« Parce qu’un homme sans mémoire est un homme sans vie, un peuple sans mémoire est un peuple sans avenir.» Ferdinand Foch
Imaginez-vous une personne adulte atteinte d’amnésie, c’est- dire qu’il a perdu toute sa mémoire, tous ses souvenirs : il a oublié son âge,son nom, les noms des membres de sa famille, les noms de sa ville et de son quartier…
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Eh bien, si cette personne sort de sa maison seule et se retrouve dans la rue, elle sera perdue et ne pourra plus retourner à son domicile !
Cet exemple montre bien qu’un homme sans mémoire est bien un homme sans vie et un peuple qui refuse sans mémoire, autrement dit son passé se condamne à l’impasse.
Le peuple de Guinée par son Histoirea un Passé, une mémoire collective fondée sur son histoirequ’on le veuille ou pas, et cette histoire quelque soit sa nature et ses turpitudes nous est commune, c’est la nôtre. L’histoire des six dernières décennies de notre pays se résume à une histoire de violences ; en effet elle a toujours été marquée par la Violence d’Etat, l’Impunité et l’Injustice!
« L’impunité nourrit l’injustice qui entretient la spirale de violences dans un cycle infernal »Amnesty International
Seul le Système politique guinéen de parti-Etat qui sévit encore est responsable de cette violence doublée d’impunité, car c’est un Etat autocratique,répressif qui a toujours cultivé l’arbitraire depuis l’aube de l’indépendance du pays !!
Dans ce système de Parti-Etat, il n’y pas de Justice équitable ou indépendante. C’est cesystème qui est à l’origine de l’injustice, de l’impunité !
Or :« Obtenir justice et réparation est crucial quand on a subi des violations graves des droits humains. Savoir que les auteurs présumés échappent à leur responsabilité est une violence supplémentaire. Tous ces auteurs de violences doivent répondre de leurs actes. L’impératif de vérité, justice est indispensable à la garantie des droits humains. » Amnesty International
Et tout laisse à penser que la classe dirigeante de notre pays dans son ensemble refuse que le Peuple souverain de Guinée revisite son Passé pour retrouver sa mémoire collective !Cependant cette mémoire collective ne doit en aucun cas être sélective, c’est-à-dire qu’elle ne doit pas mettre en avant les crimes de telle période par rapport à telle autre période !
Du sinistre campBoiro aux pendaisons publiques du 25 janvier 1971. De la tentative du coup d’Etat de colonel Diarra Traoré 4 juillet 1985qui s’est soldé par l’exécution sommairedes dignitaires civils du PDG-RDA qui croupissaient en prison depuis 15 mois. Ils ont tous été éliminés avec ces militaires, le même jour.
Des victimes des manifestations de la grève générale de 2006- 2007 aux tragiques évènements du 28 septembre 2009.
Seule notre mémoire collective non sélective nous permettra d’éviter de répéter les mêmes atrocités historiques.
En effet c’est le phénomène d’amnésie collective très frappant chez nous autres guinéens qui nous maintient dans le cercle vicieux de la violence.
Car: « Un peuple qui oublie son passé se condamne à le revivre. » Winston Churchill.
Et « Un peuple sans mémoire est un peuple sans avenir » Aimé Césaire
Pour la nième fois en Guinée des manifestations de rue ont entraîné les violences le lundi 20 et le mardi 21 février 2017 qui ont non seulement occasionné des destructions de biens publics et privés, mais ont également et surtout coûté la vie à sept de nos concitoyens. Sept personnes mortes pour rien, dans une impunité absolue ; On n’a jamais arrêté, jugé et condamné les responsables de ce genre d’assassinat en Guinée!
Je me demande souvent que vaut une vie humaine en Guinée ? Ou bien quelle la valeur de la vie humaine dans notre pays ?
Pourquoi cette propension à la violence, avec des manifestations qui se soldent presque toujours par des pertes en vies humaines en Guinée ?
Parce-quela violence, avec ses corolaires d’impunité et d’injustice sont littéralement inscrites dans les gênes du Pouvoir d’Etat en Guinée
«Or l’expérience montre que la violence, à l’instar de tous les actes de la vie humaine, rechigne à quitter le domaine de l’imprévisible et qu’elle est le plus souvent l’indice d’une impuissance politique.» Arendt
En Guinée tout se passe comme si les pouvoirs successifs guinéens, par un processus volontaire de silence et d’amnésie cherchent à occulter voire à oublier le Passé postcolonial tragique de notre pays. C’est un passé qui a apporté pourtant aux guinéens énormément de malheur.
