Port de Conakry : quand l’affaire Bolloré rebondit en Guinée

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Après plusieurs années de procédures, d’Abidjan à Paris, on pensait l’affaire éteinte. Mais la mise en examen de Vincent Bolloré par les juges français Serge Tournaire et Aude Buresi, au terme de 48 heures de garde à vue, a remis au cœur de l’actualité guinéenne le dossier controversé du terminal à conteneurs du port de Conakry.

À peine l’information connue, Cellou Dalein Diallo, le leader de l’Union des forces démocratiques de Guinée (UFDG, opposition), s’en emparait : « Beaucoup de personnes émettaient des doutes sur les conditions de l’octroi du terminal à conteneurs de Conakry […]. Mais M. Alpha Condé avait assumé en disant que [Vincent Bolloré est] son ami, et qu’il préférait ses amis. Et malheureusement, c’est la même pratique qui continue depuis qu’il est au pouvoir, avec l’octroi des grands marchés à des amis. Il n’y a jamais d’appels d’offres ! », déclarait-il à RFI le 25 avril.

Déjà, l’opposition guinéenne réclame la mise sur pieds d’une commission d’enquête parlementaire. Du côté gouvernemental, on s’abstient, pour l’heure, de commenter l’affaire publiquement. « Nous collaborerons avec la justice française », se limite à expliquer Cheikh Sakho, le ministre de la Justice, contacté par Jeune Afrique.

Saga judiciaire

Sensible, l’affaire remonte à mars 2011, trois mois à peine après la première élection d’Alpha Condé. Les employés de la société Getma, la filiale du groupe Necotrans (aujourd’hui en liquidation judiciaire) qui avait obtenu trois ans plus tôt la concession du terminal à conteneurs du port de Conakry, sont délogés par l’armée suite à un décret présidentiel. Dans la foulée, les autorités guinéennes accordent la concession du terminal tant convoité à Bolloré, arrivé en deuxième position lors de l’appel d’offres lancé en 2008.

S’ensuivra une saga judiciaire de plusieurs années entre Necotrans, l’État guinéen et le groupe Bolloré qui donnera lieu à des décisions successives de la Cour commune de justice et d’arbitrage (CCJA) de l’Ohada, du Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements (Cirdi, l’instance arbitrale de la Banque mondiale) mais aussi de la justice française.

À l’arrivée, une victoire en demie teinte pour Necotrans, qui voit partiellement reconnu le caractère « irrégulier » de son éviction mais pas le préjudice financier qu’invoquent ses avocats.


>>> LIRE AUSSI – Port de Conakry : toute petite victoire pour Necotrans devant le Cirdi


Un bilan mitigé, qui incite Cheikh Sakho à considérer que la victoire est guinéenne. « Nous avons eu gain de cause devant la CCJA [théoriquement seule compétente en matière arbitrale]. Même s’il s’agissait d’une question de forme, il faut savoir qu’en droit, la forme tient le fond. »

Reste que dans sa décision de première instance, la Cour d’Abidjan avait donné gain de cause, sur le fond, à Nécotrans. Le Cirdi et la justice française aussi.

En revanche, la plainte introduite par le groupe Necotrans en 2013, dans laquelle celui-ci accusait notamment Vincent Bolloré d’avoir « financé la campagne électorale d’Alpha Condé » via l’agence de communication Euro RSCG, avait été classée sans suite par le Parquet.

Par la suite, le concurrent du groupe Bolloré ira de Charybde en Scylla. En novembre 2016, il préfère jeter l’éponge et mettre un terme à ses revendications judiciaires pour fumer le calumet de la paix avec le rival qui l’a supplanté à Conakry.

Quelques mois plus tard, Necotrans périclite et se retrouve placé en liquidation judiciaire. Une partie de ses actifs seront rachetés – à vil prix, selon certains observateurs – par Bolloré.

Rétif aux communicants

Alors qu’on pensait en avoir atteint l’épilogue, le contentieux vient donc de ressurgir à l’improviste avec la mise en examen de Vincent Bolloré et de deux de ses collaborateurs, Gilles Alix et Jean-Philippe Dorent.

Les magistrats parisiens, si l’on en croit les fuites publiées par le quotidien parisien Le Monde, disposeraient d’un lot de précieux documents dénichés lors d’une perquisition dans les locaux du groupe. Aude Buresi et Serge Tournaire soupçonnent que des prestations fournies au candidat Alpha Condé par Havas Worldwide (ex-Euro RSCG) – une filiale à 60 % de Bolloré – auraient pu être rétribuées en retour, une fois celui-ci élu président, par le sacrifice de Necotrans au profit de Bolloré.

Côté guinéen, si Alpha Condé ne s’est pas encore exprimé officiellement, son entourage n’est pas avare de confidences. Au palais de Sékoutouréya, on se montre catégorique : « Il n’y a jamais eu de contrat de communication entre Havas et Alpha Condé pour la campagne de 2010, ni d’ailleurs pour celle de 2015. Ce dernier avait sa propre équipe de campagne, et il s’est toujours montré rétif aux grandes agences de communication. »

Des documents démontreraient pourtant, dans les comptes du groupe Bolloré, des factures problématiques entre filiales. En l’occurrence, des prestations sous-facturées dont Alpha Condé aurait bénéficié pour sa campagne de 2010.

« Vincent Bolloré, qui connaissait Alpha Condé depuis l’époque où ce dernier travaillait pour Sucden, dans les années 1980, a effectivement voulu placer Jean-Philippe Dorent [responsable du pôle international de Havas] à ses côtés pour la campagne de 2010, explique une source à la présidence. Mais Dorent n’a séjourné à Conakry que pendant 48 heures, pour une session de media training du candidat qui a vite tourné court », affirme-t-on à la présidence guinéenne.

