Brutus Doumbouya fait de l’esprit !(Opinion)

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Hé ! Wotan… Brutus Doumbouya, le putschiste qui depuis s’endort dans les délices de Capoue au palais Gokhi Fokhè, tout gonflé d’amour-propre, de gloriole, de fierté panafricaniste mal placée, a défrayé la chronique après son piètre passage à la tribune de la 78ème assemblée de l’Organisation des Nations Unis à New-York.

Maintenant le monde entier sait que Brutus Doumbouya parle français comme une vache espagnole. Maintenant le monde entier sait qu’il est, lui aussi, bruyant comme un tonneau vide.

L’on se demande quel branquignol a excité Brutus Doumbouya à aller faire de l’esprit à la tribune des Nations Unies.

Donnez lui à lire « La République » de Platon pour qu’il sache sa place dans le monde.

Ce jeudi 21 septembre 2023, Brutus Doumbouya, engoncé dans son grand boubou blanc, le bonnet blanc sur la tête, argumente les coups d’Etat en Afrique.

Mis à part sa façon de baragouiner en français, analysons son four tout et son fond de pensée.

Il cancane : « Le putschiste n’est pas seulement celui qui prend les armes pour renverser un régime. Je souhaite que l’on retienne bien que les vrais putschistes, les plus nombreux, qui ne font l’objet d’aucune condamnation, c’est aussi ceux qui manigancent, qui utilisent la fourberie, qui trichent pour manipuler les textes de la constitution afin de se maintenir éternellement au pouvoir. C’est ceux en col blanc qui modifient les règles du jeu pendant la partie pour conserver les rênes du pays. Voilà les putschistes les plus nombreux. »

 Doncou ! Par dessus le marché, qui est véritablement un putschiste ? C’est vrai que les putschistes Denis Sassou-Nguesso, Blaise Compaoré, et les non regrettés, Idriss Deby, Hissène Habré, Moussa Traoré, etc ont pris le pouvoir par les armes. Ils ont marché de propos délibéré sur les cadavres de leurs concitoyens pour s’introniser président.

Goby Condé, quant à lui, n’avait pas opéré de putsch comme le définit le dictionnaire pour s’emparer du kibaniyi. Il avait plutôt grenouillé au second tour de la présidentielle de 2010 avec les bénédictions du général malien Siaka Toumani Sangaré, président de la Commission électoral nationale indépendante en Guinée-Conakry, et du général guinéen Sékouba Konaté, président de la transition.

En effet le grenouilleur du RPG a tripatouillé la constitution de la Guinée-Conakry pour se maintenir au pouvoir ad vitam aeternam.

Et partout dans le monde des voix s’étaient élevées pour le condamner et fustiger sa dictature. Et les opposants guinéens (Cellou Dalein Diallo, Sidya Touré) avaient continué d’opposer la démocratie à la barbarie de son régime.

Qu’est-ce qui allait se passer si ce putsch du 5 septembre 2020 n’avait pas dégommé Néron Condé qui régnait sans rime ni raison ?

Néron Condé allait sûrement enlever Brutus Doumbouya à la tête des forces spéciales… Autrement dit, celui-ci a sauvé sa propre tête en prenant les devants. Et aujourd’hui c’est un fait : Brutus n’entend pas se contenter seulement d’assumer une transition ; se faisant passer pour un justicier, il veut diriger le bled pour longtemps et longtemps. Le temps d’éradiquer la corruption, la concussion, les détournements de deniers publics, et de placer un saint thaumaturge à la tête du bled. Seulement, il y a un hic : depuis sa prise du pouvoir, qui s’est soldée par le massacre d’une centaine de personnes, corruption et détournements de deniers publics sont la marque de fabrique de sa gouvernance. Ces détournements se chiffrent à des milliards de francs guinéens. La commission de lutte contre la corruption, submergée de pots de vin, se la coule douce et ferme les yeux sur beaucoup de dossiers de détournement. La semaine dernière, c’est le directeur d’une grande boîte à Cona-cris, compromis dans un scandale de détournement, qui appelle un agent de la commission en déplacement à l’étranger pour lui graisser la patte : « Je t’envoie 1500 euros, Yéé saré… ». Entendez : « le prix de l’eau… »

La situation de la Guinée-Conakry est encore plus pourrie aujourd’hui qu’avant la chute de Néron Condé à tout point de vue.

