Loin de nous l’intention de répondre aux injures et qualificatifs diffamatoires. Notre éducation nous l’interdit et nombre de citoyens ne nous reconnaitraient pas. C’est dire que ceux qui se sont spécialisés dans ce genre d’attitude au lieu d’argumenter autrement leur « libre opinion » sur le débat public contradictoire et civilisé que nous suggérons à propos de la réconciliation dont on parle abondamment en Guinée, perdent leur temps.
Par contre, nous voudrions faire une mise au point sur une question, qui revient souvent sous la plume de certains, que Saïfoulaye Diallo qualifiait déjà, en 1976, de « pseudo-intellectuels tarés » à propos des évènements de 1976 et qui continuent à parler de « complot peul ». Pour ce faire, nous extrayons, de notre ouvrage publié par l’Harmattan-Paris en 2014 (La Guinée de Sékou Touré. Pourquoi la Prison du camp Boiro ? ), les passages suivants:…
{jcomments on}
P.206 « Au cours de ses interventions et comme dans toutes les autres, parues dans le journal Horoya et reprises dans la revue RDA, le président Ahmed Sékou Touré n’avait jamais dénoncé ni un « complot peul », ni évoqué une prétendue « situation particulière du Foutah » …
C’est Siradiou Diallo qui a employé dans ses écrits le terme « complot peul » afin d’indisposer contre Ahmed Sékou Touré et pouvoir conditionner certains Guinéens, ce qui lui a permis de constituer ses groupes de mercenaires »…
« Même l’expression « situation particulière du Foutah » , toujours mise entre guillemets dans les textes d’ Ahmed Sékou Touré comme citation, avait été empruntée à des cadres et intellectuels de la Moyenne Guinée qui, tout en se faisant passer pour des victimes, des martyrs, ne cessaient d’insister sur divers facteurs subjectifs pour justifier le particularisme du Foutah Djallon et de l’ethnie dominante de cette grande région naturelle , de pratiquer des actes ethnocentriques qu’ils continuent de condamner chez les autres. »
P.208 « Philippe Guillerme, qui avait séjourné en Guinée et mené des enquêtes sur le terrain en vue de l’élaboration de son mémoire de maîtrise, après avoir recueilli de nombreux témoignages et procédé à leur analyse , est formel sur ce point : « certains ont vu, ou voulu voir dans l’ arrestation de Telli Diallo et la campagne contre le racisme peul, une attaque contre l’ ethnie peule en général. Nous ne le pensons pas, car, poursuit-il, nous n’avons pas trouvé, à la lecture des numéros de Horoya consacrés à cette affaire , une seule attaque contre l’ethnie peule, mais des attaques contre les peuls racistes ou le racisme en général » ; et l’ auteur de conclure : « Il n’ est pas dans notre intention de porter un jugement sur la véracité des faits reprochés aux inculpés de 1976…Il convient cependant de reconnaître , en toute objectivité, que le particularisme peul est un obstacle majeur à une intégration satisfaisante des ethnies » en Guinée.
Ce témoignage d’un Français de souche, et de surcroit, un scientifique, nous paraît très capital. Ahmed Sékou Touré n’a jamais dénoncé un complot peul, il ne s’est jamais attaqué à l’ethnie peule, mais il a négligé ou sous-estimé la capacité de nuisance de ses ennemis historiques parmi les cadres racistes de cette ethnie, capables de mentir effrontément en tentant de transformer, au besoin, le mensonge en vérité à force de falsifier les faits avérés. »
P.211 « Pourquoi Sékou Touré ne pouvait pas s’en prendre à l’ethnie peule ?
