Monsieur le Président,
le 11 octobre 2015, déjouant les prédictions les plus pessimistes, le peuple de Guinée, dans un élan patriotique et avec un sens élevé de la pratique démocratique, exprimait avec une sérénité impressionnante, son aspiration au progrès, en portant son choix sur votre humble personne. En réussissant cette seconde élection présidentielle libre et transparente, il a franchi une nouvelle étape dans la marche de son histoire… {jcomments on}
Le samedi 24 octobre 2015, vous avez déploré le comportement de ceux qui se battent déjà pour des postes ministériels, alors que votre réélection doit être confirmée par la cour constitutionnelle de la république.Vous avez affirmé, en substance, ceci: « Faites-moi des propositions. Je veux écouter tout le monde. Je vais à présent nommer des cadres compétents, qu’ils soient Soussou, Malinké, Peulh ou Guerzé. Je ne nommerai que des personnes compétentes pour faire avancer le pays. ».
Monsieur le Président,
Faute d’un diagnostic fiable, les politiques publiques n’ont pas toujours été en mesure de proposer les remèdes adaptés à notre pays. Nous assistons à des mutations profondes d’une société, avec un Peuple conscient que sa souveraineté est inaliénable. Son message ne souffre d’aucune ambiguïté. C’est un message qui rappelle à tous les pouvoirs publics leurs devoirs devant la Nation. Un message qui réclame la fin de l’arrogance et de l’impunité, la juste récompense de l’effort, du mérite et de la compétence. Un message qui encourage votre vision de faire de la Guinée un pays émergeant, abritant une société sur le chemin du progrès, solidaire et adossée à des valeurs telles que le respect de soi-même, de l’autre et du bien public ; sans oublier la justice, l’équité, le sens du devoir.
Monsieur le Président,
Nos compatriotes attendent toujours, malgré la centrale hydroélectrique de Kaléta, des solutions durables à la crise énergétique résultant d’une offre insuffisante, coûteuse et instable d’électricité, d’un déficit de production structurel, d’une vétusté des réseaux de transport et de distribution. Cet état de fait est aggravé par la situation financière critique de l’Electricité de Guinée, et les coûts de production élevés de l’électricité du fait d’un recours trop important à l’énergie thermique.
Sur le plan sanitaire, le manque ou l’inaccessibilité des services de soins, l’insuffisance de personnel qualifié et les difficultés récurrentes de gouvernance des structures sanitaires, sont les meilleures illustrations des faiblesses d’un système de santé qui doit inévitablement opérer sa mue. L’épidémie à virus Ebola, qui met à mal tout notre système de santé est là pour nous le rappeler.
L’assainissement urbain est confronté à des défis majeurs, du fait du retard d’investissements importants, de la faiblesse et de la vétusté de son réseau, face à une urbanisation galopante et mal contrôlée. Conakry et nos capitales régionales ne disposent pas encore d’un réseau de traitement des eaux usées.
L’actualité récente vient encore de nous rappeler, douloureusement, à quel point les inondations pour cause de pluie constituent un fléau national. Ces inondations révèlent les dysfonctionnements et incohérences qui ont marqué sur plusieurs décennies les politiques en matière d’aménagement, d’occupation de l’espace urbain et d’assainissement de notre cadre de vie. La gestion des ordures se pose avec acuité dans nos villes, avec les difficultés récurrentes du système d’assainissement. La prolifération des décharges sauvages dégrade le cadre de vie des populations et génère des risques sanitaires élevés.
L’accès à l’habitat est rendu difficile par les coûts élevés de production, de cession des logements et les limites des programmes publics de promotion de l’habitat social.
Notre école est en proie à une instabilité chronique, au point que nos enfants, qui sont plus souvent dans les rues que dans les salles de classe, en arrivent à souhaiter parfois une année blanche, alors même que des efforts budgétaires importants sont pourtant consentis au profit du système scolaire.
Après plus d’un demi-siècle d’indépendance, la Guinée peine encore à assurer sa sécurité alimentaire, et à faire de l’agriculture le moteur de sa croissance. Notre agriculture, comme les populations qui en vivent, reste encore vulnérable aux aléas climatiques, malgré un potentiel appréciable en terres cultivables et en ressources hydriques.
Notre pays connaît, selon le PNUD, un taux de pauvreté élevé de 55,2% au niveau national. Cette persistance de la pauvreté résulte d’une part, à la faiblesse croissance économique et d’autre part, à une forte disparité dans la distribution de nos richesses nationales.
Notre Justice souffre encore de nombreux obstacles liés à la complexité de son organisation, à sa faible accessibilité, à la faiblesse de ses moyens humains, financiers et matériels. A ces maux s’ajoute la complexité des textes et des procédures, ces dernières étant jugées trop longues et trop lentes par le justiciable.