Et Brutus Doumbouya de vouloir tropicaliser la démocratie :

« L’Afrique souffre d’un modèle de gouvernance qui a été imposé. Un modèle certes bon et efficace pour l’occident qui l’a conçu au fil de son histoire, mais qui a du mal à s’adapter à nos réalités, à nos coutumes, à notre environnement. Hélas la greffe n’a pas pris…, (…). Nous sommes tous conscients que ce modèle démocratique que vous nous avez si insidieusement et savamment imposé après le sommet de la Baule en France, presque de façon religieuse, elle ne marche pas. Les différents indices économiques et sociaux sont là pour le démontrer. Ce n’est pas un jugement de valeur sur la démocratie en elle-même. Croyez-moi. C’est un bilan. Un constat sur plusieurs décennies d’expérimentation chaotique de ce modèle dans notre environnement. Une période où il n’a été question que de joutes politiques. Au détriment de l’essentiel. L’économie. »

Oh là là ! Brutus Doumbouya a le boulard et rappelle ce qu’en dit Dostoïevski : « Nul savoir et une présomption sans bornes. »

L’Afrique ne souffre nullement de ce modèle de démocratie proposée par l’occident. Elle a surtout souffert et souffre plutôt de l’exercice d’une démocrature, une démocratie abâtardie.

En quoi le préambule inscrit dans la déclaration universelle des droits de l’homme serait-il incompatible avec les coutumes africaines ? Ce préambule est un pilier de soutènement de la démocratie. L’on ne revient pas là-dessus, relisez, vous-même, ce préambule et vous conviendrez de l’égarement de Brutus Doumbouya.

La démocratie se bat pour une société égalitaire dans laquelle les personnes ne sont pas catégorisées en fonction de leur nom de famille les reliant automatiquement à une catégorie sociale et ostracisées de ce fait. De ce point de vue l’on dira que la démocratie est iconoclaste. Et l’on conçoit aujourd’hui, dans le manden, qu’un Brutus Doumbouya, descendant de Fakoli Doumbouya dit Fakoli Koumba, Fakoli Dâ bâ ; trône pour une transition militaire en Guinée-Conakry. Qu’il réécoute « Soundiata » du Rail band avec la belle voix du regretté Mori Kanté en 1975 ; et ça lui coupera le sifflet !…  

On concède à Brutus Doumbouya, qui est franc comme un âne qui recule, qu’il ne fait pas là un jugement de valeur sur la démocratie.

Focalisons-nous alors, soit dit en passant, sur le cas qui nous regarde directement : la Guinée-Conakry !

De 1958 à 1984, Sékou Touré a ensanglanté le pays avec sa révolution loufoque. Bilan : cinquante mille (50.000) personnes trucidées. Pratiquement tous les intellectuels de cette sombre époque ont été zigouillés sur ordre de propos délibéré de Sékou Touré. Et il crève de sa belle mort au cœur de l’impérialisme qu’il n’avait cesse de pourfendre ; et il laisse un pays exsangue, pauvre, en manque de tout.  

Le colonel Lansana Conté est parachuté au pouvoir par l’armée guinéenne. Il desserre l’étau, accepte le multipartisme, admet qu’on le satirise dans Le Lynx, qu’on critique sa gouvernance dans des journaux indépendants qui voient le jour pour la première fois dans le pays. Les opposants Bah Mamadou, Siradiou Diallo, Alpha Condé, Alfa Sow, Jean-Marie Doré n’arrivent pas à déboulonner le général président Lansana Conté. Et « Dakhi » de Fodé Kouyaté fait fureur dans le pays pendant qu’une poignée de Guinéens, aux affaires, couillonnent le président Lansana Conté et s’enrichissent illicitement. Sa garde prétorienne n’hésite pas à massacrer près deux cent individus à la manifestation de 2007 à Cona-crimes. Les populaces n’y coupent pas. Ainsi même mort, le cadavre du dictateur général Lansana Conté a continué de régenter encore la Guinée-Conakry des heures durant.

Alors c’est l’avènement du capitaine Moussa Dadis Camara qui vient avec une vision frelatée de la démocratie et qui impose son diktat. C’est des exactions, des assassinats et des guerres intestines, des suspicions. Le pouvoir militaire du Pharaon du CNDD perd complètement la raison et massacre plus de 157 personnes au stade du 28 septembre de Cona-crimes lors du rassemblement de l’opposition le 28 septembre 2009. Une centaine de femmes sont violées ici et ailleurs, battues à bras raccourcis, humiliées par des militaires et des miliciens en furie.

Le général Sékouba Konaté ou tigre de papier succède à Moussa Dadis Camara et mène à sa manière la transition militaire. Une transition diaprée de mensonge et de manipulation. Elle se conclue avec l’avènement de Goby Condé au trône qui a resquillé.

On ne peut pas soutenir, aujourd’hui, que Goby Condé, qui se croyait vraiment sorti de la cuisse de Jupiter, obtempérait aux injonctions des grandes puissances ou de l’occident. Il a régné par la violence politique, l’infatuation, le mensonge, la manipulation, le chantage, l’ethnocentrisme, le clanisme, les détournements de deniers publics, l’enrichissement illicite. Ça a été vraiment le temps de la curée mais aussi un règne sanglant qui a monté les Malinkés contre les Peuls et qui a endeuillé des milliers de familles guinéennes. Que de citoyennes et de citoyens guinéens qui ont essuyé des inquisitions, des exactions, des violences policières et des emprisonnements arbitraires sous le régime détestable de Goby Condé !

