EDITO // Elections en Guinée : pièges sans fin ou dilemme interminable pour l’opposition guinéenne ! (par Cherif BARRY)

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Les élections présidentielles pointent à l’horizon en Guinée. Nous sommes en 2020, en principe le deuxième et le dernier mandat du Professeur Condé arrive à son terme. Même si ce dernier continue à entretenir le flou sur son éventuelle candidature à un troisième mandate, tout porte à croire qu’il répondra favorablement à la sollicitation de ses partisans de briguer un nouveau mandat. Il faut peut-être rappeler que la présidentielle du 18 octobre 2020 intervient dans un contexte particulier, plombée qu’elle est par de lourds contentieux relatifs à un fichier qualifié de « corrompu » par l’opposition et dénoncé par les partenaires internationaux de la Guinée. À cela, s’ajoute le passage en force du Président Alpha Condé modifiant la constitution de 2010, suivie d’accusations de falsification de la constitution issue du double scrutin législatif et référendaire du 22 mars 2020.

Comme on le voit, l’opposition guinéenne à toutes les raisons du monde pour rejeter voire boycotter la présidentielle à venir.

Seulement voilà, le boycott du double scrutin législatif dernier n’ayant pu empêché le régime guinéen de doter la Guinée d’une nouvelle constitution et d’un nouveau parlement, ils sont de plus en plus nombreux au sein de l’opposition, à se poser des questions sur la pertinence de la stratégie de boycott face à un Président déterminé à lancer la machine électorale avec ou sans ses principaux opposants. Et d’ailleurs certains d’entre eux ne cachent plus leur intention de participer auxdites élections “avec ou sans Alpha Condé”. N’a-ton pas coutume de dire : « Chat échaudé craint l’eau froide »* ?

 A noter enfin, que le contexte sanitaire international, tout comme les crises à la fois politiques et sécuritaires que traverse la sous-région Ouest africaine (Mali, Cote d’Ivoire, Burkina Fasso et Niger), relèguent de plus en plus le processus électoral guinéen (en tout cas tel que le souhaiteraient les opposants au régime guinéen) au second voire au troisième rang pour la communauté dite internationale (CEDEAO, UA, UE).

Il faut reconnaître que toutes ces situations mettent l’opposition républicaine dans un dilemme qui ne dit pas son nom : faut-il se présenter tout en sachant que c’est une élection probablement perdue d’avance ou bien renoncer tout en sachant qu’Alpha n’hésitera pas à aller aux élections sans opposition, comme ce fût le cas d’ailleurs lors des dernières élections législatives et référendaires ?

Dans un cas comme dans l’autre, on peut le dire sans risque de se tromper que l’opposition extra parlementaire est assise sur du charbon ardent ; prise au piège qu’elle est par une stratégie qui a montré ses limites face à un redoutable animal politique.

 Un piège sans fin ?

L’histoire récente de la politique guinéenne nous en dit long sur le sujet, car depuis 2010 les principaux opposants guinéens n’ont cessé de se laisser berner par les stratagèmes de cet animal politique Condé qui mêle ruse et supercherie pour – toujours – parvenir à ses fins. Certes, il n’est pas à en vouloir car la politique n’a pas de morale ou du moins, a sa propre morale à elle ! En politique tous les coups sont permis. À chaque acteur donc d’en tenir compte et de mettre à jour sa stratégie. Mais à observer de près la scène politique guinéenne, on a l’impression de vivre le mythe de Sisyphe** : les mêmes mots ou du moins les mêmes maux se répètent constamment !

Comme à l’accoutumée l’opposition dénonce un fichier électoral corrompu, un chronogramme taillé sur mesure, la CENI à la solde du président de la République, les accords non respectés et en dernier recours les manifestations de rue naturellement interdites et d’ailleurs souvent soldées par des violences entrainant des morts et des blessés… Pourquoi ce même rituel depuis 2010 ? C’est peut-être par manque d’examen de conscience , ou peut-être parce qu’elle refuse de tirer des leçons de ses échecs ou encore elle refuse d’étudier et de comprendre le mode opératoire de l’adversaire, qui à mon avis est presque standard et ne nécessite qu’un peu plus de lucidité et de discernement pour être cerné.

