Les réactions à la publication de la « liste issue du contentieux franco-guinéen rentrant dans le patrimoine immobilier de l’Etat », nous obligent à publier un extrait de nos notes de recherches sur le contentieux franco-guinéen pouvant contribuer à la compréhension de la problématique des débats en cours….
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De la réaction de Dr Fodé Oussou Fofana:
Sur la liste des 475 bâtiments répertoriés par l’Agence Judiciaire de Guinée, en particulier « la liste partielle des immeubles dits cédés » à 43 personnes, je n’ai vu nulle part qu’il s’agit du « Président de l’UFDG ».
Bien sûr, il y est précisé, puisqu’il s’agit de deux homonymes : Cellou Dalein Diallo , « ancien PM » et El hadj Cellou Dalein Diallo, « conseiller PRG ». D’où la nécessité de l’application du principe du dédoublement fonctionnel pour éviter tout amalgame, tout déplacement du problème.
Mais ce qui frappe ceux-là qui s’intéressent à l’histoire récente de notre pays, c’est que les 43 personnes qui ont acquis par achat ou par donation une partie du patrimoine national, soit avaient des rapports affectifs avec le chef de l’Etat, Lansana Conté, soit occupaient des postes administratifs ou politiques stratégiques importants au sein du régime que celui-ci dirigeait.
Ainsi, quand monsieur Cellou Dalein Diallo a obtenu le bien immobilier incriminé, il était premier Ministre.
Certains citoyens en concluent que ce fut par abus du pouvoir que certains ont obtenu les biens immobiliers « dits cédés » d’autant plus que le chef de l’Etat, qui les leur céda, le général Lansana Conté, déjà ébranlé par la tentative du coup d’Etat des 2 et 3 février 1996, ne récupéra plus toutes ses capacités physiques et morales de s’opposer à certaines pressions morales, à certaines pratiques condamnables. Je peux d’autant plus comprendre cette façon de voir les choses que j’étais son chef de cabinet civil quand certains des citoyens concernés étaient ses intimes.
Par ailleurs, sur le plan politique, l’on disait que monsieur Cellou Dalein Diallo était du PUP. Et s’il militait secrètement à l’UFDG, ce qui me surprendrait, son appartenance à ce parti n’avait jamais fait l’objet d’une fuite et nous savons comment il a fini par devenir Président de ce parti qu’il n’a pas créé.
Dr Fofana affirme par ailleurs que certains citoyens de la cité ministérielle de Donka ont acheté des maisons de l’Etat au temps de Sékou Touré et que « des fonctionnaires ont eu des habitations sous Sékou Touré. Ce dernier a pris des décrets en attribuant la maison à un citoyen ». Or, personne, surtout un fonctionnaire, n’osait ou n’osa poser l’envie de disposer d’un bien du peuple, en particulier l’achat d’une maison d’Etat, quel que soit le titre de l’intéressé au sein de l’Administration ou du Parti. C’est le principe du « Droit du Peuple » qui prévalait à l’époque, et Ahmed Sékou Touré disait souvent aux cadres : « l’exemple vient d’en haut, l’imitation d’en bas »…
Pire, Dr Fofana a pris l’exemple de la résidence de Jean-Marie Doré pour étayer son affirmation. Or, voici comment ce dernier a obtenu sa villa au temps de Sékou Touré : l’architecte français Delhome avait réalisé 6 villas sur pilotis, dont 4 à Donka vers les blocs des professeurs et 2 dans la cité ministérielle. Ayant décidé de rentrer définitivement en France, veuve Delhome décida de vendre les 6 villas dont une à Jean-Marie Doré alors en Suisse. La transaction se serait déroulée entre les deux personnes.
Veuve Delhome demanda ensuite à un ami ministre du couple de l’accompagner chez le Président Ahmed Sékou Touré auquel elle proposa la vente des 5 autres villas ; celui-ci déclina l’offre de vente en sa faveur, mais accepta de racheter les 5 villas au compte de l’Etat guinéen pour enrichir le patrimoine national, répondit-il.