Ce livre d’entretiens a bien été pris en charge par Bolloré, à titre amical

Quant à la facilitation par Dorent d’un livre d’entretiens entre Alpha Condé et le journaliste Jean Bothorel, Un Africain engagé (Editions Jean Picollec), la présidence la confirme : « Ce livre a bien été pris en charge par Bolloré, à titre amical. » Mais selon notre source, « ces deux  »prestations » n’ont eu aucun effet sur la campagne ni sur l’élection d’Alpha Condé ». A Conakry, on affirme d’ailleurs avoir chargé l’avocat sénégalais Boucounta Diallo de préparer une plainte en dénonciation calomnieuse, à la demande d’Alpha Condé.

Selon l’entourage présidentiel, le remplacement de Getma par Bolloré ne doit rien à une quelconque faveur. Le groupe Necotrans, dirigé par Richard Talbot, disposait alors de deux « lobbyistes » de poids, très introduits à Conakry : Pierre-André Wiltzer, ancien ministre français de la Coopération et ex-conseiller de la présidence du groupe, par ailleurs ami d’Alpha Condé depuis leurs études en France ; et l’ex-président burkinabè Blaise Compaoré, lui aussi proche de son homologue guinéen.

À l’origine de la rupture, affirme-t-on à Sékoutoureya, les manquements de Getma. « L’entreprise, qui n’avait ni l’expertise ni l’envergure requises, a obtenu la concession en 2008 dans des conditions discutables. Par la suite, elle n’a procédé à aucun des investissements nécessaires, suscitant la grogne des employés du port. »

Avant Alpha Condé, pour cette raison, l’ex-président Lansana Conté puis l’officier Moussa Dadis Camara auraient, eux aussi, envisagé de rompre unilatéralement le contrat de concession. À la veille de son sacre présidentiel, Alpha Condé aurait d’ailleurs averti Blaise Compaoré de ses intentions : « Si je suis élu, je chasserai Getma. »

Retour d’ascenseur ?

Une version que récuse Pierre-André Wiltzer. Longuement interrogé par RFI le 27 avril, celui-ci allait jusqu’à qualifier l’opération de « hold-up », soutenant n’avoir jamais reçu d’explications convaincantes des autorités guinéennes : « C’est un arrangement qui s’est fait indépendamment de toute règle commerciale et juridique. C’est vraiment le fait du prince absolu, et sans explication », martelait-il.

Selon l’ancien conseiller de Necotrans, le président guinéen aurait en fait renvoyé l’ascenseur à Vincent Bolloré, son ami et… ancien mécène : « Alpha Condé avait été aidé pendant des années et des années, à l’époque où il était un opposant en Guinée », affirmait-il.

Mais Conakry conteste ce scénario : « Le président Condé n’a pas procédé à un nouvel appel d’offres car il y avait urgence à redémarrer les activités du terminal. Il a donc appliqué la règle du deuxième mieux-disant au profit de Bolloré. Si Maersk était arrivé second en 2008, nous aurions pris Maersk. »

De son côté, dans une tribune publiée ce 29 avril dans l’hebdomadaire français Le Journal du dimanche, Vincent Bolloré affirme regretter que le continent africain  soit « appréhendé comme une terre de non-gouvernance, voire de corruption ».

Et de s’interroger : « Comment imaginer que des dépenses de communication de quelques centaines de milliers d’euros, comptabilisées en toute transparence […], aient déterminé des investissements de centaines de millions d’euros pour des opérations portuaires où l’exigence technique est considérable, et obtenus à l’occasion d’appels d’offres internationaux ? »

Avec JA

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AOT Diallo
AOT Diallo
30 avril 2018 22:46

 » En attendant la réplique de l’armée d’avocats de Bolloré; son « image » est écornée de plus, lui qui se croyait tout puissant.  » Vous avez surement raison @africain mais vous pouvez être sur que ce bandit ne craint en fait pas grand chose a part cette petite écorchure a son image : 1- Il a près de 70 ans et a passé judicieusement les commandes presque entières de on empire a son fils la semaine dernière, la preuve qu’il savait ce qui arrivait. – Pour un capitaliste prétentieux et fourbe comme lui la chose qui compte le plus… Lire la suite

Africain
Africain
30 avril 2018 15:43

@Shams Deen; Tout à fait. Mais JA fait dans le service « minimum ». J’ai bien peur que l’avenir donne raison à M. Diallo AOT; c’est à dire QUE JA n’ira jamais loin dans cette affaire. « Affaire franco-française » T’as tout compris mon ami; d’ailleurs dès le tout début de cette histoire comme « PATRIOTE » Youssouf Bangoura l’a si bien souligné. En attendant la réplique de l’armée d’avocats de Bolloré; son « image » est écornée de plus, lui qui se croyait tout puissant. Quant à celle de « mon ex champion », c’est encore pire. Les journaux français nous rappellent à l’occasion des propos d’un autre temps… Lire la suite

shams deen
shams deen
30 avril 2018 04:53

@ Africain JA se voit dans l’obligation de faire quelques lignes pour ne pas etre accuser de complicité des protagonistes africains de ce CORSAIRE des temps modernes. C’est une affaire franco-français que les gens biens en Guinee devraient se garder de prendre part, les juges français n’entendront jamais ces gens qui ne savent strictement a ce dossier. Vincent Bolloré, est habitué à tuer ses concurrents dans les pays africains, il à contribuer à affaiblir NECOTRANS, avant de mettre la main sur ce dernier a vil prix que JA à du mal reconnaitre. Pour votre information mon ami, celui qui est… Lire la suite