Quelque chose cloche dans la transition parce que Brutus Doumbouya, le paladin du comité national pour le rassemblement et le Développement (CNRD), a fléchi devant le syndrome d’hubris qui lui procure le sentiment de puissance, de quelqu’un d’exceptionnel, de petit dieu en Guinée. Il peut se donner les gants d’avoir déposé Néron Condé, et c’est un morceau d’anthologie. Sans occulter le fait que, lui, Brutus Doumbouya et d’autres sacripants ont eu pour tâche dans le groupement des forces spéciales de terroriser des militants de l’opposition, de les violenter, de les torturer, de les violer, de les déshumaniser par toutes sortes d’avanies et de sévices, de les zigouiller et d’assurer implicitement la pérennité du pouvoir de Néron Condé.
Le 5 septembre 2021, Brutus et son groupe font tapis en tournant leurs armes contre ce dernier.
On n’a pas fait bouquer Brutus Doumbouya à renverser son bienfaiteur, groggy de pouvoir. C’est dans la tragédie : le tyran ou le scélérat en chef devait disparaître de la scène.
Eh bien ! la fatalité a fait que c’est le scélérat en chef qui se subroge au despote. Seulement, depuis, tous ceux qui se battent pour la démocratie, la justice et la liberté dans le bled ont la forte impression de tomber de Charybde en Scylla.
Brutus Doumbouya, un illuminé, caracole au milieu d’une garde prétorienne qui veille sur sa sécurité en tout lieu et en tout temps. Le pouvoir c’est lui. La puissance c’est lui. La justice c’est lui. Il accorde sa justice à qui il veut et il essaie de déchoir et de perdre en réputation qui il ne porte pas dans son cœur. Interdiction à l’opposition de descendre dans la rue pour réclamer la publication du chronogramme de la transition. On ne connaît rien des tenants et des aboutissants de la transition qui est véritablement une usine à gaz. Mais on doit la boucler et on ne sait au nom de quoi !
En son propre et privé nom, Brutus Doumbouya concède les cases de Bellevue à Marie-Andrée Duplantier Touré, l’Egérie de Sékou Touré. En dépit de son serment de faire de la justice sa boussole dans la conduite de la transition. Et personne dans la rue pour protester.
Toujours en son propre et privé nom, Brutus Doumbouya, le colosse du CNRD, pousse le bouchon un peu loin en baptisant l’aéroport de Conakry du nom horrifique du chef suprême de la révolution guinéenne. Ainsi le colosse du CNRD remue le passé en foulant aux pieds la mémoire des cinquante mille victimes de Sékou Touré et de sa révolution démoniaque.
Et l’on a vu des chefs politiques branques applaudir le gnafron du CNRD et l’encourager à promouvoir une réconciliation des Guinéens autour de la réhabilitation de Sékou Touré. C’est du Yakafokon ! Ça montre qu’ils ont une vision bancale, étriquée de la réconciliation nationale.
Dans l’état d’esprit actuel des familles des victimes de Sékou Touré et de sa révolution satanique, il est impossible à ce jour d’envisager et de réussir une réconciliation nationale propre. Pourquoi ? Parce que entre autres raisons, certains scélérats qui ont tué nos parents nous narguent dans les travées du pouvoir, se pavanent dans les rues la tête altière animés de la quiétude de ne jamais répondre de leurs crimes à la barre de l’histoire.
On doit attraire Madafing Diané et bien d’autres scélérats à la justice pour le rôle nocif qu’ils ont joué dans la révolution sékoutouréenne. Ils compulsaient des documents controuvés ; et ils fabriquaient de claudicants aveux de culpabilité dont faisaient siens de prétendus « contre-révolutionnaires » à la Voix de la Révolution. D’innocents « contre-révolutionnaires » que le chef suprême de la révolution détestait.
Les hommes au pouvoir sont chiches de parler de réconciliation nationale pour faire l’intéressant et donner le change ; mais on ne les entend jamais parler des crimes perpétrés par Sékou Touré et ses hommes de main. Or il faut qualifier ces crimes devant un tribunal et prononcer une condamnation contre leurs auteurs. L’impunité favorise la perpétration d’ignobles crimes de masse.
Et Alexandre Soljenitsyne nous le rappelle dans son célèbre « L’archipel du Goulag » :
« Depuis des temps immémoriaux, l’idée que les hommes se font de la justice comporte deux volets : la vertu triomphe et le vice est puni. »
Pendant la révolution sékoutouréenne, c’était le triomphe du clanisme, du mouchardage, de la délation, du mensonge, de la manipulation, du dévergondage, de la fornication, du crime, de l’ignominie, du vice et l’abaissement de la vertu.
Goby Condé a marché sur les pas de Sékou Touré en attisant la haine ethnique et en frappant les Peuls d’ostracisme.
L’on sait que ce n’est pas du goût des militants cocardiers d’entendre des critiques acerbes contre Sékou Touré et sa révolution, contre Goby Condé et sa dérive totalitaire. Ils sont chiches de charger Lansana Conté de tous les péchés et par ricochet de disqualifier principalement ses anciens ministres, Sidya Touré et Cellou Dalein Diallo, dans la course au pouvoir.
