La Guinée dispose d’un vaste littoral situé dans le prolifique bassin sédimentaire Mauritanie, Sénégal, Gambie, Bissau, Guinée Conakry (MSGBC). Bien que le potentiel pétrolier sur place soit important, au regard des gisements découverts sur le même trend géologique de part et d’autre de la frontière maritime, l’offshore reste très peu exploré. En conséquence, de 1977 à ce jour, seulement trois puits pétroliers ont été forés au large. D’ailleurs, ils ont tous été infructueux. Malgré la volonté affichée par le gouvernement d’attirer des investisseurs dans le domaine de l’exploration, les fruits ne portent pas la promesse des fleurs et la Guinée reste le pays du bassin MSGBC le moins actif sur le marché de l’exploration pétrolière. Pour de nombreux analystes, les difficultés rencontrées par la Guinée pour attirer les explorateurs sont liés à des politiques inefficaces et au manque transparence qui a caractérisé les récentes opérations dans le secteur.
Chronologie
2006 : une licence d’exploration de l’offshore guinéen est attribuée à Hyperdynamics Corporation
Hyperdynamics est une compagnie américaine fondée en mars 1996 et dont le siège est basée à Houston au Texas. Pendant ses premières d’activité, elle proposait ses services à des sociétés d’exploration pétrolière et gazière. Au début des années 2000, la société décide de se lancer elle-même dans l’exploration et choisit, pour ce faire, l’Afrique, en l’occurrence la Guinée qui est située en plein cœur d’un nouveau bassin prometteur, mais très peu exploré. Séduit par les promesses de pétrole de la firme américaine, le gouvernement guinéen lui attribue en 2006 une vaste concession d’exploration de 24 000 km2. Pour réduire les risques et les charges d’une telle entreprise, la société cherche à partager sa licence, avant de mettre à exécution un plan de développement.
Dana Petroleum acquiert 23% des parts de Hyperdynamics au large : dans un communiqué publié sur son site internet, l’explorateur américain Hyperdynamics a annoncé avoir conclu avec Dana Petroleum un accord d’achat contraignant en vertu duquel il lui cède 23% de ses parts sur sa concession offshore en Guinée et conserve le reste. En échange, Dana versera à Hyperdynamics une partie proportionnelle à ses parts, des dépenses antérieures faites dans la mise en valeur du site et l’équivalent de la valeur de ces 23% de parts. Cela revient à un total de 19,6 millions de dollars dont 5 millions seront versés en espèce et le reste sous forme d’espèces ou en actions de Dana Petroleum Plc.
Cet accord fait suite à la signature entre les deux parties, d’une lettre d’intention deux mois plus tôt, évoquant les mêmes termes du contrat. « C’est une étape importante dans la réalisation des accords commerciaux pour notre alliance dans le projet offshore au large de la Guinée », a commenté Ray Leonard, le PDG de Hyperdynamics.
2010 : une année dédiée au sondage sismique pour un potentiel pétrolier évalué à 2,3 milliards de barils
Hyperdynamics démarre, au premier trimestre, les travaux d’exploration 3D comme consigné dans le cahier de charges. Il a attribué à la société d’ingénierie indépendante Netherland Sewell ans Associates (NSAI) le contrat d’évaluation des ressources en place.
Les études ont porté sur une superficie de 3650 km2 soit 15% de la taille de la zone contractuelle. Après plusieurs semaines de travail, NSAI a élaboré un rapport dans lequel il a indiqué avoir détecté plusieurs structures et prospects avec des champs délimités entre 80 et 2000 mètres de profondeur d’eau. Trois cibles ont été mises en évidence pour un potentiel pétrolier approximatif de 2,3 milliards de barils. Par ailleurs, avec son partenaire Dana Petroleum, Hyperdynamics a fixé à 129 millions de dollars le montant nécessaires pour exécuter un programme de forage pour ces cibles.
2011 : les espoirs sont immenses
15 juin 2011 : fort de son « potentiel en milliards de barils », Hyperdynamics entre en bourse à New York.
Octobre 2011 : forage du premier puits de pétrole en 34 ans, Sabu-1
Les travaux de forage d’une structure du périmètre démarrent le jour de la fête de la 53e indépendance de Guinée. Beaucoup d’espoirs sont placés dans les résultats de ce puits car le gouvernement entrevoit des recettes publiques dont les recettes viendront en grande partie des ressources pétrolières. Les travaux qui ont été lancés par le Premier ministre Mohammed Said Fofana, ont été exécutés par la plateforme de forage Jasper Explorer appartenant à la société Singapourienne Jasper Offshore.