Ce passé funeste a été toujours marqué du sceau de la violence.Violence sous toutes ses formes : violence politique, violence militaire, violence d’Etat, violence publique inter-ethnique. Cette violence a toujours été assortie d’impunité car le Système politique du pays ne connaît que la culture de l’impunité!
Ceux qui commettent les crimes ou autres forfaitures sont assurés d’avance qu’ils ne subiront pas la rigueur de la loi.
C’est pour pérenniser cette impunité que le Système politique refuse délibérément son passé. Lorsqu’on refuse d’accepter son passé on est condamné à revivre.
Pour purger un passé quel qu’il soit, il faut avoir le courage de l’affronter, de le regarder en face et de l’accepter. Un passé qui n’est pas accepté ne peut être effacé, car son souvenir sera toujours présent dans la conscience.
C’est comme une maladie qui n’est pas correctement diagnostiquée (reconnue), ne peut pas être traitée.
Mais manifestement c’est notre volonté de nier ou de rejeter notre passé funeste qui nous amène à le recréer sans cesse.
C’est pour cette raison que notre pays : la Guinée doit retrouver sa mémoire, découvrir enfin la vérité qu’on lui cache, se réconcilier avec elle-même et avec son histoire. C’est la seule voie pour un salut national.
Voici ce qu’a dit le président Alpha Condé à l’occasion de la remise officielle du rapport sur les consultations nationales sur la réconciliation nationale.
« L’histoire de la Guinée est très douloureuse. Dernièrement, j’ai invité les imams à prier. Je leur ai dit que nous subissons beaucoup de malheurs parce que nous avons trop péché contre Dieu. Nous devons prier pour demander pardon à Dieu. Parce que nous avons beaucoup agressé Dieu. Quand on massacre et qu’il y ait pas une injustice permanente…il faut prier pour demander pardon. Beaucoup de choses, nous arrivent c’est parce que nous avons agressé la religion de Dieu », a lancé Alpha Condé ajoutant que le passé guinéen est assassin.
« Nous avons un passé criminel, un passé assassin. Nous disons que nous sommes musulmans ou chrétiens, mais notre passé est tout sauf celui d’un musulman ou d’un chrétien », a martelé Alpha Condé entouré de deux grands religieux du pays.»
L’origine de la violence.
Historiquement dans notre pays le passage d’un Régime à l’autre s’est toujours fait dans la violence publique de la période coloniale jusqu’à l’élection présidentielle de 2010 !
La conquête du pouvoir par le P.D.G. dans les années 1954- 1958 s’est faite dans un contexte de violence. En effet le P.D.G a été un parti révolutionnaire de masse dont le but était la dislocation de l’ordre colonial par tous les moyens. Et le moyen le plus sûr a été la violence !
Nouveau député en 1956, Sékou Touré s’écria à Macenta:
« Si vos chefs vous obligent à des travaux forcés, refusez. S’ils vous injurient, injuriez-les à votre tour. Si quelqu’un vous frappe, frappez-le même si c’est un gendarme. Si vous êtes incapables de frapper vous-même, allez chercher des camarades militants »
La culture de la violence
Depuis 1958 les pouvoirs successifs ont eu toujours recours à la violence pour la conquête ou la conservation du pouvoir d’Etat dans une culture d’impunité.
Le régime militaire du général Conté issu du coup d’Etat du 3 Avril s’est servi de la violence pour réprimer les populations en 1985, sans parler des tragiques évènements de 2006-2007 lors de la grève générale de l’intersyndicale.
Les violences du 28 septembre 2009 classées parune commission d’enquête de l’ONU comme des crimes contre l’humanitén’ont été que la répétition d’autres violences de la longue liste dans notre macabre histoire postcoloniale.
Les élections présidentielles 2010-2015 ont toutes été l’occasion de violences meurtrières. Depuis 2010 toutes les manifestations de l’opposition ont eu leurs lots de morts et de blessés!
Il n’y a jamais eu de rupture dans cette politique de violence d’Etat depuis l’accession de notre pays à l’indépendance. La violence est devenue un état d’esprit en Guinée, qui est ancrée dans la mémoire collective de notre pays désormais.
Seule une conférence Nationale nous donnera l’occasion de nous débarrasser de notre passé de haines, d’humiliations, de violences avec ses corolaires d’impunité, d’insécurité et de corruption pour enfin remettre notre pays sur la voie du changement, de l’unité véritable et du travail.
Vive la Paix
Vive la Guinée
Docteur Bakary Diakité