Sur le plan du développement économique de la Guinée-Conakry, le resquilleur n’a rien foutu. Pendant sa gouvernance, il a été surtout mis en place « un système d’appropriation privée du pays, de ses ressources ; et de domestication, par la force et la corruption, des institutions de la République et des personnes qui les incarnent », pour emprunter ainsi les termes au professeur sénégalais Abdoulaye Bathily dans son livre : « Passion de liberté ».

Qui en France, aux Etats-Unis, en Allemagne, en Angleterre, au Sénégal, en Belgique, au Canada, en Guinée-Bissau n’avait pas déconseillé Goby Condé de tripatouiller la constitution guinéenne à son seul avantage ?

A la date du 5 septembre 2020, jour du putsch opéré par Brutus Doumbouya contre Néron Condé, le pays manque d’hôpitaux, de matériels médicaux adéquats, de médicaments, de couveuses, de médecins, de gynécologues, de routes, d’écoles et de professeurs qualifiés, de travail, de tout et tout.

La démocratie promeut le développement économique par le truchement de la dévolution du pouvoir. La démocratie promeut l’indépendance d’esprit, la liberté, la justice. La démocratie promeut le développement et l’épanouissement de l’homme, de la personne humaine. Or les dictatures ferraillent contre la démocratie. Alors qu’on ne vienne pas nous dire, aujourd’hui, que « la greffe n’a pas pris » parce que la démocratie « a du mal à s’adapter à nos réalités, à nos coutumes, à notre environnement ». Pouah ! alors que, lui, Brutus Doumbouya, à la tête des forces spéciales, était le bras armé de Néron Condé pendant sa dictature. Brutus et ses hommes ont tué de propos délibéré de jeunes guinéens qui manifestaient contre la dictature de Néron. Et plus récemment, le 5 septembre dernier, ils ont ôté le goût du pain à cinq jeunes qui ont l’âge des rejetons de Brutus Doumbouya que l’on voit plastronner, aujourd’hui, à Cona-crimes et à Kankan. Papa Brutus, qui règne par les armes, suit les sentiers battus. Entre lui et son prédécesseur, il n’y a pas un pour rattraper l’autre. A l’occasion de son retour à Cona-cris, le samedi 24 septembre 2023, on a sonné au rassemblement des fonctionnaires et des « Ngnarimakh » afin que l’accueil prenne les couleurs réservées au retour d’un fils prodige.

Brutus Doumbouya est un tyran sans entrailles qui veut passer pour un parangon de la vertu, de l’honnêteté, de la droiture. Il est dans l’humanitairerie. Sous l’empire de l’amour-propre, il balance à la tribune des Nations Unies :

« Nous sommes suffisamment matures pour définir nos priorités, pour concevoir notre propre modèle qui corresponde à notre identité, à la réalité de nos populations, à ce que nous sommes tout simplement. »

A bas la Révolution ! Quel autre modèle tu proposes concrètement aux Guinéens ?

C’est ce que pourfend Dostoïevski : 

« Montrez à l’étudiant russe un planisphère céleste, dont jusque-là il n’avait aucune idée, et dès le lendemain il vous rendra ce planisphère rectifié. »

Les putschistes en Guinée-Conakry sont comme l’étudiant russe, « Nul savoir et une présomption sans bornes. »

Inventez votre modèle politique sans chercher à tropicaliser ou customiser quoi que ce soit. C’est vrai ! vous êtes assez grands (de taille sans faute), assez musclés, ressemblant même à des cyborgs pour coiffer les populaces d’une idée politique qui tiendrait à un fil tenu. C’est aisé d’enrégimenter les gens au bout du fusil. C’est de la tarte pour une junte au pouvoir de restreindre les libertés individuelles, de tenir l’opposition en bride, de mettre au pas, par l’usage de la brutalité, élèves et étudiants à qui on veut imposer un système éducatif tropicalisé à la noix, et de régenter ainsi le bled.   

Maintenant ! l’on entend les dires des admirateurs de Brutus Doumbouya qui mangent à tous les râteliers. L’on entend Bah Guérémassoy qui grouille pour exister politiquement. Et l’on voit Oussou Kouthioun de Gaoual qui fait le chien couchant devant la main qui le nourrit. Ces deux sacripants se commettent avec le diable juste pour casser la Petite Cellule Diallo. Mais ils savent au fond d’eux-mêmes pour ce qui est de leur accession au trône, les raisins sont trop verts… Alors ils jettent le sable dans l’athiéké qu’ils ne pourront pas manger. L’âge d’or pour la Guinée-Conakry, ce n’est pas pour aujourd’hui.

Benn Pepito       

              

           

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BAMCE
BAMCE
25 septembre 2023 16:16

Très belle analyse, toujours un plaisir de lire Been Pepito, vous vous faisiez rare, j’étais un peu inquiet, je suis rassuré.