Novembre 2011 : Dana Petroleum démarre des relevés sismiques 3D en offshore
Dana Petroleum qui contrôle 23% des parts des parts sur la zone d’exploration offshore de Guinée a lancé une campagne de relevés sismiques 3D en eaux profondes. Les travaux seront réalisés grâce au navire de prospection Oceanic Endeavour du contractant CGG Veritas sur environ 4000 km2 dans une zone juste au sud-ouest du domaine où son partenaire a réalisé des sismiques 3D l’année précédente. L’objectif principal de ce nouveau sondage est d’étudier plusieurs zones en eaux profondes dans la région équatoriale de l’Atlantique qui ont déjà été identifiés à partir d’une enquête sismique 2D réalisée en 2009.
2012 : des traces de pétrole sont signalées, mais…
Après trois mois de travaux en offshore, Hyperdynamics a fait savoir qu’il a détecté des traces d’huile en Février. « Les résultats de Sabu-1 démontrent qu’il y a eu production d’hydrocarbures dans le bassin et améliorent la prospectivité de notre concession, l’une des plus étendues d’Afrique de l’Ouest », a expliqué Ray Leonard, le PDG d’Hyperdynamics. Le puits est logé à 145 km sud-ouest de Conakry et a été foré à une profondeur totale de 3610 mètres et à une profondeur d’eau de 710 mètres. Sur le coup, aucune autre précision n’a été donnée quant au volume de pétrole découvert et sa qualité. Plus tard, cette réserve aura été qualifiée de non-commerciale par les ingénieurs de Hyperdynamics.
Novembre 2012 : le britannique Tullow a acquis 40% des parts totales de la concession d’exploration offshore en Guinée aux côtés de Hyperdynamics et Dana Petroleum. Ceci contre la somme de 27 millions de dollars. Une bonne nouvelle pour Tullow qui est devenu très actif dans les eaux ouest africaines et qui espère devenir l’un des leaders de la production d’hydrocarbures de la région, à partir de 2020. « Nous sommes ravis de conclure cette transaction et d’être en mesure d’obtenir le financement nécessaire pour la prochaine phase de notre programme d’exploration au large », s’est satisfait Ray Leonard, le numéro 1 d’Hyperdynamics. « Nous sommes ravis de conclure cette transaction et d’être en mesure d’obtenir le financement nécessaire pour la prochaine phase de notre programme d’exploration au large », s’est satisfait Ray Leonard. Désormais, la répartition des parts dans le consortium est de 40% pour Tullow, 37% pour Hyperdynamics et 23% pour Dana Petroleum.
2013 : le gouvernement donne son feu vert à l’entrée de Tullow dans l’offshore
Le 3 janvier, la presse locale annonce que la transaction conclue entre Hyperdynamics et Tullow Oil a été officiellement approuvée. Il a également été précisé que selon les termes de la vente, au-delà des 27 millions de dollars versés à Hyperdynamics, Tullow assurera tous les investissements nécessaires pour valoriser la concession, jusqu’à concurrence de 100 millions de dollars. Un premier puits en eau profondes est prévu pour être foré avant avril 2014. « Nous sommes ravis de conclure cette transaction avec Tullow et d’être en mesure d’obtenir le financement nécessaire pour la prochaine phase de notre programme d’exploration au large des côtes Guinée», a déclaré Ray Leonard, président et CEO d’Hyperdynamics.
2014 : Tullow déclare la force majeure sur ses activités en Guinée
Suite à une enquête ouverte en Mars aux Etats-Unis par le département américain de la Justice et la Securities and Exchange Commission (SEC) et le régulateur de bourse de New-York sur les conditions d’octroi de plusieurs blocs offshore à Hyperdynamics, Tullow a déclaré la force majeure sur ses activités en Guinée. Selon les enquêteurs américains, un réseau opaque aurait permis à la firme texane de bénéficier de plus d’un tiers des blocs guinéens au moyen de transactions douteuses. Le nouveau régime guinéen avait demandé aux pays du G8 de l’aider à faire la lumière sur les transactions frauduleuses conclues avec des sociétés étrangères afin de mieux lutter contre la corruption. « Tullow a décidé de ne plus procéder à des activités sur la licence jusqu’à ce que ces problèmes soient résolus. Tullow espère une solution rapide à ces problèmes et attend impatiemment de reprendre ses opérations avec ses partenaires en dans le pays», a déclaré un porte-parole de la compagnie britannique à Reuters. A partir de cette affaire, les deux autres membres du consortium sont devenus méfiants vis-à-vis d’Hyperdynamics. Après l’instauration de la force majeure par Tullow, Dana Petroleum a déclaré qu’il ne financera pas les coûts de développement de la licence en l’absence de garanties claires selon lesquelles l’Etat veillera sur les droits des autres partenaires.
