Ecoute, Mborré ! A ce jour, je suis complètement déconnecté du bled. Tu ne peux pas savoir ce qui m’arrive !… Je suis tellement submergé que j’ai envie de tout plaquer ici et d’aller me jeter dans la gueule du loup. Mborré ! à “Koroko”, c’est dur. Mais tu ne peux pas comprendre ça. Parlons de ce qui te regarde directement et qui continue de faire couler des flots de commentaires sous le pont Fidèle Castro ou pont 8 novembre à Cona-crimes….
Jetons notre goutte de colère dans le vase déjà trop plein. Quel est le “porboulème” ?
Goby Condé, dans la plénitude de ses pouvoirs dictatoriaux, intime, dans son palais Gokhi Fokhè devant près de 300 journalistes venus des quatre coins du monde, à Diallo Souleymane, “Le gros Lynx” du groupe de presse Le Lynx-LA LANCE, à se lever et à aller paufiner avec quelques uns des pantins du palais un document qui musèle la presse privée. Diallo Souleymane s’est exécuté et depuis nos oreilles sourdent par les tollés soulevés dans toutes les rédactions du patelin.
Passé dans l’émission “Les grandes gueules” du 27 novembre 2017, sur “Radio Espace FM”, Diallo Souleymane a fait face aux critiques de Lamine Guirassy et de quatre impertinents animateurs. Ils ont posé les questions sur toutes les coutures pour démonter “Le gros lynx”, le confondre.
Avant de livrer mon analyse personnelle de l’acte posé par “Le gros Lynx”, réécoutons ensemble cette belle séquence tirée du débat.
“Pourquoi vous avez signé le document ? Pourquoi vous l’avez fait ?” demande Moussa Moïse Sylla, sur un ton presque énervé.
Le gros Lynx répond : “J’ai une conviction profonde. Je n’aime pas les fauteuils vides. (…) Je crois au respect et à la discipline. (…). J’ai eu un temps de réflexion très court et j’ai décidé d’aller.”
Alors l’impertinent charge : “Est-ce qu’en signant, vous-vous êtes rendu compte que vous avez vendu un pan de notre liberté ?”
Ecoutez maintenant la réponse de Diallo Souleymane le PDG du groupe de presse Le Lynx-LANCE et de la radio Lynx FM ! Toutes activités cessantes, écoutez Diallo Souleymane. Ecoutez-le, je vous dis ! Calmement. Diallo Souleymane répond d’un ton guoguenard :
“Totalement. Je m’en rends compte. Je le savais. C’est lui qui m’a donné l’ordre d’aller. Je le connais bien. Il s’appelle Alpha Condé.”
C’est à tout hasard en surfant sur le net que je suis tombé sur cette séquence. A la première écoute, j’ai été terriblement choqué par cette réponse. J’ai crié à Hadja de venir écouter avec moi. Nous avons écouté et réécouté plus de mille fois cette réponse de Diallo Souleymane sans nous accorder sur la même analyse. Le lendemain matin, dimanche, j’ai réécouté “Les grandes gueules” pour comprendre et saisir le sens de ce propos de Souleymane. Et pour bien comprendre, il faut écouter peut-être la suite quand “Le gros Lynx” embraye :
“Au nom de la liberté de la presse, au nom des principes auxquels je crois, quand ce Alpha Condé là était dans une cellule à la maison centrale de Coronthie, il a écrit de sa main des articles incendiaires. Lui et moi, on a organisé tout un réseau pour sortir ses textes. J’ai organisé mon propre réseau pour les recevoir à l’insu de Alpha Condé, les signer Alpha Condé, les publier. Parce que Alpha Condé doit parler partout où il est. Le droit d’expression est sacré. Je reviendrai sur la décision! Parce qu’il m’a donné l’impression que la justice en Guinée c’est lui. C’est ce qu’il m’a donné comme impression. Ce n’est pas une première en Guinée. Lansana Conté avait dit : ”La justice c’est moi”. Lansana Conté c’est un militiaire. Alpha Condé sort de la Sorbonne. C’est pour ça que je suis déçu de l’impression.”
Ecoute, Zachary Tamba Millimono ! Tu as un peu raison : Diallo Souleymane floue notre compréhension. On a du mal à le comprendre surtout vous jeunes qui ont envie que tout soit clair comme de l’eau de roche. Avec Diallo Souleymane 1+1 n’est pas forcément égale à 2. Ah, non ! Je ne le défends pas. Je ne peux même pas le défendre parce que ne maîtrisant pas toutes les intrigues de cette affaire. Seulement je veux qu’on analyse ensemble son propos tenu dans votre studio à la suite de son acte posé au palais Gokhi Fokhè.
