Brutus Doumbouya se crête au pouvoir…! (par Benn Pepito)

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« La presse sera toujours là et son rôle, c’est de critiquer, pas d’injurier. Son rôle, c’est de faire observer, pas de ridiculiser. »

Cette parole de Boubacar Yacine Diallo, patron de ce machin de communication qui dérègle la presse indépendante (quelle est son appellation encore ?) dans le bled, fait balle et amène à pourpenser sur la presse indépendante, sur l’opposition et sur ce pouvoir absolu en vigueur.

Soyez rassurés ! on ne va pas vous casser les oreilles en chantant la ritournelle, ici, sur le rôle dévolu à la presse. Mais au regard de la dictature qui assujettit opposants, journalistes vertueux et tout quidam qui osent l’ouvrir pour taper sur la gouvernance de Brutus Doumbouya, le Parrain du Palais Gokhi Fokhè et du Palais Mohamed V, c’est mieux indiqué de regarder sous le capot.

Pourquoi ?

Parce que la presse est le seul instrument de mesure de la liberté de penser et de parole et de culte dans un pays où l’on milite pour l’avènement de la démocratie. Sans cette liberté consacrée par la constitution, c’est impossible de faire prospérer une véritable démocratie. Chantal Delsol de dire alors dans l’introduction de l’enquête internationale sur « La démocratie dans l’adversité » :

« La démocratie ne peut s’instaurer et perdurer que dans la liberté, faute de quoi elle déploie des apparences et des mensonges, des mots vides. »

En Guinée-Conakry, si la presse met au grand jour ces apparences et ces mensonges et ces mots vides, aussitôt Brutus Doumbouya se crête au pouvoir…! Et dans l’esprit du principe des vases communicants, la colère noire de l’Egocrate rejaillit sur la HAC de Bouba Yacine qui, mécaniquement, prend les mesures de musèlement à l’encontre des organes et des journalistes incriminés. En fait toute critique qui irrite l’Egocrate aux deux Palais est qualifiée ipso facto d’injure.

Sinon l’on ne voit pas l’injure qu’on a faite à l’Egocrate et qui a impliqué irrémédiablement la fermeture de tous ces médias privés !

La constitution guinéenne, héritée du régime du général Lansana Conté, consacrait les critiques, les railleries dans la presse indépendante. Lansana Conté n’avait-il pas dit, un jour, à ses thuriféraires stipendiaires, qui fayotaient en cassant du sucre sur le dos du groupe de presse Le Lynx-LA LANCE, de foutre la paix à Diallo Souleymane. Si le général Lansana Conté avait écouté ces fumistes stipendiaires, Oscar, le caricaturiste d’alors dans Le Lynx,  allait à coup sûr être six pieds sous terre dès longtemps. Tant les Guinéens se gaussaient des caricatures sur Fory Coco et se gaudissaient de la satire dans Le Lynx qui leur faisait oublier tant soit peu leur quotidien. Depuis de l’eau a coulé sous les ponts.

Et aujourd’hui, l’Egocrate musèle les bouches, torpille la justice, fait voir du pays à l’opposition et promotionne une démocratie cosmétique dans le bled.

« Bien que nos démocraties libérales puissent se vanter, face aux totalitarismes sanguinaires, de ne pas avoir soldé de leurs promesses dans des camps d’extermination, elles ne peuvent pas nier que leurs aspirations mènent la politique directement au cimetière », écrit Domingo Gonzalez dans l’enquête internationale.

Aux lendemains du 5 septembre 2021, le Parrain aux deux Palais passait pour le parangon de la justice, de la droiture, de la vertu. Et pendant de longs mois, il réussit à faire l’ange et à berner les incultes. Mais aujourd’hui…! mais aujourd’hui, le masque est tombé : Brutus Doumbouya est un ennemi de la liberté et de la justice, un inexorable adversaire de la démocratie.  

C’est vrai que le totalitarisme sanguinaire de Sékou Touré, qui de 1958 à 1984 a supprimé plus de 50.000 individus, bat le record de toutes les dictatures sanglantes qui se sont succédé en Guinée-Conakry depuis.

