Alpha Condé : “la démocratie, ce n’est pas nécessairement l’alternance…”

0 0 votes
Évaluation de l'article

Peu avant, une mission d’experts dépêchée par la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) avait rendu ses conclusions. Elle recommande le retrait de près de 2 millions et demi d’électeurs, enregistrés sans pièce justificative, soit environ un tiers des fichiers électoraux. Il reste cependant moins d’une semaine pour appliquer cette recommandation. Un délai qui ne permettra pas de recommencer l’enrôlement ou de distribuer de nouvelles cartes d’électeurs.

Beaucoup d’observateurs craignent que le résultat tienne du bricolage plutôt que d’une volonté d’organiser un scrutin crédible. Si le «oui» au référendum pour l’adoption d’une nouvelle Constitution l’emporte, cela ouvrira la voie au chef de l’Etat pour briguer un troisième mandat lors de la présidentielle prévue en octobre 2020, ce que ne lui permet pas la législation actuelle. Interviewé par Libération, Alpha Condé défend son bilan et laisse planer le doute sur son désir de rester au pouvoir.

Après avoir été longtemps dans l’opposition, vous êtes arrivé au pouvoir en 2010. Qu’avez-vous accompli depuis ?

Quand je vois le gouffre où nous étions, par rapport à nous sommes maintenant… Nous avons réformé l’armée, le code minier, nous relançons l’agrobusiness, le secteur de l’énergie aussi. La priorité était de résoudre les problèmes macroéconomiques. Mais ceux-ci ne changent pas l’assiette de la ménagère. Je suis allé dans les villages, j’ai vu la pauvreté. C’est pour ça que nous avons décidé désormais de redistribuer 15% des revenus miniers aux sous-préfectures. Malheureusement, il y a eu Ebola, pendant deux ans et demi. Malgré cela, nous avons eu une progression économique, qui est actuellement à plus de 6%. Bien sûr, il y a encore des gens pauvres. Mais en France aussi ! On ne peut pas me demander de transformer en huit ans [Alpha Condé estime que les deux années où la Guinée a été touchée par l’épidémie d’Ebola ont été «perdues», ndlr], ce qui n’a pas été fait en cinquante ans.

Comment avez-vous accueilli les critiques de la Cedeao et de l’Union africaine, qui ont retiré leurs missions d’observation, estimant visiblement qu’en l’état actuel, le scrutin ne pouvait pas être crédible ?

La critique est initialement venue de l’Organisation internationale de la francophonie (OIF). Or l’organisation n’était pas venue pour faire de l’audit, mais pour nous accompagner dans le processus. L’OIF a ainsi créé le doute sur le fichier électoral. Mais à partir du moment où il y a un doute, il est normal que j’accepte que la Cedeao envoie des experts pour le lever. Ceux-ci sont venus et ont fait des propositions à la Commission électorale indépendante (Céni), que celle-ci a acceptées. Je n’ai aucun problème avec la Cedeao, ni avec l’Union africaine. Je suis panafricain. Je ne prends pas ça comme une ingérence. Mais je suis élu par le peuple de Guinée. Je n’ai de comptes à rendre qu’au peuple de Guinée.

Ce scrutin est critiqué. Il a été boycotté par les deux principaux candidats d’opposition…

Ils ont décidé de boycotter, c’est leur problème. Il y a des lois en Guinée pour aller aux élections. Nous ne faisons qu’appliquer la loi.

Le président ivoirien, Alassane Ouattara, a annoncé récemment qu’il ne briguerait pas un troisième mandat. Avez-vous l’intention de faire de même ?

Mais lui-même a fait une nouvelle Constitution ! Alors pourquoi me pose-t-on la question à moi ? Et puis chaque pays a ses réalités. Est-ce qu’il n’y a pas beaucoup de présidents en Afrique qui ont fait plus de trois mandats ? Ici, l’opposition, ce sont les anciens gestionnaires, les anciens Premiers ministres, qui ont gouverné le pays. Et on sait dans quelle situation ils l’ont mis. Alassane Ouattara avait lui-même dit qu’il n’allait pas laisser le pays à ceux qui l’avaient mal géré.

Cela veut dire que vous comptez être candidat à la présidentielle ?

Pour le moment, je veux doter le pays d’une Constitution moderne. C’est ça, mon objectif. Lorsque viendra le moment de l’élection présidentielle, les partis seront libres de présenter les candidats qu’ils veulent.

Vous n’excluez donc pas la possibilité d’un troisième mandat ?

Je ne sais pas d’où vient cette obsession sur le troisième mandat en Guinée, quand vous avez des chefs d’Etat africains qui ont fait quatre ou cinq mandats et qui sont chouchoutés. C’est une démocratie à géométrie variable. Et la démocratie, ce n’est pas nécessairement l’alternance. On a vu dans beaucoup de pays ce que ça a donné. Même en France, jusqu’après Jacques Chirac, il n’y avait pas de limitation de mandats. Est-ce que ça veut dire que la France n’était pas une démocratie ? J’ai été opposant pendant quarante-deux ans, j’ai été condamné à mort, j’ai fait de la prison. Je n’ai jamais (…)

lire la suite de l’interview sur libération.fr

Subscribe
Me notifier des
guest
5 Commentaires
Inline Feedbacks
View all comments
Laure Karcher
Laure Karcher
21 mars 2020 20:15

Excellente cette interview du président Condé. Il est en forme et donne de bonnes réponses, manifestement. La démocratie n’est pas, fondamentalement,liée à une alternance. L’alternance peut être celle de dictateurs. Le critère de base de la démocratie me semble être l’étendue des pouvoirs du peuple sur ses dirigeants et les politiques qu’ils élaborent.

Je suis satisfaite que les élections législatives et le vote référendaire se tiennent demain le 22 mars.

Tiekourani
Tiekourani
18 mars 2020 10:06

Vous savez Shams avec alpha tout est possible. Cet homme a fini de nous montrer qu’il n’a aucune once de moral et d’éthique. La seule chose qui compte pour ce monsieur, c’est le pouvoir. Il fera tout pour confisquer ce pouvoir même s’il doit tuer tous les guinéens. Chez lui le réniement est une vertue si cela peut lui permettre de garder le pouvoir. Hier cet homme boiteux combattait Lansana Conté et nous disait que l’alternance est un principe incontournable de la démocratie( qu’il n’oublie pas ce qu’il nous disait au siège de Hamdamlaye), aujourd’hui qu’il est au pouvoir il… Lire la suite

shams deen
shams deen
18 mars 2020 05:57

Lorsqu’on est face a ses propres contradictions on raconte du n’importe quoi.
Pathétique.

Balde
Balde
16 mars 2020 08:03

Mais c’est un signe de sa bonne santé, ca indique qu’elle respire, qu’elle vit.