Le numéro deux du principal parti d’opposition en Guinée s’apprête à rentrer à Conakry après quatre années d’exil en France. Bah Oury, vice-président de l’Union des forces démocratiques de Guinée, est attendu dimanche matin dans la capitale guinéenne. Son retour a été rendu possible par le président Alpha Condé, qui l’a gracié en décembre. Bah Oury avait été condamné à la perpétuité pour atteinte à la sûreté de l’État suite à une tentative de coup d’Etat, en 2011. Il appelle au « renouvellement » de la Guinée et de son propre parti.
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« C’est la fin d’une traversée du désert et le retour au pays est un événement que je considère comme étant un événement très heureux » a-t-il déclaré à RFI.
RFI : Parlez-moi de cette grâce présidentielle. De quoi s’agit-il exactement ?
Bah Oury : Vous savez, le 19 juillet 2011, il y a eu une supposée attaque du domicile privé de monsieur Alpha Condé et, dans ce cadre, j’ai été cité, comme tant d’autres. Au mois de juillet 2013, la justice de Conakry m’a condamné à la réclusion criminelle à perpétuité par contumace. C’est heureux qu’il y ait aujourd’hui un acte de grâce qui permet de repartir sur une autre base.
Toutefois, toutes les personnes incriminées n’ont pas encore graciées, mais j’en fais un devoir, de continuer à travailler pour que tout le monde puisse être élargi et que la Guinée tourne une page de cette triste affaire pour enclencher un véritable processus de décrispation politique qui peut permettre d’assurer une plus grande stabilité politique à notre pays qui en a tant besoin.
Pourquoi le président vous a-t-il gracié, vous, mais pas les autres ?
C’est difficile à dire pour le moment puisque je n’ai pas sa version. C’est un acte discrétionnaire du chef de l’État, mais un pas a été fait et d’autres pas sont encore à faire pour que nous avancions progressivement, solidement, pour que les Guinéens puissent se réconcilier avec eux-mêmes et que la situation politique puisse connaître un climat d’apaisement pour l’intérêt de tous.
Le président vous a gracié, ce qui vous permet de rentrer à Conakry, et en contrepartie…
Il n’y a pas de contrepartie. C’est un acte, disons, politique. Il a jugé nécessaire, pour l’intérêt de la Guinée, de procéder à cette grâce. J’ai eu à le rencontrer par deux fois et j’ai senti, à son niveau, une volonté qu’il a exprimée de manière effective qu’il veut s’engager dans un véritable processus de réconciliation nationale dans le pays et d’apaisement.
De ce point de vue, j’adhère totalement à cette démarche parce que je considère que nous sommes tous des enfants de la Guinée et l’intérêt de la Guinée est de rassembler tous ses fils pour que, au-delà des divergences politiques, des différences, j’allais dire ethniques, que tout le monde s’engage à (respecter) un socle sur lequel les libertés fondamentales seront assurées pour l’intérêt de tous (…)
Vous avez utilisé les mots réconciliation, apaisement, décrispation. Ce ne serait pas ça justement la « contrepartie » ?
Contrepartie voudrait dire qu’il y ait un gagnant et un perdant. Nous sommes tous gagnants, je pense, dans un processus qui va dans l’intérêt du pays. La Guinée, malheureusement, a connu de longues périodes d’instabilité politique et de crises sociales. Nous avons l’obligation d’aller au-delà de cette situation (…)
Que représente pour l’UFDG votre retour à Conakry ?
Je pense que la grande majorité des militants et sympathisants de l’UFDG m’attendent avec impatience et je serai heureux, dimanche matin, à huit heures, d’être avec eux. Toutefois, il y a des divergences, des rivalités qui s’expriment. C’est leur droit. (…) Je veux que la Guinée se rassemble. Je veux que mon pays sorte d’une situation tristement célèbre. Je veux que la Guinée aille de l’avant et, si monsieur Alpha Condé s’implique davantage pour aller dans ce sens, nous serons ensemble pour bâtir un pays moderne, une nation réconciliée.
Un « pays moderne » passera par le renouvellement du personnel politique ?
Cela va de soi, mais le renouvellement de la classe politique nécessite une implication de certaines franges de la société qui ont été mises à l’écart pour des raisons sociales, des raisons, disons, d’histoire. Nous voulons que les Guinéens sachent que la politique, ce n’est pas seulement des trahisons, des tueries, des violences.
Le renouvellement vaut pour l’UFDG également ?
Bien entendu, parce que l’UFDG est marquée aussi par le fait historique et social. Les crispations à l’intérieur de l’UFDG prouvent que l’UFDG a un besoin fondamentalement de renouvellement, d’un changement de leadership pour être en phase avec, j’allais dire, la modernité.
Et vous êtes l’homme de la situation ?
Je veux apporter ma pierre à cet édifice et, bon, j’espère que je ferai de mon mieux pays aille dans le bon sens.
Ça veut dire quoi exactement ? Chercher à devenir le nouveau leader du parti ?
Je n’exclus pas cette hypothèse parce que j’estime que le bilan actuel de la gouvernance de l’UFDG n’est pas à la hauteur de nos attentes et de nos sacrifices.
(RFI)