Les deux plus sinistres prisons du pays, le camp Boiro et le camp Kindia qui broyaient au nom de la révolution sékoutouréenne des cambroussards, des contadins, et les intellectuels susceptibles de porter ombrage à Sékou Touré, ont été fermées. Diallo Telli, le premier secrétaire général de l’OUA, aujourd’hui Union Africaine, est mort d’inanition au Camp Boiro sur ordre de Sékou Touré. Et avant de mourir dans sa cellule, Diallo Telli confie :

« Je souhaite qu’après moi, en Guinée, en Afrique ou n’importe quel lieu du monde des enfants, des vieillards et des femmes ne paient plus de leur vie l’irresponsabilité d’hommes qui au lieu de créer et d’entretenir la liberté la torpillent. »

C’est pas pour dire, mais le camp Boiro broyait des enfants, des enfançons, des femmes et des vieillards.

Et aujourd’hui encore, le Parrain aux deux Palais ne peut pas nier avoir tué lui-même ou fait exterminer des enfants, des femmes et des vieillards dans des manifestations de rue à Cona-crimes et Kindia.

Avant sa prise du pouvoir, il était à la tête de cette garde prétorienne de Goby Condé qui a massacré plus de deux cents jeunes personnes sur la route Le Prince, rebaptisée par celui-ci « l’axe du mal » qui relie les quartiers Hamdallaye, Bambeto, Cosa, Cité Enco5, Sonfonia, Cimenterie et Kagbelin.  

Et à sa prise du pouvoir par les armes, Brutus Doumbouya érige au cimetière de Bambéto une plaque mémorielle de ces jeunes que lui et ses hommes ont trucidés.

Attendez ! ça ne vous percute pas, vous ! Vous voulez qu’on ne fasse pas cas de cela ? Qu’on ne parle pas de ce cynisme, de cet épisode douloureux ? Des élèves, des étudiants, des adolescents tués par la police, la gendarmerie et le Groupement des Forces Spéciales commandé alors par Brutus Doumbouya.

Pas de justice pour ces personnes tuées ?

Ah, non ! Que les familles des victimes actionnent Brutus Doumbouya et le GFS  en France, aux Etats-Unis, en Angleterre, au Canada. Ils doivent répondre de leurs actes.  

Depuis le 5 septembre 2021 jusqu’aujourd’hui, près de 47 manifestants, qui réclamaient la liberté de manifester, de protester contre le monisme politique, sont enterrés dans les cimetières de Cona-crimes et de Kindia. Aujourd’hui, en Guinée-Conakry, on a échos à des kidnappings et à des arrestations extrajudiciaires (Foniké Menguè et Billo Bah) d’opposants au pouvoir absolu de Brutus Doumbouya, très décidé à mettre tous ses contempteurs à la raison.

Et très tôt, Montesquieu, voyant des dictateurs venir avec leurs gros sabots, enseigne : « Si dans l’intérieur d’un Etat vous n’entendez le bruit d’aucun conflit, vous pouvez être sûr que la liberté n’y est pas. »

Qui ose soutenir qu’on respire actuellement la liberté en Guinée-Conakry ?

Depuis le coup d’Etat du 5 septembre de Brutus Doumbouya, pas plus de liberté que sur la main, et la justice se réduit comme une peau de chagrin.

La presse indépendante est muselée, les partis d’opposition sont garrottés, et les populaces continuent à se débattre dans le dénuement et la débine.  Les opposants Sidya Touré de l’UFR et Cellou Dalein Diallo de l’UFDG, en exil forcé, seront confrontés à une lettre de cachet en cas de retour dans Cona-crimes. C’est garanti sur facture.

Il faut absolument trouver la bonne stratégie dans la bataille pour l’instauration de la démocratie en Guinée-Conakry.

Comment empêcher Brutus Doumbouya de candidater à la prochaine présidentielle ?

Comment déjouer les intrigues politiques du Conseil national de la transition de Dansa Kourouma qui, à travers leur projet de nouvelle constitution spécieuse, vise à faire la part belle à Brutus Doumbouya à l’élection présidentielle tout en disqualifiant Sidya Touré au prétexte qu’il sentirait la naphtaline ?

Quelles sont les idées à véhiculer pour mobiliser les élèves, les étudiants, les jeunes sur cette question nodale qu’est ce que doit contenir une constitution qui garantirait la création d’une démocratie libérale et durable ?

Par quel canal d’informations et de communications ?  

La Guinée est à la croisée des chemins.

