Kassory Fofana: d’une vie généreuse à un destin ingrat….(par Tibou KAMARA)

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« Le malheur n’a pas de frontières, la compassion ne devrait pas avoir de limites »

On s’indigne pour un dignitaire actuel qui serait accusé à tort, mais on s’émeut peu du sort tragique réservé aux grandes figures d’hier. Ainsi va la Guinée : on ne défend que les puissants du moment !

Vivre loin des siens ou être coupé d’eux est d’une infinie tristesse. Se voir arracher un être cher est un grand traumatisme. « Un seul être vous manque et tout est dépeuplé », ce cri du cœur d’Alphonse de Lamartine traduit tout le désarroi du sevrage lié aux séparations indésirables, aux absences et aux silences inhabituels de nos âmes sœurs, ces personnes qui nous sont précieuses.

La difficulté inhérente à la vie n’affecte pas autant que la solitude imposée et la frustration de se sentir seul au monde. Le bonheur ne peut être pleinement vécu sans les autres qui s’y associent toujours, car il est un appât pour tous. En revanche, la déchéance, la traversée du désert, les impasses, les revers de fortune créent la distance, favorisent les trahisons et nourrissent les reniements et retournements de veste.

Chacun est prompt à profiter d’autrui, mais nul n’est disposé à partager son fardeau ou à pleurer ses malheurs. À chacun de porter sa croix.

Mourir de chagrin, d’amertume, de regrets, de dépit est un risque pour chacun. Quand on a atteint le sommet, on est parfois condamné à « redescendre » aussi vite qu’on est monté. Dans l’ivresse du pouvoir et sous l’emprise de la vanité, on ne s’attend pas au pire, réservé, croit-on, aux autres, et on ne peut imaginer un jour être abandonné de tous, bercé par l’illusion d’être aimé et la certitude trompeuse d’être devenu indispensable. Nous oublions que d’autres furent là avant nous et que nous passerons nous aussi comme eux. Il n’y a d’éternité pour personne, ni dans le temps ni dans les responsabilités publiques.

Ibrahima Kassory Fofana est un grand homme qui, par le hasard de la vie et la force des choses, se trouve aujourd’hui confronté à une épreuve terrible : la prison. Il semble oublié, abandonné de tous. Certes, sa famille, ses proches et quelques rares amis et soutiens demeurent à son chevet, restent mobilisés et présents pour lui, malgré tout et quoi qu’il en coûte. Mais ceux qui ont bénéficié de ses largesses, de sa constante sollicitude, de sa bienveillante attention d’homme généreux, toujours disponible et foncièrement bon, ont pour la plupart disparu, déménagé chez d’autres, en l’occurrence chez les puissants du moment.

Pourtant, certains parmi eux ont la voix au chapitre, sont au cœur du régime qui garde l’ancien Premier ministre en détention. D’autres sont dans les petits papiers des nouveaux dirigeants. D’autres encore ne sont plus aux affaires, tombés en disgrâce entre-temps. Qu’ont-ils fait tous pour Kassory, qui leur a prêté main forte lorsqu’ils en avaient le plus besoin dans leurs vies antérieures ?

Kassory,une vie généreuse, un destin ingrat.

Tous dorment du sommeil du juste, ne veulent rien dire ni rien faire qui pourrait déplaire au Prince ou compromettre leurs maroquins et privilèges inespérés.

Ils dorment du sommeil du juste, ayant oublié les serments d’hier, les engagements, les amitiés, les alliances d’avant. La mémoire, l’honneur et la raison sont rangés au profit du confort et des privilèges éphémères.

On ne peut tout de même pas perdre la chance de sa vie pour rien ni pour personne au monde !

Ils pourront expliquer demain qu’« ils ont essayé mais n’ont pas pu » ou que le « Chef n’en faisait qu’à sa tête ».

Qui sera là pour écouter des repentis et convertis insincères, flagorneurs et trompeurs ? Pourra-t-on se plaindre ou demander de l’aide quand on sera aussi pris au piège ? On réalise tous que c’est chacun pour soi. Ainsi soit-il !

Tous savent que l’ancien Premier ministre, qui souffre en silence et se meurt lentement, refuse d’exhiber sa misère ou de crier sa détresse, pour sauver son honneur et préserver sa dignité éprouvés. On pourra toujours imputer tout cela au destin de l’homme. Mais l’élan de gratitude relève de chacun. Kassory n’est pas parfait, certes, mais il n’a pas le crime chevillé au corps. Il n’y a aucun pouvoir innocent. Dans l’exercice de ses fonctions, nul ne peut être exempt de reproches. Cependant, il faudra lui reconnaître d’avoir essayé de bien faire, de n’avoir pas cherché à nuire pour nuire. S’il n’est pas un ange, il est loin d’être un démon. Tous, nous sommes deux facettes d’une même médaille : ni totalement bons, ni mauvais sur toute la ligne. Une ambivalence que souligne Blaise Pascal : « Qui veut faire l’ange fait la bête ».

