CONAKRY- « Une jeunesse meurtrie : Urgence de soins et de justice pour les victimes d’usage illégal de la force en Guinée », c’est le titre du nouveau rapport rendu public le 15 mai 2024 par Amnesty International. L’ONG Internationale de Défense des Droits Humains note que depuis septembre 2021, sous la transition du CNRD, au moins 47 personnes ont été tuées lors de la répression de manifestations.
Dans un entretien accordé à nos confrères d’Africaguinee, Fabien Offner, Chercheur Senior à Amnesty International est revenu sur le nouveau rapport rendu public le 15 mai 2024 par L’ONG Internationale qui note que depuis septembre 2021, sous la transition du CNRD, au moins 47 personnes ont été tuées lors de la répression de manifestations.
Selon le chercheur, le contexte actuel des droits humains est plus inquiétant que sous Alpha Condé.
Merci de lire cet exrtait dudit entretien…
AG: Qu’est-ce qui a prévalu à cette étude ?
FABIEN OFFNER : Ce qui a prévalu à ce rapport, ce que nous suivons depuis plusieurs années la question des droits humains en Guinée notamment la question du maintien d’ordre et de l’usage excessif de la force. Nous avions déjà publié un rapport en 2020. Nous avons milité depuis plusieurs années également pour que s’ouvre le procès du 28 septembre 2009. Donc, c’est une suite logique de suivre les conséquences dramatiques de ces usages excessifs de la force avec les homicides illégaux et les blessés qui continuent y compris depuis l’arrivée du CNRD au pouvoir.
Que peut-on apprendre globalement dans ce rapport ?
Ce rapport se focalise principalement sur les besoins médicaux des personnes gravement blessées dans les manifestations depuis 2019. On montre comment ces personnes n’ont pas été évacuées médicalement de façon correcte alors qu’elles auraient pu l’être pendant les manifestations, on montre comment ces personnes n’ont pas reçu une prise en charge suffisamment rapide et adéquate en raison des craintes de représailles de la part des membres du personnel hospitalier mais aussi de la part d’un problème économique. Puisque souvent, aucun acte médical n’a été posé avant que les blessés ou leurs familles ont pu donner une somme d’argent. On s’intéresse aussi aux séquelles très graves de ces personnes qui plusieurs mois après, parfois sont amputées, ont perdu l’usage de la vue, sont dans l’incapacité de travail. Ce qui pèse très lourdement sur la charge des ménages.
Enfin, on s’intéresse toujours à la question essentielle de l’impunité. Puisqu’en dépit de quelques avancées, ce qu’on constate, ce qu’il y a eu beaucoup d’annones de poursuites judiciaires depuis l’arrivée au pouvoir du CNRD mais que dans les faits, très peu d’enquêtes ont effectivement été déclenchées. L’impunité perdure. Des centaines de personnes ont été blessées, d’autres tuées dans une impunité quasiment totale.
Avez-vous formulé des recommandations aux autorités de la Transition ?
Oui nous avons formulé des recommandations spécifiques aux autorités guinéennes de façon générale comme c’était le cas déjà lors du précédant rapport en 2020. Mais ce que nous constatons, ce que des militaires ont été déployées pour des opérations de maintien de l’ordre en violation du droit international. Puisque les conditions pour le déploiement militaire pour des opérations de maintien d’ordre ne sont pas réunies en Guinée, on constate que les unités de la gendarmerie et de la police continuent d’être déployées avec des armes létales qu’ils utilisent en violation totale du droit guinéen et du droit international.
Les forces de défense et de sécurité répondent à des jets de pierres, lorsque c’est le cas, à des tirs à balles réelles qui tuent et qui blessent très gravement. Alors, tout ce qu’on demande aux autorités guinéennes, c’est de revoir totalement la façon dont se fait le maintien d’ordre parce que même quand le CNRD est arrivé au pouvoir, ils avaient fait des annonces très claires. Le ministre de la Sécurité avait fait des annonces, la charte de la transition elle-même place les droits humains au centre des raisons pour lesquelles le CNRD a pris le pouvoir. Mais ce qu’on constate, ce qu’il y a eu beaucoup d’annonces et encore très peu de changements concrets. On fait également des recommandations très concrètes pour la prise en charge médicale de ces blessés pour qu’ils puissent bénéficier d’un traitement médical. Pour ce qui est des blessés qui sont dans les hôpitaux ne pas à payer avant d’être soigné. Nous avons recommandé aux autorités de trouver un fonds d’indemnisation pour venir en aide à ces personnes.