Si, comme le prétendent certains intellectuels natifs de la Moyenne-Guinée, détracteurs du régime , c’est toute l’ ethnie peule que Sékou Touré avait accusée de complot , une telle accusation aurait été si grave, elle aurait entraîné des conséquences politiques si désastreuses, si funestes, si irresponsables qu’elle aurait eu, pour effet immédiat, de faire voler en éclat l’unité nationale. Devant l’immensité d’un tel préjudice et d’une telle fracture causés à l’unité nationale, une seule question vient à l’esprit : Sékou Touré serait-il devenu mentalement débile, serait-il borné à ce point ou politiquement analphabète pour apporter si gracieusement, si généreusement, si délibérément, par cette accusation, de l’ eau au moulin des pires ennemis de l’ unité nationale ? La première conséquence et la plus grave qu’entraînerait cette accusation consisterait en l’immédiate et irréversible désaffection envers le PDG, de l’immense majorité des travailleurs patriotes des campagnes et des villes de la Moyenne Guinée, désaffection, plus ruineuse, plus préjudiciable à l’unité nationale que toute révolte de ces masses paysannes et citadines. De même, ce sont tous ces cadres et militants patriotes du PDG de la Moyenne Guinée, à commencer par Saïfoulaye Diallo, lui-même, qui en viendraient à se demander s’ils ont encore quelque raison de demeurer dans le PDG.
Même, en supposant que Sékou Touré ait été tenté, un instant, d’accuser toute l’ethnie peule de complot, l’indéfectible amitié (née d’une longue pratique d’un idéal commun, laquelle a résisté à tous les outrages du temps et a lié les deux hommes Sékou Touré et Saïfoulaye Diallo), aurait nécessairement été un facteur déterminant pour Sékou Touré, à s’interdire de porter une telle monstrueuse accusation.
En réalité, et comme l’attestent tous les documents du Parti et du gouvernement, Sékou Touré ne s’en était jamais pris à l’ethnie peule, un fait historique et naturel, mais à l’ethnocentrisme ou au régionalisme érigé en système politique par certains cadres peuls racistes.
La présence constante de Saïfoulaye Diallo à ses côtés et dont il fut l’ incomparable alter égo ;….Cette présence salvatrice était une considération, à elle seule, suffisante à dissuader Sékou Touré de lancer une si monstrueuse accusation de complot contre toute une ethnie, l’ethnie peule, l’ethnie de Saïfoulaye Diallo, son ami » ; celui-ci dénonça, à la même année, « l’action novice des cadres ethnocentriques ; les agents de la 5eme colonne impérialiste» qui brandissent « encore une fois l’arme perfide du racisme, du régionalisme et du mensonge éhonté… Fort heureusement, ajouta-t-il, l’arme du racisme et du régionalisme n’est brandie que par une minorité de pseudo-intellectuels tarés ».
Ce qui prouve que l’unité nationale était un fait accompli et naturel, c’est « aucune manifestation de caractère ethnique ne se produisit contre les ressortissants de la Moyenne Guinée résidant dans une localité guinéenne, en Guinée forestière, en Haute Guinée et en Basse Guinée ».
Pour terminer sur ce point, il faut préciser, à propos des évènements de 1976, qu’Amadou Diallo qui a fait arrêter Telli Diallo en le dénonçant et qui sera ultérieurement libéré pour des raisons que nous ignorons, a écrit dans son livre préfacé par Siradiou Diallo (La Mort de Telli Diallo) et publié à sa sortie de prison : « Je vais vous raconter sans détour ma propre participation à un mouvement qui s’était donné pour objectif un changement de régime ».
Il est dommage que, pour permettre aux jeunes qui n’ont pas vécu les faits du passé récent de notre pays qui continuent à empoisonner la vie politique guinéenne, le parti qui défend l’héritage de la première République, le PDG-RDA, n’ait pas encore publié les documents incriminés relatifs aux évènements de 1976 (en particulier les discours du Président Ahmed Sékou Touré, les prises de position de certains cadres de la Moyenne Guinée publiées dans différents numéros du journal Horoya, etc.). L’intérêt de cet apport serait immense.