La politique apprend la patience et la persévérance. L’État prépare et expose aux pires éventualités : la prison, l’exil, la mort, le bannissement.

Kassory Fofana, chaque fois qu’il a pu, a aidé, secouru, sans se poser de questions et sans rien attendre en retour. Pour peu que la reconnaissance soit encore de ce monde, que la compassion n’ait pas déserté les cœurs, que la foi nous habite encore, l’ancien Premier ministre ne mérite ni l’indifférence ni l’oubli. Dans nos pensées, dans nos prières, il a toute sa place. Il ne doit pas moisir en prison ni y succomber au mal pernicieux qui le ronge.

S’il est vrai qu’on « juge la véritable nature d’une personne à son comportement envers ceux dont elle n’attend rien en retour, car cela révèle ses valeurs fondamentales et son authenticité », posons-nous la question : sommes-nous authentiques et croyons-nous en des valeurs ?

La Guinée, si cruelle envers les meilleurs de ses enfants, ne se le pardonnerait pas. Nous, si égoïstes, insensibles aux souffrances des autres, vindicatifs, animés de rancunes et de rancœurs, ne pourrions jamais nous l’expliquer, encore moins nous justifier.

Toutes ces personnes en souffrance, Kassory Fofana, Amadou Damaro Camara, Dr Mohamed Diané, Dr Ibrahima Kourouma, Aliou Bah, Kabinet Sylla “Bill Gates”, Habib Marwane Camara, et d’autres, qu’ils luttent contre la maladie, soient portés disparus ou déclarés décédés, ont droit à notre sympathie et notre solidarité.

On ne règle pas des comptes avec un homme à terre, ni ne tire de gloire à s’acharner contre une personne accablée et impuissante.

Le malheur doit adoucir les mœurs et les cœurs.

 

Tibou Kamara

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BAMCE
BAMCE
22 août 2025 05:13

@Mme Mariama
Merci pour l’éclairage, je n’étais pas informé de cette situation (je suis de 1984).
Entièrement d’accord avec vous concernant l’appellation « FORESTIERS » je trouve ça péjoratif et discriminatoire pour les populations qui habitent dans cette région.

Ko Min Tigui
21 août 2025 15:29

Le général Lansana Conté avait mis à la retraite près de 2000 militaires PEULHS. Ne l’oublions pas croyant que les forestiers allaient preserver son heritage politique et familial. Mais les Dadis ont changé d’avis. Ce sont les Dadis qui avaient donné le grade de Général aux Baldé, Barou, Bailo et consorts. A la mort de Conté, il y avait combien de peulhs dans armée ?

Mariama
Mariama
21 août 2025 15:14

@BAMCE, Ce sont les officiers peuls de l’époque – le capitaine Baldé, le commandant Sow, le capitaine Barou et le capitaine Baldé, alors commandant du camp militaire de Kindia – qui ont déjoué la tentative de coup d’État de Diarra Traoré. Malheureusement, Lansana Conté les a ensuite écartés ou marginalisés. Il a radié le commandant Sow de l’armée sous prétexte que celui-ci recrutait des Peuls. Pire encore, il fit intercepter les véhicules transportant ses bagages à Dalaba, qui furent fouillés publiquement à l’esplanade du Palais du Peuple. Lorsqu’on abandonne les compagnons d’avant le pouvoir pour les remplacer par des opportunistes,… Lire la suite

BAMCE
BAMCE
20 août 2025 15:14

Giho Gine

Bien sûr qu’il n’y a rien en islam qui les interdits de faire l’armée mais, c’était Haram de faire la douane,la police, et l’armée. J’ai eu à discuter avec beaucoup d’anciens c’est toujours le même argument Koko ALLAH YIDHA YARLAKI, no Harmi… c’est ces derniers années que les mentalités ont commencé à changer.
Dans notre communauté la religion et très souvent confondue à la culture.

BAMCE
BAMCE
20 août 2025 15:08

C’est sûr que ABOUBACAR SIDIKI CAMARA ALIAS IDIAMIN, BALLA SAMAOURA, ABDOULAYE KEITA ont verrouiller l’entré dans l’armée des autres communautés. Lors du dernier recrutement c’était flagrant, d’autres jeunes PEULS, Sousous et forestiers ont même changé de Noms de famille pour pouvoir être enrôlé,il y a beaucoup de témoignages à ce sujet. Lors de mon séjour en Guinée entre janvier et Mars, j’étais frappé de constater le caractère ethnique de l’armée guinéenne, dans tous les rond point où il y avait des check points, je ne voyais que des jeunes et adolescents MALINKE armées jusqu’au dent et qui parades dans toutes… Lire la suite