A vous entendre c’est comme si le cycle de répression de 2019 a continué malgré la promesse de rupture ?
Oui c’est ce cycle qui continue. Les homicides illégaux et l’usage excessif de la force se poursuivent. On se retrouve dans une ville comme Conakry avec des centaines des personnes qui se retrouvent avec des séquelles extrêmement graves dans les quartiers situés notamment dans le long de la Route le Prince, même si l’usage excessif de la force a été documenté ailleurs comme à Kindia et certains sites miniers. Donc, on se retrouve aujourd’hui avec un nombre de victimes extrêmement importantes dépassant même ceux du 28 septembre 2009. Il est important que ce qui se passe aujourd’hui bénéficie également de toute l’attention de la communauté internationale et des autorités guinéennes.
Est-ce que dans votre rapport vous avez par exemple pu identifier des personnes qui sont directement impliquées dans ces homicides ?
Nous n’avons pas identifié directement des personnes impliquées. Nous ne sommes pas intéressés à la chaine de commandement parce que les personnes qui tirent, le font parfois à une distance assez lointaine, certains membres des forces de défense et de sécurité sont cagoulés, les circonstances font qu’il est très difficile de les identifier. C’est difficile d’identifier ces personnes, mais en revanche les autorités devraient savoir très clairement qui tire, qui dirige les unités, d’identifier la chaine de commandement.
La directrice régionale d’Amesty indique citation : « il y a une situation extrêmement grave qui persiste dans un contexte général de répression de voix dissidentes ». Qu’a-t-elle voulu dire par-là ?
Ce qu’a voulu dire notre directrice régionale, c’est qu’au-delà de l’usage excessif de la force et la situation médicale des blessés qui est le cœur de notre rapport, il y a un contexte actuel qui est toujours très inquiétant, plus inquiétant que sous Alpha Condé. C’est notamment la question de la liberté d’expression avec internet qui a été coupé pendant de nombreux mois, avec des journaux dont l’accès a été suspendu avec des radios dont les ondes ont été brouillées. C’était déjà le cas sous Alpha Condé. Ces atteintes à la liberté d’expression continuent dans une impunité totale. Donc, on a voulu faire le lien avec d’autres violations des droits humains qui sont actuellement en cours en Guinée en dépit des promesses du CNRD.
Le Premier ministre Bah Oury qui est un ex militant des droits humains a flétri l’usage d’armes létales lors des opérations de maintien d’ordre. Est-ce que cela vous l’espoir d’un changement ?
Le premier ministre Bah Oury qui est ancien militant des droits humains sait très bien de quoi il parle donc tous ses propos sont bons à prendre. Mais on a déjà eu des propos encourageants après l’arrivée du CNRD au Pouvoir. Je pense au ministre de la Sécurité qui avait dit que le maintien d’ordre devait se faire différemment, je pense au chef de l’Etat lui-même Mamadi Doumbouya qui avait dit que la justice allait être la boussole des autorités… des annonces, il y en a eu depuis des années voir même des décennies. Il faudrait maintenant passer aux actes. Nous espérons que Bah Oury soit la personne indiquée pour pouvoir contribuer à la promotion et la protection des droits humains. Nous attendons de voir quelle sera marge de manœuvre.
A suivre !
Gbassikolo avec Africaguinee
Le contexte actuel est pire que sous SEKOU TOURE. Je me dis tant que le Guinéen est dans la mauvaise foi, corruption, manque d’honnêteté/probité, l’égoïsme, le népotisme,…le pays ne connaîtra que galère, misère et ténèbres.