Alors comment liguer les Guinéennes et les Guinéens contre les sombres projets de ces hommes liges du Parrain qui cherchent à nous endormir avec le projet d’une démocratie illibérale en vogue dans beaucoup de pays ?   

Hé ! pour dire vrai, les questions bourdonnent dans la caboche de votre gars. Il ne pensait jamais qu’après le règne de Néron Condé, la Guinée-Conakry tomberait entre les mains d’un autre quidam qui ne casse pas des briques. Sonné par cette réalité politique, on essaie tout de même de se donner bonne conscience en arguant que le pays joue, comme on le voit, de malheur depuis 1958.

On se targue de dire que la Guinée-Conakry est le château d’eau de l’Afrique et que son sous sol regorge de ressources minières : bauxite, manganèse, fer, or, diamant, etc. Et depuis jusqu’à l’heure là, la Guinée-Conakry et les Guinéens manquent de tout. Dans le domaine de la santé, c’est la catastrophe. Tout manque à Donka et Ignace Deen, les deux hôpitaux cotés de Cona-cris. Les médicastres de ces hôpitaux tiennent des cliniques spécieuses comme des échoppes dans les quartiers de la capitale. C’est l’arnaque à volonté. Alors les Guinéens qui sont à flot vont se faire soigner à Dakar, à Abidjan ou à Tunis. Les plus argentés vont jusqu’en France ou jusqu’aux Etats-Unis pour être sûr d’avoir le bon diagnostique de ce dont ils souffrent. Au pire, les médicastres dans les cliniques vous dépouillent non seulement de toutes vos économies mais par dessus le marché, ils vous délivrent de faux diagnostiques.

L’on vous acertaine que ce qui se passe dans les hôpitaux, les dispensaires, les centres de santés, les cliniques surtout, n’est pas très catholique.

Ce n’est pas reluisant non plus du côté des écoles et universités guinéennes. Des maîtres, des professeurs bons marchés qui sont payés au lance-pierres substantent leurs apprenants d’un savoir ayant les propriétés d’un gloubi-boulga.

Dites si c’est chanter pouilles à l’Egocrate que de fustiger nos écoles et nos universités qui sont à l’heure actuelle le creuset de la médiocrité, de la nullité, de la banalité ?

Didon ! on ne marche pas sur des cadavres pour s’emparer du pouvoir et se gendarmer à la moindre invective, prendre feu à la moindre parole qui blesse. On dénonce les inerties, les impérities, les travers, les manquements, tout ce qui est susceptible de maintenir les élèves et étudiants dans les ténèbres pour mieux les assujettir. C’est plus facile d’abrutir des demeurés, de les embéguiner de patriotisme, de nationalisme et de panafricanisme frelatés que de faire face à des citoyens instruits. L’instruction est le substrat des pays développés. Et les élèves et les étudiants guinéens sont en droit d’exiger dans l’enseignement qu’on leur dispense la qualité. Parce que nous sommes à l’ère de la mondialisation : si on vous inculque dans la caboche un enseignement à quatre sous, vous tiendrez difficilement dans des études supérieures au Maroc, en Tunisie, en France, au Canada, Aux Etats-Unis où il faut être la crème de la crème pour décrocher un diplôme. La balle est maintenant dans votre camp.

Certes l’opposition est en train de se battre pour l’alternance politique et démocratique en Guinée. Mais l’on se demande si elle apprécie à sa juste valeur le rôle que doit jouer la presse dans ce combat.  

Cellou Dalein Diallo ou Sidya Touré ou Aliou Bah du MODEL (Mouvement Démocratique Libéral) doivent avoir compris, à ce jour, que le castrateur est en train de tout mettre en œuvre pour les sevrer de l’apport de la presse privée indépendante. Le musèlement de la presse privée est fait contre eux. Les deux ou trois sites en ligne restent encore à ce jour les seuls créneaux de communication à leur portée. Voulant tout contrôler, il faut s’attendre à ce que le pouvoir militaire de Brutus Doumbouya fasse main basse sur ces sites. C’est crème.  

L’opposition doit anticiper et lancer son propre site d’informations générales pour parer à toute éventualité. Un parti politique d’opposition dans un pays dictatorial comme la Guinée-Conakry doit avoir son propre site. C’est vraiment étonnant que l’opposition n’ait pas œuvré dans ce sens dès longtemps.  

Benn Pepito

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