Selon Dr Fofana « à la SIG Madina ou à Mafanco toutes les maisons appartiennent à l’ Etat ».
Or, à la SIG Madina et à la SIG Coléah, la Société Immobilière de Guinée, propriétaire des maisons construites, a instauré la location simple et la location-vente de 1954 ; la location vente a pris fin en 1966, en application de la loi-cadre du 8 novembre 1964. Le contrat de location-vente a été approuvé en 1966 pour ceux qui ont fini de tout payer. La location a elle continué avec gestion par le service du Patrimoine Bâti Public.
Dr Fofana se pose enfin cette question : « Pourquoi pas Louis Auguste Leroy qui est voisin contigu de Cellou ?»
Renseignement complémentaire pris, « monsieur Louis Auguste Leroy est locataire et paye son loyer au P.B. », comme tous les locataires des bâtiments d’Etat. »
C’est dire qu’aucun décret de cession d’un bâtiment de l’Etat par donation ou par achat n’a été signé par Sékou Touré, même en sa faveur, et tous les bâtiments privés au sein de la cité ministérielle sont habités par des citoyens qui les ont construits sur terrains nus et sur la base d’arrêtés d’attribution du Ministère de l’Habitat.
L’on peut même citer le cas d’une famille bénéficiaire d’un tel arrêté : ayant perdu sa parcelle par magouille administrative, elle fut recasée par le ministère de l’Habitat à Tahouya sur injonction du Président Ahmed Sékou Touré.
En réalité, c’est le général président Lansana Conté qui a débuté la liquidation du patrimoine immobilier du peuple de Guinée par décret de cession portant donation ou achat de Bâtiments de l’Etat.
Lettre de Sidya Touré à l’agence Judiciaire de l’Etat
La résidence de monsieur Sidya Touré a été construite sur un terrain bâti : un bâtiment servant de club à la Compagnie Minière se trouvait sur ce site et les cadres européens de cette compagnie s’y rencontraient pour divers loisirs. Quand cette entreprise minière fut nationalisée en 1962, tous ses biens dont le club, se retrouvèrent dans le patrimoine national. Seuls ses terrains nus avaient été attribués par le ministère de l’habitat à des citoyens qui y ont réalisé leur résidence.
Quant au club, il fut d’abord aménagé par Amara Touré dit Amara Fajardo en dancing. Suite à l’agression du 22 novembre 1070, il fut fermé pendant un certain temps. Enfin dans le cadre de la politique d’affectation par le gouvernement des dancings aux orchestres nationaux, il fut affecté à Horoya Band de Kankan, alors que Kélétigui eut la Paillote, Bembeya l’Eldorado et Bala et ses Baladins le jardin de Guinée. Suite à différentes difficultés, le club devint un lieu de rencontre informel pour les anciens musiciens jusqu’à son achat en 1996 par monsieur Sidya Touré, qui venait d’être nommé premier ministre. Estimant qu’il a été dépossédé d’un bien du patrimoine qu’il gérait comme les autres orchestres nationaux, Horoya Bande entreprit en vain le Président Lansana Conté à travers de nombreuses correspondances. C’et de guerre lasse qu’il suspendit le combat de « récupération ».
La résidence de monsieur Cellou Dalein Diallo
Elle fait partie des 4 villas de la zone, issues du règlement du contentieux franco-guinéen du 26 janvier 1977. La villa a servi ensuite de maison de fonction des anciens ministres de la Première et de la Deuxième Républiques avant son achat par monsieur Cellou Dalein Diallo, quand il devint premier ministre.
La réaction du général Sékouba Konaté
Le bâtiment en question est en réalité issu du règlement du contentieux franco-guinéen. Dr Maréga en fut le premier occupant jusqu’à son arrestation en 1969. Ensuite le père du général Konaté, un militaire, en fut le second occupant avec l’existence d’un PA suite à l’agression du 22 novembre 1970. Au décès du père de famille en 1983, la famille Konaté a rejoint le commandant Kerfala Camara au camp Almamy Samory Touré.
