Interviews: « La rue reste la seule arme à l’opposition, parce que la justice n’est pas indépendante » (Sadio BARRY, UFD)

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Le 6 juillet 2015, notre confrère ©echosdeguinee.net s’est adressé à Sadio BARRY, nouveau Secrétaire Général de l’UFD (Union des Forces Démocratiques) pour un entretien. Celui-ci a porté sur la situation politique du pays, le poids de son parti sur l’échiquier politique guinéen, ses relations actuelles avec Diallo Sadakaadji et la prochaine présidentielle. Lisez!

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 Monsieur le Secrétaire Général de l’UFD, comment appréciez-vous la situation politique de la Guinée ?

 

Sadio BARRY :Avant de commencer, je voudrais préciser que je viens à peine d’être élu au Secrétariat Général de l’UFD et nous sommes en train de nous installer. Je donnerai donc ici aujourd’hui, mon opinion et ma conception personnelle des choses.

 

Pour revenir à votre question, disons que la situation politique de la Guinée a toujours été mauvaise, et a même empirée depuis l’avènement d’Alpha Condé dans les affaires guinéennes. Si notre pays, la Guinée, n’avait pas eu « le malheur » d’avoir un sous-sol riche, on n’aurait probablement pas entendu parler de l’homme politique Alpha Condé sinon du côté de Burkina Fasso.

 

La crise actuelle était prévisible. Quand j’étais Administrateur de Guineepresse.info, nous avions prévenu de tout ce qui se passe aujourd’hui et nous avions même alerté l’opposition à cet effet, en vain ! Une opposition qui a toujours vu tout venir, mais qui a aussi toujours laissé le pouvoir prendre les initiatives pour ne réagir que trop tard. Aujourd’hui encore, en 2015, elle semble aller tout droit dans le même piège et scénario qu’en 2010 et 2013, à la différence près que cette fois-ci, Alpha Condé  est mieux préparé et a décidé de ne prendre aucun risque! En maintenant les délégations communales, en tripatouillant le fichier électoral dans son intégralité et en apprivoisant la CENI pour son élection frauduleuse dès le premier tour.

Je recommande donc aux Guinéens de voter cette fois-ci pour un parti alternatif, c'est-à-dire l’UFD. Et si nous sommes au second tour, je peux juste vous garantir que nous, nous revendiquerons ce qui nous appartient.

A quoi attribuez-vous l’échec du dialogue politique inter-guinéens ?

 

a)-  Au manque de sérieux et de bonne foi du Président et de son entourage.

b)- A la naïveté et au manque de leadership de l’opposition. Comment pouvez-vous comprendre que pour un dialogue qui n’a été possible qu’avec l’implication et la pression des Nations Unies, l’opposition guinéenne laisse le dialogue être co-présidé par les ministres d’Alpha Condé Cheik Sakho et Kiridi Bangoura avec un statut de neutres ? Comment un tel dialogue peut-il aboutir ? On ne peut être partie et juge. Les leaders de l’opposition, de la même manière, avaient déjà accepté cela en 2013.

 

En fait, il n’y a aucune logique, aucune cohérence dans les démarches et le comportement de l’opposition, par la faute de son leadership. Tenez ! Ceux qui ont argumenté, dans le monde entier, leur rejet des délégations spéciales par le fait que ces dernières ne sont plus légales et par souci de respecter la Constitution et le code électoral en exigeant des élections communales maintenant, se disent tout de suite partant, lorsque le parti au pouvoir s’est dit prêt à partager ces délégations illégales avec eux en lieu et place de l’organisation des élections communales !

 

Voilà pourquoi les partenaires étrangers qui pouvaient faire pression sur le pouvoir ne peuvent pas les respecter, à plus forte raison les soutenir.

 

c)- Au manque de responsabilité de nos amis de la communauté internationale.

Les politiciens guinéens se comportent comme s’ils avaient un complexe devant tout ce qui vient de l’extérieur. En Guinée-Bissau et au Burundi, l’opposition a eu le courage de récuser les médiateurs (Alpha Condé et Saïd Djinnit) considérés là-bas comme partiaux. Alpha Condé n’a même eu la chance de commencer sa mission en Guinée Bissau.

