du RPG et sa cour, après avoir usé de tous les moyens et tous les droits en politique pour se hisser au sommet de l'Etat, voudraient maintenant fixer aux autres les limites de la morale à ne pas franchir et définir pour tous les règles et principes en politique.
En tout état de cause, à ce stade de l'évolution politique et sociale de la Guinée étranglée par l'injustice, une Guinée où règne l'arbitraire total, la quête légitime de justice des Guiéens doit-elle être opposée à l'urgence de l'alternance qui rétablira chacun dans ses droits et arrêtera aussi le chaos en marche ?
Dadis-Cellou: une alliance politique, un pacte social
L’’UFDG, à qui il est reproché de viser une hégémonie ethnique, est critiquée aujourd'hui par les mêmes, les rares partisans encore du pouvoir, de se montrer capable de nouer des alliances, y compris, celles jugées improbables ou qualifiées de contre-nature. L'alliance envisagée entre le capitaine Dadis Camara et Cellou Dalein Diallo que d'aucuns voudraient voir sous la l’ornière des élections et de la politique est un jalon posé sur le chemin de la justice qui débouche sur la vérité et permet la réconciliation. Vérité-Justice-Réconciliation, est le défi pour la société guinéenne depuis toujours, c'est une belle perspective envisageable avec le départ du pouvoir du sieur Alpha Condé qui a fondé sa politique et ses stratégies électorales sur la division des Guinéens et l'entente impossible entre des communautés solidaires, malgré parfois les tensions, et surtout vouées à un même destin.
Dadis et Cellou, comme tous ceux qui se montrent à la hauteur des défis de l'histoire ou sont en avance sur les hommes et les idées de leur époque, peuvent être incompris par quelques esprits chagrins et les éternels grognards, mais leurs choix et leurs actions s'inscrivent dans les sacrifices à consentir pour l'unité et la paix dans une Guinée déchirée aujourd'hui.
Pour mémoire, Nelson Mandela, lorsqu'il a décidé d'engager des négociations avec le pouvoir de l'apartheid pour mettre fin aux violences politiques et la déchirure sociale dans son pays, il fut incompris de la plupart de ses compagnons et de ses partisans. Mais, c’est grâce à cette démarche et son action courageuse qu'il a obtenu l'émancipation politique, économique et sociale de son peuple martyr. Il est considéré comme un héros des années après et partout dans le monde.
En outre, le Président Kenyan s'est présenté à l'élection présidentielle, alors qu'il était menacé de poursuites par la CPI. Il a été, malgré tout, élu. Et comme un bonheur ne vient jamais seul, il a été blanchi à l'issue de la procédure engagée contre lui et après son audition par les juges. Deux exemples à méditer pour des Guinéens prompts à juger et faciles à berner.
La Guinée aussi doit passer par des choix difficiles notamment des leaders d'aujourd'hui afin de surmonter l'amertume et les rancœurs du passé pour entrer dans l'espérance de l'avenir.
Cellou a compris que Alpha Condé et tous ceux qui souhaitent son maintien au pouvoir ont parié sur l'isolement sur l'échiquier politique et électoral de l'UFDG et la marginalisation des Peulhs dans le concert des communautés guinéennes. Alpha Condé est conscient que si l'UFDG réussit à sortir du '' ghetto électoral'' dans lequel il voudrait confiner ce parti, ce sera la fin des tensions artificielles dans le pays et donc la fin brutale et inéluctable de son régime ségrégationniste. Aussi Dadis et Cellou, en s'engageant dans la voie de l'union, au-delà de l'alliance politique de circonstance , scelle un pacte social puissant qui réduit les antagonismes ethniques et témoigne de l'unité possible entre les Guinéens qui ont le choix entre une guerre sans fin et la cohabitation pacifique.
Alpha Condé, battu d'avance
Le tandem Dadis-Cellou rétablit un équilibre certain dans le jeu électoral, de même qu'il opère un bouleversement profond dans le rapport de forces politiques dans le pays. Au détriment, bien sûr, de Alpha Condé qui s'était imaginé vainqueur dès le premier tour de l'élection présidentielle avec son éternel slogan : tout sauf un Peulh. Lorsque Sidya Touré a déclaré publiquement qu'il n'appellera pas à voter pour Cellou s'il se qualifie pour le second tour, Alpha Condé, s'est davantage frotté les mains en imaginant cette fois encore le scénario de '' Tous contre les Peulhs''. C'était sans compter avec la candidature à l'élection présidentielle de Dadis Camara qui, quoi qu'on puisse en dire, prive Alpha Condé du soutien d'une partie du pays réputée '' faiseur de roi'' aux élections nationales.
Pour compliquer davantage la tâche à Alpha Condé qui voit le fauteuil présidentiel s'éloigner inexorablement de lui, voilà qu'une alliance est en cours entre Dadis et Cellou. Cette alliance inattendue mais très utile met fin au rêve d'un second mandat pour le '' tsar guinéen''. On n'est pas loin de l'effet boomerang de la politique de haine, de division et d'exclusion d’Alpha Condé de plus en plus un homme seul, abandonné de tous, chaque jour, privé de soutiens importants dans le pays. Tous semblent unis désormais pour l’abattre. Et comme l'union fera la victoire, il peut déjà se préparer à faire le deuil de sa défaite. Sa vie, loin d'être un roman, est une tragédie pour les Guinéens que sa politique continue à diviser mais unis et mobilisés aujourd'hui pour son départ salutaire. A l'image de Dadis et Cellou qui ont compris que le problème de la Guinée, c'est Alpha Condé qui a vidé la politique de la morale et de la justice pour son bonheur personnel et le malheur de tous les Guinéens : de la Basse Côte, à la Forêt en passant par le Foutah jusqu'à la Haute Guinée, que de drames et de larmes. C'est pourquoi, il faut ''Le changement'' et c'est ''maintenant '', camarade Alpha.
Tibou Kamara