Ah ! oui, le Sid de l’UFR et la Petite Cellule Diallo de l’UFDG sont viocs. Ils ne sont pas chiches de gagner la prochaine présidentielle. Et puis ce n’est pas encore le tour d’un Peul de gambiller au trône. Ah, non ! Pas maintenant. Peut- être à la Saint Glinglin…
En attendant Godot ! Regardons Brutus Doumbouya, qui a la bride sur le cou, nettoyer les écuries d’Augias dans le patelin. C’est un homme fort. Un homme qui se dit de droiture et qui ne peut pas souffrir l’injustice. Il ne peut pas souffrir les stellionataires au point qu’il piétine sciemment le droit, la loi, la justice. Et sa spécieuse volonté de récupérer les biens de l’Etat ne peut que faire des émules et séduire tous les aigris dans le bled !
Du reste la Petite Cellule Diallo doit s’estimer heureux d’avoir été juste expulsé de sa maison à Dixinn avant de la voir crouler sous les bulldozers du nouveau pouvoir. Ils ne lui ont pas encore arraché sa douce moitié, Hadja Halimatou Diallo ; et il n’a pas à avoir peur d’une relégation.
Dans la Guinée de Sékou Touré, des milliers de Guinéens ont été exterminés parce que tel dignitaire ou tel sagouin qui parlait aussi dans l’oreille de Sékou Touré convoitaient leur femme, visaient leur vache, leur étal.
Et comme le dit Alexandre Soljenitsyne :
« On ne peut tout de même pas, au vingtième siècle, continuer pendant des décennies à confondre les atrocités relevant du tribunal et le « passé » qu’ « il ne faut pas remuer » ! »
Bien sûr que nous sommes au vingt-et-unième siècle depuis peu.
Hé ! gogo… Aujourd’hui c’est hier en Guinée où l’impunité des crimes commis continue de faire fureur.
Il faut absolument faire cette distinction si l’on veut engager les Guinéens dans la voie de la réconciliation : les crimes commis dans les différents régimes, qui se sont relayés, relèvent du tribunal.
Il s’avère que Brutus Doumbouya a une conception bancroche de l’équité. Le nouveau satrape a un deux poids et deux mesures dans la distribution de la justice dans le bled.
Et en son propre et privé nom, le satrape ordonne que ses hommes rasent le domicile de Cellou Dalein Diallo à Dixinn alors que l’affaire est pendante devant le tribunal.
L’on voit bien qu’il est le nouveau maître du jeu dans le bled donc il n’a pas tant besoin de montrer les muscles. Il devait laisser la justice faire son travail.
Il a lancé les assises le 22 mars dernier en recommandant les cabotins, les boute- en-train de ces cabotages à se dire :
« La vérité oui la vérité, celle qui donne tout son sens à ces assises nationales. La vérité celle qui procède toute entreprise de réconciliation, la vérité celle qui est synonyme de repentir, de reconnaissances de nos torts. C’est elle cette vérité là après tellement d’affrontements et de lutte stériles.
C’est elle qui dicte mes décisions comme celle qui nous a réuni à l’occasion de ces assises. Cette vérité-là nous demande si on s’écoutait maintenant et si on se parlait à présent. Ces journées de pardon et vérité s’étaleront sur six semaines. »
Il faut le prendre au mot en disant la vérité et le fond de notre pensée sur ces assises spécieuses : Sékou Touré est la principale cause de la discorde entre les Guinéens. Autrement dit, on ne peut pas se réconcilier autour de son nom. Que les boute-en-train de ces assises nationales le comprennent bien !
Sur ce, il faut absolument débaptiser le palais présidentiel et l’aéroport de Conakry affabulés de son nom. Sékou Touré c’est Hitler. Sékou Touré c’est Staline. Sékou Touré c’est Pol Pot. Sékou Touré c’est Idi Amin Dada. Sékou Touré c’est Bokassa. Sékou Touré c’est Mobutu Sese Seko Kuku Wazabanga. Excepté Sékou Touré, aucun de ces maudits dictateurs cités n’a été réhabilité dans son pays. Comme qui dirait en Guinée on marche sur la tête.
Ecoute, Brutus ! Tu as laissé Néron Condé se carapater alors qu’il est coupable de beaucoup d’atrocités, de meurtres, d’assassinats, de détournements de deniers publics. Et maintenant Gobykhamé prend plaisir à narguer les familles de ses victimes, à les moquer en exposant la vie somptueuse qu’il est en train de mener à Abou Dhabi.
Et toi, maintenant !… Tu arbores la tunique du parangon de la justice… Or depuis ton coup d’Etat, tu ajoutes de l’injustice à l’injustice. Tu désappropries injustement l’Eglise de Guinée de son titre de propriété sur le domaine où se trouvent les Cases de la Bellevue que tu offres sur un plateau d’argent à Andrée Touré. Avec cela tu lances les assises nationales. Faux-cul, injuste, tu veux passer aux yeux des Guinéens pour ce que tu n’es pas : un homme imbu de vertu.
Ecoute, Brutus ! La communauté internationale vous tient à l’œil, toi et les scélérats du CNRD. Elle est au courant de certains de vos crimes perpétrés en Guinée. Pas un jour ne passe à Paris sans qu’on ne dénonce à la Cour Nationale du Droit d’Asile (CNDA) vos atrocités. Et le nom du colonel Balla Samoura de la gendarmerie nationale est le plus dénoncé.
« La Guinée, c’est le pays qui torture le plus au monde » a déclaré Me Marianne Lagrue à la barre du CNDA, le 30 mars 2022. Et elle parle de la Guinée d’aujourd’hui, de ton pouvoir de transition.
Laisse tomber cette histoire d’assises nationales. Tu es là pour une transition. L’on dit bien une transition. Alors passe ton chemin et casse-toi !
Benn Pepito