 

Tout le monde sait que la Ceni est à l’origine et est au cœur de la crise politique en Guinée, du fait qu’elle exécute plutôt des ordres de la présidence. Des missions diplomatiques se sont d’ores et déjà précipitées pour lui apporter publiquement et ouvertement leur soutien, la féliciter et l’encourager dans ses agissements en dehors de toute concertation. On lui offre même des cadeaux. Ce qu’aurait virulemment dénoncé Alpha Condé s’il était opposant.

 

Si la communauté internationale avait joué correctement son rôle, on n’aurait pas eu tant de morts et des crises multiples avec toujours les mêmes causes et les mêmes effets depuis 2010.
 

 

En effet, beaucoup d’observateurs trouvent que la position de la communauté internationale est confuse et non tranchante sur la situation guinéenne. Vous semblez être du même avis.

La communauté internationale elle-même ne peut dégager sa responsabilité dans la crise actuelle en Guinée. C’est sous son parrainage que les accords du 3 juillet 2013 ont été signés. Quand on parraine un accord, on veille à son respect et à son application. Ce que les Nations Unies et les partenaires étrangers n’ont pas fait après 2013. Malgré la mise en place d’un comité de suivi, et la dissolution de celui-ci par Alpha Condé qui manifestait clairement ainsi, sa volonté de ne pas appliquer les accords.

 

Dans les accords de 2013, il avait été question d’identifier et traduire en justice les responsables des répressions qui avaient fait plus de 55 morts. Là aussi, la communauté internationale a fermé les yeux sur la non-application de cet accord tout comme sur les nouveaux massacres dans les quartiers favorables à l’opposition et sur les violations répétées de la Constitution par Alpha Condé.

 

Il est écrit dans le protocole d’accord de 2015, préparé soit par le gouvernement soit par la communauté internationale, que celui-ci entre en vigueur après la signature « par toutes les parties en présence ». Malgré le fait que l’opposition ai catégoriquement refusé de le signer, tous les partenaires et diplomates étrangers, eux, sembleraient avoir tous signé. Pourquoi ? Probablement pour se prévaloir, malgré le vide, « d’avancées significatives». Ils l’ont appelé « d’accord d’étape ». Quel accord et de quel étape si les deux parties n’ont pu s’entendre sur aucun point discuté avant la suspension officielle du dialogue ?

 

Il y a aussi plusieurs lobbies liés aux intérêts des pays membres de ladite communauté internationale qui travaillent dans l’ombre pour arracher des conditions du maintien de leur ami Alpha Condé.

 

Votre parti fait régulièrement de propositions et suggestions pour les représentants de l’opposition républicaine au dialogue politique guinéen. Ces propositions ont-elles influencées les débats ?

 

Bien sûr ! Il est facile de remarquer que cette fois-ci le pouvoir a eu plus de mal à faire passer ses manœuvres que lors des négociations passées. La présence du M. Baadiko qui nous représente autour de la table actuelle des négociations est une garantie de qualité et de fermeté de l’opposition sur le respect des principes et des lois du pays. L’UFD n’acceptera et ne participera jamais à la violation de la Constitution au profit d’arrangements politiques sur le dos du peuple.
 

 

Après le blocus dans le dialogue politique inter-guinéen, quelle alternative préconisez-vous pour que l’opposition se fasse entendre ?

L’opposition doit constater l’impossibilité de trouver un terrain d’entente avec la mouvance et de surcroit avec des émissaires du régime qui n’ont aucun pouvoir de décision. Le but principal de ce dialogue, qui aboutira nécessairement à un échec, est de faire perdre du temps à l’opposition et en gagner du coté pouvoir. Plus le temps avance, moins il sera possible de changer quoi que ce soit à l’ordre et aux processus mis actuellement en place. L’opposition doit faire comprendre cela aux partenaires étrangers et exiger un arbitrage officiel des Nations Unies si l’on veut éviter le pire en Guinée.

 

Je pense aussi que nous devons essayer de définir ou redéfinir l’opposition elle-même. Nous trouvons curieux qu’après que l’opposition se soit retirée et que le dialogue ait été officiellement suspendu, qu’on nous dise, plusieurs jours après, qu’il y a eu des progressions entre les deux parties et qu’un accord va être éminemment signé. Cela, sur la base des rencontres personnelles avec certains leaders de partis politiques de l’opposition. Cela peut conduire à la division de l’opposition.