C’est aussi possible que ces principaux opposants d’Alpha Condé  s’enferment tous seuls dans le trou qu’ils n’ont cessé de creuser parce qu’à mon avis, ils sont indécis et désorientés, bref ils manquent de vision , puisque la plupart des opposants est transhument politique, des hommes à double casquettes, qui tantôt sont dans l’opposition, tantôt dans la mouvance présidentielle. Comment voulez-vous qu’une telle opposition puisse influencer ou perturber un monstre politique qui en a vu de toutes les couleurs, et cela pendant des décennies ? Je parie que le président Condé connait les faiblesses de chacun d’entre eux et appuie là où ça fait mal, voilà pourquoi, il reste imperturbable face à ceux qu’il qualifie lui-même de “plaisantins d’opposants”…

L’autre problème des principaux opposants au régime guinéen, c’est le fait d’être en déphasage total avec le peuple. Ils ne s’en rendent peut-être pas compte et pensent probablement que le peuple est derrière eux, croyant que sa passivité apparente est seulement due à la répression orchestrée par le pouvoir. Certes, il y a une part de vérité dans une telle lecture. Mais à mon avis, la répression ne joue qu’un rôle marginal dans la difficulté pour l’opposition de de drainer plus de monde comme par le passé. Cela est d’autant plus vrai que même la répression féroce du 28 septembre 2009 n’a pu arriver à bout de la détermination du peuple, quand il voulut faire comprendre à la junte d’alors que sa souveraineté n’était pas négociable.

Les raisons sont donc ailleurs et s’expliquent par le fait que les vrais problèmes des populations (travail, eaux, électricité, santé, sécurité, pollution…) n’ont jamais été un motif pour drainer du monde dans la rue. Les quelques soulèvements en rapport aux problèmes ci-dessus mentionnés, ne l’ont été que de façon spontanée sans implication des leaders de l’opposition !

Par contre, l’opposition guinéenne a toujours été active dès lors qu’il s’agisse de questions électorales, comme si le rôle d’une opposition ne se résume qu’à la conquête du pouvoir et que le reste ne compte pas trop, oubliant ainsi que le quotidien du peuple, son bien-être, son pain, sa sécurité son travail, son éducation, etc…occupaient la place la plus importante dans la pyramide des besoins de ce peuple et non l’alternance !

L’autre idiotie de l’opposition, je l’ai annoncée brièvement au début, c’est le fait d’avoir une confiance aveugle à la bureaucratie internationale. La communauté internationale mon œil ! N’a-t-elle pas constaté toutes les irrégularités des élections précédentes ? A t-elle réagit ? A-t-elle rejeté ne serait-ce qu’une fois des résultats issus de ces élections dite frauduleuses ? A-t-elle imposé des sanctions pour toutes ces gaffes commises par le régime Condé ? L’illustration parfaite de cette situation est d’ailleurs cette « déclaration feu de paille » à la suite des élections forcées du 22 mars 2020 qui, faut-il le rappeler, n’ont été ni inclusives ni constitutionnelles. La communauté internationale a-t-elle refusé de reconnaître en réalité la nouvelle constitution ? Ou la nouvelle assemblée nationale ?

D’ailleurs revenons un peu en arrière ! Après avoir essuyé tant d’échecs contre « l’homme rusé » , l’opposition, comprenant peut être les objectifs (depuis 2015) d’un mandat de plus d’Alpha Condé, bondit subitement et fabriqua un machin qu’elle appelé FNDC (Front national pour la défense de la constitution) à seulement un an avant la fin du deuxième et dernier mandat d’Alpha Condé, mathématiquement parlant 5 vaut mieux que 1 . Cinq ans de planification, de ruse, de complot, et de piège dans l’ombre contre un an d’improvisation et d’incertitude ! Voilà le nouveau piège dans lequel l’opposition s’est encore fourrée.

D’ailleurs parlant toujours du FNDC, l’Opposition dite républicaine n’a pas manqué de servir (encore) ce qu’elle sait faire le mieux : le mélange du genre ! Le FNDC c’est en faite un mélange de partis politiques, d’activistes, de carriéristes, et de démagogues qui ne font pas forcément voire pas du tout bon ménage. Comment voulez-vous en effet que des hommes aux ambitions égoïstes, louches et nettement différentes se battent pour le même idéal sans trahison ni implosion ? C’est la dernière et la pire des erreurs de cette opposition. Et maintenant elle se sent prise à son propre piège. Aller aux élections ressemble à une trahison à l’égard du FNDC qui apparemment a lutté contre un 3è mandat, mais aussi et surtout trahir ceux qui sont tombés sous l’effet des balles lors des manifestations du FNDC ! Cependant ne pas aller aussi, c’est pratiquement offrir sur un plateau argenté le 3è mandat à Alpha Condé. Quel dilemme pour l’opposition guinéenne !

Cherif BARRY, pour Gbassikolo.com

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