Monsieur le Président,
Les défis qui vous attendent sont certes multiples, mais certains relèvent de questions de survie au regard de leur acuité et de la précarité dans laquelle ils installent les populations. Ils nécessitent donc des mesures urgentes. Je veux parler d’une part, du coût élevé de la vie devenu de moins en moins soutenable pour les ménages, et d’autre part, des urgences du monde rural et des inondations.
Je veux parler d’une part, du coût élevé de la vie, devenu de moins en moins soutenable pour les ménages, et d’autre part, des urgences du monde rural et des inondations.
D’autres défis s’y ajoutent et nécessiteront des solutions structurelles : l’emploi des jeunes, la sécurité alimentaire, l’amélioration durable des revenus du monde rural, l’assainissement du cadre de vie, l’accès de tous les citoyens à des services sociaux de base de qualité, l’amélioration de l’environnement des affaires, la bonne gouvernance, l’assainissement des finances publiques, la consolidation des bases d’une croissance forte, durable et inclusive, le renforcement de la démocratie et de la sécurité.
Dans cette perspective, au-delà des promesses, vous devez :
- mettre fin aux injustices sociales ;
- asseoir des bases économiques solides pour le développement ;
- atteindre une productivité développante ;
- devenir un modèle de gouvernance efficace ;
- contribuer à garantir la paix, la stabilité, la sécurité et l’intégration régionale.
Vos priorités doivent être centrées sur les jeunes et les femmes, acteurs du développement, forces motrices des changements et cibles principales des politiques sociales, mais également sur le monde rural, pour en faire un véritable centre d’impulsion de la croissance.
L’Administration devra internaliser à tous les niveaux une culture de gestion axée sur les résultats, et d’évaluation a posteriori des politiques publiques. Cela permettra de renforcer la sincérité et la discipline budgétaires, également l’efficacité de la dépense publique, exécutée à travers des budgets programmes.
Pour un Etat transparent, renforcer les organes de contrôle, de transparence et de lutte contre la corruption, est une exigence.
Une démocratie forte doit nécessairement s’appuyer sur une justice moderne et indépendante, seule en mesure de dire le droit en toute impartialité. Convenons-en, nous ne pourrons disposer d’une justice performante sans une exécution diligente des décisions, sans la célérité des procédures.
La Justice devra ainsi contribuer à une meilleure protection des droits et libertés des citoyens. Une Justice performante doit également assurer la sécurité juridique et judiciaire des investissements.
Vous partagerez sans doute avec moi que Dieu a gratifié les femmes guinéennes d’un talent, d’un esprit de créativité et d’un sens de l’initiative peu courants. C’est la raison pour laquelle vous ne devrez ménager aucun effort pour les aider à affirmer leur leadership.
Notre jeunesse constitue la plus précieuse ressource de la Nation. Elle doit perpétuer notre héritage et porter le pays sur les voies du futur. Elle doit donc être au centre de vos priorités. Notre pays doit faire face au défi mondial que représente le chômage des jeunes, qui se pose avec une extrême gravité dans notre continent. Nous devons mobiliser et orienter l’énergie des jeunes ainsi que leur potentiel créateur vers l’atteinte de nos objectifs de croissance, en favorisant leur insertion dans le tissu économique.
Notre jeunesse a également besoin de s’épanouir par le sport devenu un moyen de promotion économique et sociale, un outil de formation à la citoyenneté et de promotion des valeurs de civilité.
Chaque performance de nos différentes équipes nationales et de nos athlètes dans les compétitions internationales, est motif de fierté pour tout le Peuple guinéen. C’est pourquoi nous devons accompagner la modernisation de notre sport à travers :
- l’amélioration du cadre institutionnel de la pratique et de l’encadrement de l’activité sportive ;
- la poursuite du programme de construction de stades régionaux, l’aménagement de complexes sportifs de proximité, et la mise aux normes des stades nationaux, pour répondre aux exigences internationales.
Favoriser l’épanouissement de la jeunesse, canaliser son énergie vers le développement, c’est aussi prendre en charge les enfants en bas âge, en situation nutritionnelle difficile, particulièrement ceux vivant dans les zones les plus enclavées, les plus défavorisées ; c’est aussi protéger les milliers d’enfants dont la présence dans les rues heurte les consciences.
Face aux différentes formes d’abus sexuels et d’exploitation dont ces enfants font l’objet, il nous faut réagir, et vite. Réagir parce qu’il est de la responsabilité de l’Etat de les protéger et de leur offrir d’autres alternatives que les chemins de la délinquance, tout en rappelant les parents à leurs responsabilités.
Monsieur le Président,
Je prends le risque à travers une lettre ouverte d’en choquer quelques-uns, voire de me faire des ennemis, mais ma conscience m’a parlé. Je veux m’investir pour mon pays, dans une fidèle sincérité, celle que j’aimerais que vous remarquiez. Mes vœux les meilleurs et souhaits de réussites vous accompagnent pour ce nouveau quinquennat.
Ousmane Boh KABA