Recèle d’incongruités le plus souvent, le discours politique en Guinée prête le flanc tout naturellement à la critique, pour mener, in fine, à un réquisitoire sans concession contre l’élite politique et la brassée de leaders d’opinion tous azimuts, architectes de cette verve sirupeuse…
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Chez nos tribuns et rhéteurs politiques, ne pas faire dans la dentelle se le dispute au mépris du politiquement correct : où il faut s’indigner on oppose indifférence, dédain, voire opprobre et, profil bas au lieu de reconnaitre, ou construire. En prime, la caricature à souhait, les querelles byzantines et de clocher entretenues à dessein — de pratiques tout éculées.
Il est sidérant de voir à quel point certaines saillies et mêmes incartades d’hommes politiques du pays sont tolérées. On peut en juger au florilège de formules et d’attitudes inconvenantes qui infectent le vocabulaire politique national : outrages ; sarcasmes ; frivolités ; calomnies ; loufoqueries de ministres (les apories de Makanéra, les scoops de Damaro, les insanités belliqueuses de Malick Sanckon dernièrement) ; etc.
L’attitude politique consiste le plus souvent, ici, à se définir par rapport à l’autre dans la promiscuité ou l’opportunisme, qu’à promouvoir réellement une vision sociale ou un point de vue. Fort malheureusement, cet aspect superficiel des choses en matière politique a tendance à plus enchanter et susciter des émules y compris sur les forums guinéens, où une race de trolls s’épanouit impunément à l’ombre des travées numériques.
Passé le cadre social (quoique la gouaille puisse toujours figer coi au détour d’une billevesée !), la sphère politique aussitôt franchie, les hommes se métamorphosent, les mots aussi ; ces derniers devenant tout d’un coup moins contraignants, plus libérés, des « armes miraculeuses » qu’on tourne et retourne dans tous les sens contre quelque adversaire.
L’adversité politique reste de mise dans le combat démocratique, en Guinée cependant l’image du politique sans foi ni loi s’illustre plus que bien, dans une arène politique où tous les coups sémantiques sont permis.
Le déficit d’État de droit, un fourre-tout
C’est à ce déficit cinquantenaire d’État de droit qu’il faudrait imputer en premier la désinvolture langagière politique dans notre pays. En deuxième lieu, au fort taux d’illettrisme et d’incivisme ambiant, qu’au niveau critique de l’élite politique. L’énorme analphabétisme des masses guinéennes est en effet le terreau où fleurissent tous les maux, couplé au manque de volonté politique réelle.
La désinvolture langagière politique guinéenne laisse à penser que, depuis qu’a été acquise la liberté d’expression à la faveur du libéralisme économique sous la 2e république, on confond parler et s’exprimer ; et que le discours politique n’avait de cesse d’être une émanation de la verve maléfique du PDG et de son leader.
Pour le moment chez nous, le manque d’inopposabilité des actes et propos, contrairement à l’Occident et d’autres pays où les moindres mots des responsables sont traqués, sassés et ressassés, s’institue en mœurs politique. « La nature a horreur du vide », dit–on.
Au péril du verbe, gare !
Avec le profond clivage politico–ethnique, le risque c’est que ce parler politique ne se mue en refrain belliciste, dont on constaterait, impuissants, que sur les tard les effets dévastateurs. Ce, en l’absence de garde–fous juridiques ; d’autant plus encore que le fanatisme ethnique a littéralement submergé la religion, impuissante désormais, et tué le « cousinage », passerelle interethnique qui entretenait un semblant de vivre–ensemble. Car les actes se conçoivent d’abord en pensée, puis en langage, avant de se matérialiser en actions concrètes.
Ceci dit, les alliances, affinités et obédiences mêmes fanatiques, ne choquent à vrai dire en rien, tant qu’elles intègrent un minimum de règles. Autrement, les alternances démocratiques intervenues ces dernières années au Sénégal, au Ghana, au Kenya, dans une Afrique aux fortes identités ethniques, politiques et religieuses, n’eussent pas été possibles.
Une posture factuelle — tenant donc compte que de la réalité — empreinte d’altérité, reste l’idéal sur l’échiquier politique guinéen. Espérant, dans un avenir proche, un gentlemen agreement faute de déontologie politique, au nom des équilibres nationaux. On peut toujours rêver. . .
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Oury Baldé