 

Dans le protocole d’accord de 2015, il est écrit que les partis ont participé au dialogue politique du 18 juin au 03 juillet 2015. Alors qu’il y a eu suspension officielle du dialogue le 26 juin. Cela n’est pas sérieux ! L’opposition doit se concerter et agir dans la transparence. Sinon elle ne peut que s’affaiblir et perdre face à un pouvoir sans scrupule comme celui d’Alpha Condé.
 

Le chef de fil de l’opposition guinéenne préconise la reprise des manifestations dès après le mois de Ramadan. Pensez-vous que cette option soit la meilleure ?

 

Je partage l’avis de l’avocat et politicien français Robespierre qui a dit que « Quand le gouvernement viole les droits du peuple, l’insurrection est pour le peuple le plus sacré et le plus indispensable des devoirs. »

Le recours à la justice, au peuple et à la rue sont les seuls recours légaux dont dispose une opposition contre le pouvoir politique. Dans le cas guinéen, la rue reste la seule arme à l’opposition, parce que la justice n’est pas indépendante.

 

L’opposition devrait se concerter pour toutes actions à mener dans l’avenir. Je pense que nous ne devons pas appeler le peuple à manifester pour obtenir quelque chose, comme le respect de la Constitution, et aller s’entendre avec le pouvoir pour la violation de cette même Constitution. Nous ne devons pas appeler à des manifestations de protestations et s’arrêter à mi-chemin sans rien obtenir, après que plusieurs vies humaines aient été sacrifiées et certains compagnons de lutte soient arbitrairement arrêtés et jetés en prison.

 

Si nous devons manifester encore, l’objectif et un calendrier précis d’actions doivent être clairement définis : c’est pour obtenir à nouveau un dialogue de sourds ou bien pour une solution durable qu’est la demande, par le peuple, du départ d’Alpha Condé qui est le problème ?

 

commun, à savoir le sentiment d'appartenir à une seule et même Nation. Et tant que le système actuel sera au pouvoir, nous irons d’une crise sociopolitique à une autre en Guinée. Tout le monde doit comprendre cela, surtout les partenaires étrangers.

 

L’élite et la classe politique guinéennes doivent comprendre que notre pays est sérieusement menacé d’implosion. Les propos et agissements d’Alpha Condé sont inquiétants et nous donnent le droit de nous demander à quel genre d’homme nous avons confié  la tête de notre pays ?

 

En effet, le président Condé, en manque d’inspiration politique et de repère social, voulant à tout prix inscrire son nom dans l’histoire, semble gouverner la Guinée en s’inspirant de l'épopée mandingue, c'est-à-dire de l’histoire légendaire de Soundiata. Quelques faits édifiants:

 

– Dès son investiture, Alpha Condé, comme la plupart des dictateurs africains, avait cherché à se trouver une ascendance royale. C’est ainsi que, le 21 mai 2012, la commentatrice de la RTG fit passer un reportage selon lequel l’Empereur mandingue, Soundiata Keita, était un guinéen. Contrairement à la culture mandingue et africaine en général, l’accent sera mis sur la maman de Soundiata, présenté comme l’ancêtre des Condé.

 

– A Kankan, un mouvement ethnique mandingue de soutien à Alpha Condé pour la domination malinké en Guinée fut créé en mai 2012. Il est appelé « Alpha Dankama » entendez, « Alpha, l’homme créé pour la mission spéciale ». Les cérémonies de lancement du mouvement seront organisées dans toute la Haute Guinée, dans les villes et campagnes, au rythme des tam-tams, des balafons et des coras, du 13 au 14 juillet 2012.

 

– A l’occasion de sa première visite à Kankan, la RTG et ses lobbies de la presse étrangère parlent du couple Alpha Condé – Djènè Kaba comme celui de deux descendants de familles nobles du Manden (un soi-disant petit fils de Sogolon Kédjou et une petite fille de l’érudit de Kankan, Alpha Kabinet Kaba).

 

– Le Ministère de l’Administration, organisera une rencontre de tous les Condé de l’Afrique dans un village guinéen.

Le 10 mai 2014, le ministre guinéen de l'Administration du territoire et de la décentralisation, Alhassane Condé, présidera la grande rencontre des Condé en Haute Guinée, dans la région de Kankan, dans le village Takoura, que l’on présentera à l’occasion comme le village dont tous les Condé de l’Afrique seraient originaires, sous la couverture médiatique de la RTG !