Giɗo Gine
Giɗo Gine
19 août 2025 21:43

« Comme on dit, les malinkés ont compris depuis très long temps que l’armée c’est le pouvoir . » Et ca leur a profite. C’est la seule stratégie gagnante sur le long terme , le reste c’est du bavardage. Pour preuves, la pays les plus developpes sont aussi les mieux armes. BAMCE, Les Fulbe n’ont pas intégré l’armee pour des raisons différentes de la religion. Il n y a rien en Islam qui leur interdit de le faire. C’est l’image du militaire Africain qui l’amene a s’en distancier. J’ai remarque que meme les Fulbe du Burkina, Mali avaient ce problème. C’est alors… Lire la suite

Youssouf Bangoura
Youssouf Bangoura
19 août 2025 20:15

BAMCE, Conté n’avait rien fait pour qu’il ait un équilibre ethnique dans l’armée guinéenne .Rappelles toi, après Février 1996, les jeunes soldats malinkés ont assassiné en pleine journée au camp Alpha Yaya Colonel Seny Bangoura ( main gauche ) devant les autres soldats et sont sortis librement du camp pour aller se cacher . Ce Colonel était un très proche de Conté et même cet assassinat ne lui avait pas fait prendre conscience dans la dangerosité de ce manque d’équilibre dans l’armée . Les intellectuels soussous que tu cites ne pouvaient réagir qu’en comptant sur les soutiens militaires .Somparé en… Lire la suite

BAMCE
BAMCE
19 août 2025 14:36

Youssouf Bangoura LANSANA CONTE n’était pas intellectuelle et même politicien (il le disait souvent d’ailleurs) c’était un militaire. Il n’avait pas la capacité intellectuelle de sécuriser son pouvoir (c’est à peu près la même chose pour Dadis). Cette responsabilité incombent aux KASSORY FOF, ABOUBACAR SOMPARE, MOUSSA SOLANO, MBEMBA BANGOURA, CHEICK AHAMED CAMARA, FODE SOUMAH, KALEMODOU YANSANE,… Outre cela, CONTE à recruter beaucoup de Forestier dans l’armée parce qu’il a vu ce que les officiers MALINKE étaient capables de faire après le coup Diarra et les tentatives de coup d’état qu’il a subi, mais aussi à cette période les PEULS ne… Lire la suite

Kaou Labe
Kaou Labe
19 août 2025 12:36

Qu’ il est facile d’être GENTIL avec l’argent des autres !
Surtout quand il est volé !

Youssouf Bangoura
Youssouf Bangoura
19 août 2025 11:34

BAMCE, tu aimes rigoler, dis donc, ce n’était pas parce que les hauts cadres soussous n’avaient pas sécurisé le pouvoir de Conte que ce pouvoir est tombé comme une feuille après sa mort . C’est Conté même qui a massacré son pouvoir avant sa mort en faisant des soldats forestiers dont pivi et sa bande les maîtres absolus de la Guinée. Quand Pivi est allé massacré les jeunes policiers à Camayenne parce que ceux-ci avaient oser réclamer une augmentation de salaire après les militaires, qu’avait fait Conté ? Rien du tout, Conté n’a jamais voulu que les soussous soient forts… Lire la suite

AOT DIALLO
AOT DIALLO
18 août 2025 19:29

Helas pour lui on lui appliqque son propre remed : preferrer l’ordre etabli a la Loi. Il a du y penser tous les jours sur son lit d’hopital.

J’espere neanmoins qu’il s’en sortira – ne serait-ce que pour pouvoir porter son fardeau pendant le reste de sa vie… En hommage aux centaines de jeunes innocents dont le sang desquels ses doigts sont teintes a jamais…

Giɗo Gine
Giɗo Gine
18 août 2025 12:52

Moi je pleure pour les enfants de l’axe et leur famille démunie .

BAMCE
BAMCE
18 août 2025 06:06

KASSORY FOF « je préfère l’ordre à la loi »
C’est flagrant, KASSORY FOF est victime d’injustice mais, il l’a lui-même créer lorsqu’il était au pouvoir. Sinon, les détournements au temps de DOUMBOUYA sont plus conséquents que ceux qu’on accuse les anciens dignitaires du régime Alpha Condé, et pourtant ils sont en majorité libres.

Si KASSORY FOF avait veiller à ce qu’il y est des institutions solides et républicains notamment la justice pendant qu’il était au manette,il n’aurait pas subit cette injustice.

BAMCE
BAMCE
17 août 2025 20:11

Si les hauts cadres SOUSOUS avaient sécurisé le pouvoir de LANSANA CONTE on en serait pas là aujourd’hui.
Parmi toutes les communautés en Guinée, les Sousous sont les plus généreux, ouvert d’esprit et démocrates.