Ecoute, Mohamed Damaro Camara ! A mon humble analyse, Diallo Souleymane a usé de la parodie, de la dérision dans cette affaire pour dénuder à la face du monde le régime autocratique de Goby Condé. Diallo Souleymane est froid dans ses calculs. En acceptant, devant 300 journalistes venus de 48 pays du monde entier, d’aller forger une paperasse avec Damantang Camara et consorts au bas duquel son nom est paraphé, Diallo Souleymane dénonce ainsi à la face du monde le traitement dictatorial que subit la presse en Guinée. C’est ce que je crois.
Et puis il y a cet autre aspect qu’il ne faut pas perdre de vue dans la situation actuelle de la Guinée en prélude à la présidentielle de 2020. On accuse le groupe de presse Le Lynx-LA LANCE de ne jouer la flute que pour l’opposition.
Si déjà donner la parole à un citoyen guinéen dont le crime est d’avoir usé de son droit de grève en tant que syndicaliste est qualifié de rebellion, cela donne forcément raison à tous ceux qui tirent sur la sonnette d’alarme pour signifier au monde entier que nous courons effectivement un danger réel en Guinée. La liberté de la presse est le baromètre de la démocratie. C’est indiscutable. Pas de développement économique sans liberté de la presse. Pas de développement humain sans liberté de la presse. Pas de justice sans liberté de la presse. Pas de respect des droits de l’homme sans liberté de la presse. C’est quelque chose de fondamentale. On ne transige pas sur la liberté de la presse.
C’est pourquoi je crois à ce qu’a dit Diallo Souleymane. Sa présence au palais Gokhi Fokhè et son nom au bas de cette paperasse qui musele la presse privée n’engagent que sa personne physique. Ça n’engage nullement Le Lynx-LA LANCE et Lynx FM ou d’autres organes de la presse privée. Merde…enlevez-moi cette muselière ! Diallo Souleymane a bien précisé :
“En aucun cas je ne peux être d’accord pour museler qui que ce soit. En pratique et en théorie, je ne coupe la parole à personne en République de Guinée et hors de la République de Guinée. Non, je ne le fais pas. Non, je n’expose pas non plus ma poitrine aux balles du pouvoir politique.”
Au delà de l’article 7 de la constitution guinéenne qui consacre la liberté de la presse, cela dépend de la nature pouvoir.
Franchement, je me rends compte avec le recul qu’on prenait trop de risque dans le pouvoir du général président Lansana Conté. Wallahi! nous avions exposé nos maigres poitrines aux baïonnettes du pouvoir politico-militaire de ce dernier. Aujourd’hui, j’en tremble. Billahi ! c’était de la folie. C’était vraiment de la folie. C’est à se demander pourquoi le général président Lansana Conté ne nous avait pas fait assassiner dans nos lits. J’habitais dans un bouge à Kipé-Dadya. C’était facile pour le pouvoir de nous museler ou de nous réduire au silence pour l’éternité.
M. Diallo! Est-ce que vous-vous souvenez de la conférence de presse du général président Lansana Conté en présence du président de la République du Mali, Alpha Oumar Konaré, à la Case Belle-Vue pendant que Goby Condé flemmardait à l’hôtel 5 étoiles de Coronthie ? Allahou Akbaar ! Malgré les caricatures de Oscar qui croquaient le président dictateur, les brocardes du Lynx et les critiques acerbes de LA LANCE, tous les ministres du dictateur nous respectaient. Ils nous recevaient respectueusement dans leurs bureaux et nous accorder des interviews.
Mais aujourd’hui, il est fortement déconseillé aux journaleux dans le bled de monter sur le ring et de mesurer leurs flasques biceps aux muscles du pouvoir autocratique en place.
Hé ! Diallo Souleymane sait sûrement c’est qu’il fait et ce qu’il dit :
“Je raisonne, je fais et je ne regrette plus rien.”
A sa manière, il s’est laissé aller par les évènements tout en profitant de cette opportunité burlesque pour montrer à Babacar Touré et Madiambal Diagne du Sénégal, à tous ces journalistes venus à Cona-cris à l’occasion du 46ème anniversaire de la presse francophone que ce qui est inimaginable au Sénégal, inacceptable dans leur pays respectif est en train de se faire en Guinée en leur présence : au 21ème siècle le pouvoir autocratique musele la presse privée.
Ce qu’a fait Diallo Souleymane est très subtil voire controversé. Il me rappelle dans une certaine mesure Nicolas Machiavel. Contrairement à beaucoup de commentateurs, je pense comme Jean Jacques Rousseau que “Le Prince” est plutôt une satire contre la tyrannie. Diallo Souleymane combat la tyrannie par la satire, la parodie, la dérision. L’autocrate dirait que le soleil se lève à l’ouest, il l’aiderait à le crier sur tous les toits.
Entre autre c’est ce que je voulais dire dans ce débat. A mes confrères, je leur demande de continuer à râler, à déblaterer contre la tyrannie, à lancer des brûlots contre tout ce qui est inacceptable, à faire leur travail de journaliste. Je me déconnecte. Je vais faire dodo. Demain, il faudrait affronter ce froid de canard à 5H 30 du matin. A vos chauds commentaires.
Benn Pepito