 

– Le 9 mai 2015, Alpha Condé s’adresse aux Malinkés à Kankan :

 

« Si vous avez accepté le gouverneur Nawa Damey, alors qu'il est forestier, c’est parce que la Guinée appartient aux Malinkés, aux Forestiers et aux Soussous! ».

 

Dans le même discours, le chef de l’Etat Alpha Condé dit aux  populations de la Haute Guinée que lorsqu’il venait au pouvoir, les Malinkés, sous le règne du soussou Lansana Conté, avaient leurs bouches dans le sac et qu’ils ne pouvaient pas parler leur langue maninka à Conakry. Avant d’ajouter que s’ils s’asseyent jusqu’à ce qu’il quitte le pouvoir, ils vont subir pire que ce qu’ils ont subi en 1985.

 

C’est une projection faite de l’histoire légendaire de Soundiata qui aurait libéré les Malinkés de la domination du roi soussou Soumaoro Kanté.

 

Selon l’histoire contée par les griots mandingues, Soumaoro était le roi de Sosso, le royaume soussou. Dankaran Touma, le grand-frère consanguin de Soundiata, était le roi de Manden, le royaume malinké. En l’absence de Soundiata qui était en exile, le roi soussou prendra le contrôle du royaume malinké par la force en y semant terreur et destructions matérielles. Les Mandenkas (Maninkas) n’avaient plus le droit d’ouvrir la bouche. A propos, les griots disent :

« Soumaoro ka bada don Mandenka bèè da la. Mögö tun tè kumala Manden. », (Exactement les propos d’Alpha Condé ci-haut faisant allusion au régime de Lansana Conté).

 

Informé de la situation et des souffrances de son peuple, Soundiata viendra sauver les Mandenkas en détruisant militairement Soumaoro.

 

Vous comprenez ? Alpha Condé se présente comme le petit fils de Soundiata qui est venu sauver les Malinkés en Guinée de la nouvelle domination soussou et de la menace peule.

Les propos d’Alpha Condé rapportés par le journal « Le Monde » du 2 sept 2010 suite au ralliement de Sydia Touré de l’UFR à l’alliance de Cellou Dalein Diallo:

 

« Sidya Touré a perdu sa base électorale. Je suis soutenu par la Basse et la Haute Guinée et la Guinée forestière. C'est l'expression du refus de la volonté de domination des Peuls ».

 

Il a consacré les trois premières années de son mandat au recensement, à l’organisation et au financement des Roundés contre les populations peules du Fouta. Des efforts similaires sont déployés aujourd’hui pour séparer les Bagas des Soussous en Basse Côte. Cette stratégie de division pour se servir des uns, isoler et « neutraliser » les autres est également utilisée en Guinée forestière.

 

Etudiez bien l’histoire du Manden et analysez les propos et actions d’Alpha Condé ! Vous comprendrez que les Guinéens devraient s’inquiéter et se donner la main pour vite l’accompagner à la retraite, au lieu de manifester pour qu’il organise des élections.

Par ailleurs, la manière dont nos ressources minières sont en train d’être bradées doit aussi alerter noter attention. Après deux ans de règne seulement, Alpha Conde a même été qualifié de « l’empereur des mines». A moins de 5 mois de la fin de son mandat il vent, à une entreprise française, le secteur de l’eau et celui de l’électricité du pays. Il décide également de vendre les blocs de Simandou, le minerai de fer de la meilleure qualité au monde, aux enchères ! Tout cela ne semble alarmer personne. Où sont les patriotes guinéens dans le RPG, dans le gouvernement et dans le Parlement qui s’inquiètent de ces bradages du patrimoine national ?

 

Je dirai à ceux qui sont en train de se précipiter pour signer toutes sortes de contrats avec Alpha Condé qui ne respecte pas les lois, qui en falsifie même avant promulgation, qui est à la fin de son mandat voire de sa vie, qu’ils s’exposent à des risques d’ennuis après son départ du pouvoir. La Guinée ne se limitera pas seulement à annuler des marchés conclus dans l’opacité et sur fonds de corruption. Elle poursuivra les concernés et leurs complices devant les juridictions nationales et internationales.
 