2015 : Tullow tape du poing sur la table
Lors d’une réunion du comité d’exploitation, le 18 novembre, la société basée à Londres a indiqué avoir déboursé la part correspondante à ses 40% d’intérêts. Ayant noté ensuite que Dana et Hyperdynamics n’ont pas fait de même, la société a refusé de progresser dans le développement du programme qui consiste à forer deux puits. Selon News de Guinée, Tullow a demandé aux deux autres actionnaires de payer leur cote part à hauteur de leurs actions pour faire avancer le projet, ce qui n’a pas été fait.
C’est d’ailleurs ce dernier évènement qui a précipité la décision du retrait de Tullow du consortium, contre le paiement d’un dollar symbolique. Des sources proches du dossier ont confié qu’à partir de ce moment, Hyperdynamics, soupçonné de corruption avec le pouvoir guinéen, aurait demandé aux autorités de surseoir au contrat et même de ne pas le renouveler avec Tullow. Des discussions auraient également été entamées entre Hyperdynamics et Dana Petroleum à ce sujet.
2016 : Tullow et Dana se retirent du consortium sur fond de soupçons de corruption
Dans un communiqué conjoint en Août, Tullow et Dana annoncent leur retrait de l’accord avec Hyperdynamics sur l’exploration offshore. Du côté de Tullow, on explique que la décision fait suite au cas de force majeur déclaré quelques mois plus tôt. Il dit notamment soupçonner son partenaire américain de corruption en complicité avec les autorités guinéenne. Par ailleurs, « l’incapacité financière de ses partenaires à achever le financement des activités de forage d’un puits prévu pour démarrer en septembre 2016 » font également partie des raisons qui l’ont contraint au départ. Il faut préciser que depuis 2013, c’est Tullow qui conduit les opérations d’exploitation de la licence du consortium. Dana Petroleum a indiqué que « les remous engendrés par cette affaire créent une atmosphère de méfiance qui n’est pas propice aux développements des activités ». Mais pour de nombreux analystes, Dana Petroleum serait en situation financière difficile et aurait profité de la réaction de Tullow pour s’éclipser. Quelques jours après l’annonce de cette nouvelle, une source officielle proche du dossier aurait affirmé, selon des propos rapportés par Ecodafrik : « Tous les documents de ce retrait de Tullow du consortium sont signés, mais l’Etat leur exigera le paiement d’une pénalité pour avoir brisé leur engagement ».
On reproche d’ailleurs à Conakry de ne pas avoir fourni suffisamment d’efforts pour élucider l’affaire et l’acceptation du retrait de ces deux compagnies est perçue comme un geste coupable par la presse locale. La question de la véritable raison de la sortie de ces deux compagnies reste une énigme et fait encore l’objet de nombreuses spéculations. Quoiqu’il en soit, Hyperdynamics est désormais la seule compagnie présente sur le périmètre avec 100% des participations totales. Elle envisage désormais d’attirer par amodiation de nouveaux partenaires.
Le 26 septembre, le chef de l’Etat guinéen signe un décret présidentiel accordant une extension de la licence d’Hyperdynamics. D’une durée d’un an, il court jusqu’au 22 septembre 2017. En dépit du contexte, Alpha Condé étend la licence d’Hyperdynamics. Il faut préciser que l’accord indique qu’Hyperdynamics conservera l’exclusivité des droits sur la licence. C’est une opportunité offerte à l’entreprise américaine de non seulement attirer d’autres investisseurs sur le périmètre mais de forer le premier puits et d’envisager de mettre en œuvre un programme de forages avec ses futurs partenaires. Pour Ray Leonard, c’est un acte de haute importance. « La signature par le président de la Guinée de la mise en œuvre du deuxième amendement de notre contrat de partage de production est la dernière étape nous ouvrant la voie, en tant qu’opérateur, pour reprendre l’exploration du vaste potentiel guinéen en hydrocarbures qui reste non exploré».