Enfin, à propos de la situation de nos compatriotes en Angola, j’ai eu la chance, en 2004, de m’entretenir en Afrique du Sud avec un Angolais venu assister à la cérémonie évoquée dans notre premier texte ; il assistait souvent à différentes rencontres en Guinée sous la Révolution. Nous avons rapporté les propos suivants au Président de la République, le général Lansana Conté, à son domicile à Donka, au retour de l’Afrique du Sud :
« L’aide de la Guinée à tous les mouvements de libération nationale était désintéressée, selon cet angolais devenu responsable politique à l’époque ; votre pays n’avait qu’un seul objectif: nous aider, sans arrière-pensée et sans calcul, dans notre combat contre le colonialisme portugais ; et ce fut dans tous les domaines. Le Panafricanisme seul animait nos dirigeants et les vôtres. Aucun dirigeant guinéen ou un citoyen guinéen, à l’époque, ne nous avait dit ou fait sentir que nous devions quelque chose à la Guinée et que nous devions rembourser cette aide un jour. A notre indépendance, nous avions commencé à tisser des relations très étroites avec les autorités guinéennes d’alors. Malheureusement à partir du changement du régime en 1984, vos nouvelles autorités ont tout coupé avec nous, sans aucune explication. Pour ce qui est de la situation de vos compatriotes dans notre pays, nous commençons à nous poser des questions car, les types de Guinéens de la Révolution ne sont pas les mêmes types de Guinéens qui se trouvent maintenant en Angola ; certains de ceux-ci ne respectent pas nos lois et règlements ; nous ne défendons pas les mêmes valeurs morales, idéologiques et politiques ; nous n’ avons pas les mêmes préoccupations. Nombre d’Angolais se plaignent déjà. Mais nous espérons qu’il y aura un changement puisque nous avons déjà signalé le fait à vos responsables».
Enfin, et pour revenir à notre Texte du 26 avril 2015 publié par gbassikolo. Que devons-nous faire ?
1. Certes, déjà les archives de Jacques Foccart sont déclassifiées et occupent désormais un local de 500 m sur 40 à Paris. Mais cela ne suffit pas. Demandons à l’Ambassade de France en Guinée de contribuer plutôt à l’ écriture correcte de notre histoire en exigeant de son pays la déclassification de toutes les archives françaises relatives aux rapports franco-guinéens de 1958 à 1985 se trouvant dans divers départements ministériels de souveraineté et dans les services secrets. C’est la seule façon qui nous permettra de mieux appréhender tous les aspects même cachés de notre histoire récente ; sa contribution personnelle à la reconstitution des traces de notre histoire récente serait ainsi mieux perçue. Toute autre approche ou action même subventionnée serait, pour le moins, de la propagande diplomatique.
En effet, pour n’évoquer que cet aspect, et comme l’avait dit feu Dr Charles Dianè, l’un des responsables des opposants au régime de la Première République et qui savait de quoi il parlait, dans l’intéressante émission radio-diffusée au lendemain de la prise du pouvoir en 1984 par l’ Armée « A vous la parole » de Mr Faceli II Mara : « Si nous voulons connaître la vérité sur qui a fait quoi dans les différents complots, il nous faudrait consulter impérativement les archives du PDG, les services secrets français, du MOSADE, de la CIA , du KGB ».
2. Exigeons de nos autorités l’organisation, après les élections présidentielles du 11 octobre 2015, de débats publics contradictoires et civilisés sur tous nos contentieux pour une réconciliation véritable et définitive des Guinéens avec eux-mêmes et entre eux. Toute autre approche serait une fausse solution suggérée par des citoyens, des départements ministériels, des structures sociales guinéennes ou des internationales animées par d’autres facteurs ou visant la pérennisation de notre mésentente.
Pour d’autres questions hors sujet, il vaut mieux que les commentateurs s’adressent au PDG-RDA dont nous ne sommes pas membre pour convenance personnelle, depuis le 3 avril 1984.
Sidiki Kobélé Keita