Une importante délégation de l’UFD a participé à l’investiture de Bouhari au Nigéria. Comment avez-vous réussi à vous faire inviter par les nouvelles autorités nigérianes ?

Vous savez que le congrès des 13 et 14 juin 2015 a consacré la refonte de l’UFD pour officialiser l’intégration de 6 différents mouvements à l’ancien parti dirigé par le leader Baadiko. En réalité, nos équipes s’étaient entendues et nous travaillions déjà ensemble. Il y avait deux nouveaux partis politiques et une puissante organisation des cadres de la diaspora guinéenne parmi les 6 mouvements qui ont intégré l’UFD.

 

Nous avions noué des liens avec des partis de l’opposition nigériane bien avant les élections dans ce pays et nos contacts avec l’UFD. C’est ainsi que notre parti UFD a été invité par celui du Président Bouhari, APC (All Progressives Congress), pour son investiture. C’est un parti frère et partenaire avec lequel nous nous sommes entendus de travailler pour la promotion de la démocratie et dans l’intérêt de nos deux pays et de toute l’Afrique.
 

Cette ouverture à des grandes formations politiques de la sous-région apporte quoi à l’UFD et aux Guinéens ?

 

Des garanties de paix et de la promotion de la démocratie. Non seulement les Nigérians et nous Guinéens sommes culturellement très proches, mais aussi, un des buts déclarés dans l’article 2 de nos statuts est la promotion de l’intégration régionale, de l’unité de l’Afrique et de la solidarité internationale. Par ailleurs, le Nigéria est aujourd’hui la première puissance militaire de l’Afrique de l’Ouest et la première puissance économique de l’Afrique toute entière.

 

Le général Muhammadu Buhari a dit, lors de son investiture, le vendredi 29 mai 2015, que : « Le Nigeria jouera son rôle de leader africain. »

 

Le peuple de Guinée qui est pris en otage par un régime de Donzos aura besoin du soutien et de la solidarité de son peuple frère nigérian qui, de son côté, a besoin de partenaires fiables pour pleinement jouer son rôle de leader de l’Afrique.
 

On vous connaissait porte-parole de Diallo Sadakaadji. Comment avez-vous fait pour vous retrouver secrétaire général de l’UFD de Mamadou BAH Baadiko ?

 

Avec Sadakaadji, nous avions le projet de lancer un parti alternatif pour redonner de l’espoir au peuple de Guinée. Malheureusement, son parti n’a pas eu son agrément. Nous l’avons attendu plus d’un an. Pendant ce temps, nous avons tenté d’obtenir un accord de principe de plusieurs leaders politiques crédibles (qui n’ont jamais été associés à une gestion antérieure du pays) pour la formation d’une alliance alternative autour de Sadakaadji qui jouit d’une popularité dans tous les milieux guinéens.

 

Pour ne pas rater le temps optimal de venir dans l’arène politique, j’ai personnellement discuté avec le leader de l’UFD, M. Mamadou Bah Baadiko, par rapport à l’opérateur économique. Je lui ai expliqué qu’avec Sadakaadji, on aurait la chance de mobiliser dans toute la Guinée et obtenir un changement politique dans le pays en 2015. Baadiko a répondu positivement, mais, par la suite, Diallo Sadakaadji a décidé d’attendre la reconnaissance de son propre parti.

 

A Bruxelles en septembre 2014, nous nous sommes entendus avec Sadakaadji qu’au cas où son parti n’est pas reconnu jusqu’en novembre 2014, nous (FJD et nos alliés) pourrions envisager un plan B pour lancer ou intégrer un parti de notre choix. Diallo Sadakaadji a alors promis de soutenir toute initiative prise dans le sens de la réalisation de nos objectifs.

 

Le 15 janvier 2015, je lui ai fait part de la volonté de notre mouvement politique FJD et alliés, de trouver un terrain d’entente avec l’UFD dont le leader et d’autres responsables ont fait preuve d’ouverture et de lutter pour l’intérêt collectif. Ce, avant d’engager les démarches qui ont abouti à la refonte de ce parti, avec l’intégration de 6 différentes organisations dont deux partis politiques, un mouvement syndical et 3 organisations de jeunes et cadres de l’intérieur et de la diaspora guinéenne. Tous ces différents groupes ont décidé de me choisir comme Secrétaire Général du nouveau parti qui en a résulté.
 