2017 : nouvel espoir, SAPETRO entre dans le jeu
Le groupe nigérian SAPETRO vient d’arracher à Hyperdynamics, la moitié des parts de sa concession offshore. Hyperdynamics restera l’opérateur du périmètre. Ray Léonard (Hyperdynamics), Diakaria Koulibaly (Office National des Pétroles de Guinée) et Dale Rollins (Sapétro), célèbrent leur accord. Selon les termes du contrat, les deux parties se partageront les frais liés au développement de la zone, notamment au forage du puits Fatala-1. La partie nigériane devra aussi verser à la partie américaine la somme équivalente à la moitié de ses investissements antérieurs sur le domaine jusqu’à la date du 31 mars 2017. Ce montant oscille entre 8 et 10 millions de dollars.
Après la conclusion de l’accord, les deux partenaires ont indiqué être impatients de passer à la phase de développement proprement dite. « Nous sommes heureux et enthousiastes à l’idée d’accueillir SAPETRO dans le programme qui va nous permettre de débloquer le potentiel de Fatala et d’autres perspectives identifiées par nos géo-scientifiques », a déclaré le patron de la firme américaine, Ray Leonard. Ray Leonard vend aux investisseurs des « perspectives identifiées par ses géo-scientifiques ».
Le 12 septembre, un communiqué de la société publique du pétrole ONAP a indiqué que le puits Fatala1 « n’a pas permis d’établir, à ce stade, la présence d’hydrocarbures dans le réservoir ». Le puits a été foré jusqu’à une profondeur de 5117 mètres, sans entrer en contact avec aucune colonne d’hydrocarbures. Une désillusion pour les différentes parties prenantes, étant donné la ferveur qu’a suscitée le forage de ce puits. Fatala-1 est le troisième puits foré sans succès dans l’offshore guinéen depuis 1977. Son échec jette désormais le doute sur la poursuite de l’exploration dans la zone car il pourrait décourager les investisseurs dont les risques sont limités dans un contexte marqué par la faiblesse des prix du pétrole.
Décembre 2017 : la descente aux enfers pour Hyperdynamics
Le 22 décembre, Hyperdynamics a demandé a déposé son bilan auprès du tribunal des faillites du Sud du Texas. Les activités d’Hyperdynamics et celles de sa filiale SCS Corporation, ont été incluses dans le dépôt. Selon le document, « Hyperdynamics a entre 50 et 99 créanciers, tandis que SCS a, quant à lui, jusqu’à 49 créanciers. La société détient des actifs de moins de 500 000 dollars et à jusqu’à 1 million de dollars de dettes. D’autre part, SCS a des actifs de moins de 50 000 dollars d’actifs et des dettes de 10 millions de dollars ».
Hyperdynamics indique que ce dépôt de bilan fait suite à son incapacité d’obtenir des liquidités supplémentaires pour poursuivre une réorganisation ou une vente sans compromettre les actifs restants de la société ou de SCS Corporation. Il faut surtout noter que la décision de déposer le bilan est intervenue moins de deux semaines après que la société d’investissement basée à Hong Kong, CLNG se soit retirée d’un accord conclu début novembre pour acheter 40 millions d’actions ordinaires d’Hyperdynamics pour 6 millions de dollars. Cette somme correspondait à une participation de 53 % dans Hyperdynamics. Mais le 11 décembre, CLNG a informé Hyperdynamics qu’elle ne procéderait pas à l’achat de ces actions. Le contrat a donc été contrat résilié, explique Offshore Energy Today.
2018
En janvier 2018, des sources proches de la société rapportent que les autorités guinéennes ont été informées de la situation. Mais jusqu’ici, aucune annonce officielle n’a été faite ni par Hyperdynamics, ni par SAPETRO, ni par le gouvernement pour situer l’opinion sur la question. L’histoire pétrolière de la Guinée reste à ce jour en suspension.
Chronologie réalisée par Olivier de Souza
« L’histoire pétrolière de la Guinée reste à ce jour en suspension. »
Tant mieux. Quand on voit les projets miniers et leur impact sur la misère, la corruption et l’environnement, on sait que du pétrole ou du gaz naturel en Guinée ne fera rien de bon pour les citoyens et tout pour les charognes du pouvoir.
Vivement l’insurrection populaire.