Voilà l’extrait de mes notes des recherches entreprises au lendemain de la signature des déférents décrets par les autorités françaises et guinéennes portant règlement du contentieux franco-guinéen.
Ce que je retiens de l’attitude de la grande majorité des citoyens guinéens face à la liste publiée, c’est que les Guinéens n’oublient pas que nombre de politiciens actuels, travaillant déjà dans une perspective historique, n’ont pas hésité de participer à la liquidation à partir de 1985, et à leur seul profit, des infrastructures industrielles, commerciales et immobilières, etc., héritées de la Première République, de détourner la part du budget national qui leur avait été confiée en tant que ministres pour la réalisation de certains projets nationaux. Voilà l’origine de leur fond financier dans la course pour la conquête du pouvoir. Ils ont retenu deux choses :
-le choix du libéralisme sauvage qu’on avait imposé au pays au lendemain du coup d’Etat en remplacement du dirigisme étatique avait pour objectif de faciliter la liquidation des ressources naturelles et des biens de l’Etat du pays ;
– la mise en place du multipartisme intégral destructeur, qu’une loi de 1991 du CTRN, violant la Loi Fondamentale adoptée par référendum en décembre 1990, exigera la disposition et l’accroissement de moyens financiers énormes pour ceux qui se livreront à des luttes pour la conquête, l’exercice et la conservation du pouvoir. Voilà l’origine de la création d’activités lucratives diverses par certains acteurs politiques.
Et voilà pourquoi la publication des biens de l’Etat « dits cédés » à certains cadres bien placés ne surprend pas les Guinéens dans leur majorité. Cette cession était la logique du régime politique de la deuxième République et de pratique courante.
Compte tenu de tout ce que nous venons de dire, nous sommes de ceux qui croient que les hommes politiques guinéens, concernés par la politique de récupération et de reconstitution du patrimoine national engagée par le gouvernement, n’ont qu’une solution digne d’un homme politique patriote qui veut incarner les valeurs de probité morale, de dignité, d’honnêteté et d’être un gardien jaloux du patrimoine de notre peuple: renoncer volontairement au patrimoine national concerné d’autant plus qu’au vu des sommes dépensées pour acheter les dits biens, ces cadres ont des moyens énormes; ils ne doivent pas accepter d’être utilisés et même d’être sacrifiés demain par ceux qui les défendent et encouragent aujourd’hui dans leur position de garder coûte que coûte ces biens, car l’histoire nous enseigne que la politique est le meilleur moyen d’avoir des pires ennemis parmi les meilleurs amis.
Par ailleurs, en quoi les 43 citoyens auxquels les biens immobiliers ont été cédés par donation ou à titre onéreux sont plus méritants que les 12 millions de Guinéens ? Nous estimons qu’on ne doit, pour se justifier, se référer ni à l’ancienne Constitution faite par des hommes qui avaient intérêt à la cession légalisée du patrimoine national et combien de fois tripotée, ni à la nouvelle qui a été confectionnée et adoptée par une structure illégitime parce que non élue par le peuple et non soumise à un référendum.
Nous pensons que ceux qui ont cédé les biens immobiliers de l’Etat n’avaient pas le droit de le faire sans se référer directement au peuple ou à travers Assemblée nationale, surtout quand on connait l’histoire de l’accumulation de ces biens immobiliers à partir de 1958, le sacrifice consenti par le peuple de Guinée pour les conserver pendant 26 ans, et le sort qui a été réservé à partir de 1985 aux autres acquis de ce peuple de 1958 à 1984 .
Quant aux autres citoyens concernés qu’aucun parti ne défend en ce moment, mais qui risquent d’être utilisés demain par des inconscients pour des troubles sociaux destructeurs, libre à eux de se pourvoir devant une juridiction appropriée avec toutes les pièces qui fonderaient leur requête.
Ne dit-on pas que la Guinée est devenue un pays de droit …
Conakry, le 05 Juin 2014
Sidiki Kobélé Keita
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