Nous avons eu les échos du congrès historique des 13 et 14 juin 2015 qui a consacré votre élection à ce Secrétariat qui est, selon l’article 25 des statuts adoptés, je cite :

 

« l’Organe de coordination, d’administration, de gestion et d’implantation du parti, qui a la charge de la mise en œuvre de toutes les décisions relatives à l’activité et au fonctionnement du Parti définies par le Congrès et le Conseil National, qui met en œuvre le programme du Parti pour l’atteinte des objectifs concernant la stratégie politique, l’organisation, le recrutement des membres, les finances, la communication, etc. conformément aux recommandations du Conseil National et du Congrès. ».

Etes-vous sûr que le leader Baadiko acceptera, dans les faits, de vous céder tout ce pouvoir, étant habitué à être le seul patron ?

 

 On respecte rarement les textes en Guinée, vous savez.

Comme je viens de l’expliquer indirectement, nous étions déjà un regroupement d’organisations dont un parti politique agréé. On pouvait donc se lancer sans recours à un ancien parti. Nous avons choisi l’UFD pour 3 raisons :

 

– La première : notre venue dans l’arène politique doit être un acte de fédération, de renforcement et non de division de l’opposition.

 

– La deuxième : ce parti est la seule des anciennes formations politiques guinéennes qui n’est pas la propriété de quelqu’un. C’est un parti créé par des intellectuels, cadres et jeunes de la diaspora et de l’intérieur du pays pour le changement démocratique et l’Etat de droit en Guinée.  C’est le seul parti qui a toujours tenu "correctement" ses congrès et qui a changé 3 fois de direction. Ce parti est un patrimoine national guinéen, contrairement aux autres.

 

– La troisième : nous avons eu la conviction que le leader Baadiko est prêt à sacrifier ses intérêts personnels pour la cause commune. Il a été prêt à céder sa place pour la réussite collective.

 

Par ailleurs, en ce qui est du respect des textes, je vous rappelle que l’UFD est le parti des intellectuels en Guinée. Baadiko lui-même est l’un des grands intellectuels de notre pays, qui est auteur de plusieurs ouvrages. En plus, lui et ses proches me connaissaient et connaissaient les principaux membres de notre équipe avant les négociations et le congrès qui en a été le résultat. Donc il n’y a pas à s’inquiéter de ce côté-là. Même si, comme dans tous les partis politiques ou regroupements humains, il peut arriver que des gens aient des divergences de points de vue dans certaines situations. Mais cela se règle par des débats démocratiques et objectifs.
 

Diallo Sadakaadji a souvent dénoncé le manque de soutien de ses anciens amis depuis qu’il a été contraint à l’exil par les nouvelles autorités de Conakry. Quelle est la place de cet opérateur économique dans le plan d’action de l’UFD ?

 

Jusqu’à nouvel ordre, Sadakaadji est une personnalité d’honneur pour nous. Il a été victime d’un abus de pouvoir et continue de l’être injustement. Nous sommes solidaires de lui et nous sommes prêts à nous battre pour que ses droits ainsi que ceux de tout autre Guinéen soient respectés. Nous travaillons à la constitution de l’alliance que  lui et nous avions projetée en espérant qu’il nous rejoindra bientôt.

 

Qu’est-ce que votre intégration au sein de l’UFD peut-elle apporter à votre parti en particulier et à l’opposition républicaine en générale ?

 

L’opposition gagne en qualité et en force. Déjà, pour le dialogue en cours, le dossier de travail qui fut présenté par l’opposition et qui a confondu le pouvoir en exposant ses manœuvres frauduleuses et crimes de sang avec des preuves irréfutables, est un produit de notre parti. Nous ramenons en activité, la plupart des jeunes, hommes et femmes engagés qui s’étaient découragés et qui ont quitté les partis traditionnels. Avec nous, viennent également beaucoup de Guinéens qui n’avaient jamais voulu s’engager dans un parti politique avant.
 

Quels sont vos atouts pour réussir là où les autres leaders de l’opposition ont échoué ?

 

Nous connaissons en partie les faiblesses et erreurs qui ont toujours conduit à leur échec. Le système n’a aucun moyen de chantage contre nous, n’ayant jamais servi dans les précédents régimes et administrations. Et nous, nous revendiquerons et obtiendrons toujours ce qui nous est dû. Nous défendrons nos militants dans leurs droits.
 

Pensez-vous pouvoir réussir à mener la bataille à partir de l’extérieur du pays alors que ceux qui luttent sur le terrain multiplient les échecs ?

 

Je voudrai juste attirer votre attention sur le fait qu’aujourd’hui et chaque jour un peu plus à l’avenir, les termes intérieur et extérieur, proche ou lointain, rapide ou lent, disponible ou non,  n’auront presque plus aucune différence avec le développement des communications, des transports et des services. Il est plus facile de communiquer avec quelqu’un à l’autre bout de la planète ou organiser une conférence avec des individus répartis dans les différents continents que de communiquer avec votre propre voisin de la cour d’à côté ou de réunir quelques personnes en un lieu à Conakry. D’où que vous soyez, vous pouvez obtenir et envoyer tout ce que vous voulez, faire à la limite ce que vous voulez.
Bref, toute activité humaine réside dans  la communication et les échanges. Et ceux-ci ne sont plus liés ni a un lieu, ni à l’éloignement.

 

Pour le moment, à mon avis,  il n’y a pas eu encore de lutte organisée sur le terrain. Ce sont des enfants qu’on fait sortir dans la rue sans but défini et qui se font tuer comme des lapins sans conséquence aucune. Aussitôt que le pouvoir se dit prêt à recevoir les principaux leaders de l’opposition, ils arrêtent tout et oublient les victimes pour aller dans des négociations qu’ils avaient refusées avant d’organiser des marches et enregistrer des victimes. Car tous ces morts, ces viols, ces handicapés à vie, ces prisonniers politiques et ces destructions de biens ont été sans conséquence sur les différents régimes et processus. Dans les négociations, ils ont toujours été relégués au second plan ou purement oubliés.

 

Néanmoins, sachez que non seulement le parti a une permanence en Guinée, mais aussi toute l’équipe de travail est sur le terrain. Je vous rappelle cependant que c’est de l’extérieur que nous avons pu arranger le programme du Nigéria et ceux en préparation pour des rencontres avec d’importantes institutions européennes et internationales. Pour les prochaines compétitions et activités politiques, l’apport de l’extérieur fera la différence sur le terrain en Guinée. L’UFD se démarquera sur tous les plans, dans les programmes, dans la stratégie, comme dans sa façon de travailler.

 

Par ailleurs, je rappelle que les vraies luttes contre les dictatures sont toujours organisées de l’extérieur. On ne peut pas s’organiser efficacement à l’intérieur d’un régime policier qui ne respecte pas les droits les plus élémentaires des citoyens. Le RPG et Alpha Condé en sont l’exemple vivant. Alpha Condé ne venait en Guinée que pour participer à des élections. Il a récemment reconnu que jusqu’à son investiture, en fin 2010, il ne connaissait pas la Guinée et qu’il était un aveugle guidé par son petit frère Malick Condé, et non pas par son parti.

L’opposant historique de 40 ans qu’il déclare être, a même osé dire à la face du monde qu’il est arrivé à la magistrature suprême sans préparation ni connaissance du pays. Après cette confession, il trouve encore et en plus le moyen d’accuser les Guinéens d’être à l’origine de son échec ces 5 dernières années. A bien réfléchir, on ne peut pas lui donner tort, car aucun peuple de ce monde d’aujourd’hui ne va remettre son destin à un inconnu sans famille et sans lien affectif avec le pays.

 

 A quelques mois des élections quelle place occupe l’UFD au sein du paysage politique guinéen ?

 

La nouvelle UFD constitue le choix alternatif et crédible qui s’offre aux Guinéens aux élections prochaines. Nous sommes la solution aux problèmes et à la malédiction RPG.

 

Je demande aux Guinéens de faire le test en votant massivement pour l’UFD aux prochaines élections. Si notre candidat est choisi pour aller au second tour de la présidentielle, ce serait la fin du régime RPG et l’avènement d’un véritable Etat de droit en Guinée.
Déjà, je préviens les Guinéens que si Alpha Condé est maintenu au pouvoir à la fin de cette année, dès 2016 ils seront confrontés aux problèmes suivants :

 

– le déguerpissement des populations de Kaloum et d’une partie de Ratoma sous prétexte de construire des logements sociaux. Pour la redistribution après, des logements au coût cher, les Donzos et des familles malinkés sélectionnées (celles des clans au pouvoir) auront la part belle. Nous savons tous aujourd’hui, comment se fait le partage de la chose publique sous le régime RPG.

 

– la réduction du nombre de fonctionnaires guinéens de 9000 personnes. Ce programme qui avait été prévu pour 2014 a été repoussé à 2016 (après les élections) par Alpha Condé. Là aussi, nous savons que ce sont les ressortissants des autres régions qui doivent le plus s’inquiéter, mais également les opposants malinkés et leurs proches.

 

– les prix de l’électricité et de l’eau, secteurs vendus aux français, seront très élevés et à payer avant consommation.

 

En clair, si Alpha Condé est maintenu au pouvoir au-delà de 2015, les Guinéens dans leur ensemble le regretteront très amèrement. Même ses amis occidentaux qui le soutiennent en ce moment le payeront très cher.
 

Votre parti n’a pas encore choisi son candidat pour la présidentielle de fin 2015. Seriez-vous ce candidat ?

 

L’UFD est un parti qui fonctionne selon les règles et principes de la démocratie. Il n’y a donc pas un candidat d’office. Selon les statuts, le candidat doit être élu en congrès spécial. Ce choix tombera donc sur la personnalité qui donnerait au parti les meilleures chances de gagner.
 

Merci Sadio Barry ! Avez-vous un dernier mot pour nos lecteurs ?

Pour la Présidence de la République, je dirai ceci aux Guinéens:

En Afrique en général et en Guinée en particulier, où la démocratie n’est pas effective et où les institutions républicaine sont sous ordres du chef de l’Etat, on doit éviter de porter deux types de personnes au poste de Président de la République : les jeunes et les vieux opposants qui ont fait plus de 20 ans à la tête de leur parti politique.

 

Quand on est président, jeune, on devient ancien président, à moins de 60 ans, c’est à dire avant l’âge normal de la retraite. Qu’est-ce qu’on fait après ? Que devient-on après ? C’est la question que se posent souvent les jeunes présidents qui finissent par vouloir terminer leur carrière avec la fonction de Président. Ils finissent ainsi par prendre le pays en otage en utilisant des armes de guerre contre leurs propres peuples. C’est par exemple la situation actuelle se trouve le Burundi avec le Président Pierre Nkurunziza.

 

Quant au vieux opposants ayant passé plus de 20 ans à la tête de leur parti, ils ont déjà donné la preuve qu’ils ne sont pas démocrates, qu’ils sont hostiles au principe de l’alternance au pouvoir et qu’ils s’accrocheront à vie au fauteuil présidentiel. Ils développent en plus le complexe d’être celui qui connait tout et qui doit tout apprendre aux autres. Ce fut le cas d’Abdoulaye Wade au Sénégal qui ne supporte plus que même son fils soit traité comme un citoyen normal. Et c’est le cas d’Alpha Condé aujourd’hui en Guinée.

A la présidentielle prochaine, je voudrais avoir un rôle plus important que celui d’un candidat: le combat pour la mobilisation sur le terrain, l’organisation de la surveillance des bureaux de vote, la sécurité et le respect des droits de nos militants et électeurs.

 

Mon dernier mot s’adresse au chef de l’Etat Alpha Condé qui se croit aujourd’hui dans le rôle du roi légendaire du Manden, Soundiata Keita, ainsi qu’aux clans qui l’entourent:

 

Une des célèbres phrases que l’on attribue à Soundiata, lorsqu’il décidait d’aller en guerre pour libérer et défendre son peuple est la suivante :

 

« Baa tè wulu kin Manden yan tugun ! » 

(La chèvre ne mordra plus le chien au Manden)

Je voudrais dire ceci à Alpha Condé et aux clans qui l’entourent, en bon malinké de Siguiri :

 

« Laguinè tèna kèla dugu di, saga lu ye wulu kinnna dugu mèn könö ! »

(La Guinée ne sera pas une terre où ce sont les moutons qui mordent les chiens !)

Je vous remercie !

 

 

Lien : http://echosdeguinee.net/index.php/actualite/531-interviews-la-rue-reste-la-seule-arme-a-l-opposition-parce-que-la-justice-n-est-pas-independante-sadio-barry-ufd

 

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