Dans son édition de ce dimanche 29 mai, Guineenews, s’est fait l’échos de la triste nouvelle du plan de licenciement massif chez Rio Tinto en Guinée. Une nouvelle, qui était du reste, attendue par les observateurs depuis plusieurs mois, au regard de toutes les tendances économiques et financières qui se profilaient sur le marché international du minerai de fer…
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Pourquoi s’en prendre aujourd’hui à la filiale de Rio Tinto en Guinée ? C’est absolument absurde, même si tout bon Guinéen compatirait forcément aux douleurs et souffrances de nos compatriotes en apprenant une si mauvaise nouvelle ce vendredi 27 mai 2016.
Il faudrait appeler le chat par son nom, et s’en prendre tout simplement au gouvernement guinéen et à l’Assemblee Nationale qui se sont embarqués aussi aveuglément dans cette mésaventure sans aucune précaution de prudence et d’objectivité dans ce mégaprojet farfelu de plus de 18 milliards de dollars US, irréalisable en l’état, même pas dans 100 ans. Leur responsabilité est engagée devant la Nation de bout en bout, et c’est le moins que l’on puisse dire.
Nous avons beau avoir à culpabiliser Rio Tinto, notre pays est le plus grand coupable à travers la galaxie de hauts cadres et experts guinéens qui ont fait miroiter aux centaines de milliers de jeunes, des lendemains enchanteurs, que dis-je magiques, dans ce faux projet dont l’analyse approfondie ne peut résister à aucune pertinence ni à aucune évidence, et sur aucun plan.
Voilà le prix exorbitant à payer pour le mépris du bon sens. Personne n’a besoin d’aller à Harvard pour savoir que le marché international ne fonctionne pas selon les désidérata des faux experts et des politiciens. Mais plutôt selon les lois du marché, dans un contexte où l’offre et la demande ont toujours le dernier mot dans la décision des acteurs économiques.
Ceci dit, le pire n’est pas encore derrière nous en matière d’approche dans ce magique secteur des mines en Guinée.
D’abord, pourquoi sur un tout autre projet qui a fait l’objet de fanfare, à savoir celui de la raffinerie d’alumine des Emirats Arabes Unis, (Mudabala et Compagnie), prévue à Sangaredi (Boké), le gouvernement ne dit pas toute la vérité au pays, en disant clairement aux Guinéens que les Emirats Arabes Unis ont définitivement enterré ce projet de fonderie ou de raffinerie d’alumine de Sangarédi (préfecture de Boké) ?
Il faut rappeler qu’à l’origine, c’est une PME canadienne, Global Alumina qui avait initié ce projet de construction d’une usine d’alumine d’une capacité de 3,3 millions de tonnes par an pour un coût de 5,2 milliards de dollars US, avant de jeter l’éponge après 15 années d’engagements sur le terrain.
Oui, le projet actuel ou ce qu’il en reste dans sa composante bauxite a encore quelques chances d’évoluer, s’il n’y a pas de retournement majeur sur le marché du minerai de bauxite. Sinon, ce n’est pas du tout ce qui avait fait l’objet de propagande officielle.
C’était sur celui de la raffinerie d’alumine, et qui a fait l’objet d’un enterrement de première classe de la part des Emirats Arabes Unis depuis fin décembre 2015. Tout ceci devrait davantage appeler le pays à la prudence sur les mines dont le gouvernement ne maitrise aucunement la chaine des valeurs qui se trouve parmi les plus complexes et les plus agitées au monde !
Ensuite, sur le projet Sable Mining, qui en Guinée, pourrait encore se faire des illusions sur ce projet, objet de dénonciations de la part de Global Witness, pour cause de corruption bien avant même sa phase exploratoire.
Quel investir étranger n’est pas aujourd’hui au courant de cette désastreuse information ? Quel investisseur international mettra ses billes dans cet autre projet actuellement épinglé et décrié par Global Witness sur un chapitre aussi insupportable par la communauté financière internationale que celui de la corruption ? Ce projet est voué à l’échec, sans aucun commentaire possible.
Un dernier mot pour complèter les informations que Guineenews avait soutenues depuis plus de 5 ans sur ce désastreux secteur minier guinéen, porté à bout de bras et de propagande interminable par le gouvernement.
(1) Il faudrait que le gouvernement et l’Assemblée Nationale assument leurs entières responsabilités dans l’échec prévisible de Simfer et de Rio Tinto sur le Simandou. Personne d’autre que ces deux Institutions Nationales qui se sont laissées embarquées de façon inacceptable sur ce projet bidon, en raison de sa taille, et de son coût en dépit de tous les signaux négatifs envoyés par les marchés et qui étaient déjà sur la place publique.
(2) L’embellie actuelle sur la bauxite n’est que de façade et ne devrait pas davantage tromper le gouvernement. Pourquoi ? Parce qu’elle tient tout simplement au fait que les Chinois, ont été déboutés sur les mêmes projets d’exploitation de bauxite à l’état brut en Indonésie et en Malaisie, deux pays dont les ports d’évacuation sont de loin, plus proches des usines de transformation en Chine, première consommatrice mondiale d’aluminium.
Cela veut dire que la prudence devrait être encore de mise encore sur les projets de bauxite actuellement objet de propagande en Guinée, à cause du simple fait que, les Chinois se sont tournés vers la Guinée par défaut, et non par souhait au départ. Tout pourrait donc changer et à tout moment dans les engagements chinois sur la bauxite en Guinée.
(3) La politique classique du gouvernement Guinéen qui a consisté au cours des 5 dernières années à décider les ruptures brutales de contrats avec les investisseurs étrangers et à les chasser manu militari, dès l’instant qu’il y a des divergences de vue sur les problèmes, une telle politique dis-je, va coûter très cher au pays. Quelle que soit la gravité des sujets, la Guinée devrait privilégier dans tous les cas de figure, la négociation et le dialogue sur toute la ligne, pour trouver les solutions mutuellement avantageuses pour les parties en conflit.
Les exemples de décisions anti-business et de mauvais comportement dans la gestion des contrats public-privé, sont sur la place publique et ne manquent pas :
La chasse pure et simple de l’investisseur Guido Santullo qui avait mis des milliards de francs sur la Cité Chemin des Fers de Conakry, l’éviction inopinée de Getma au Port Autonome de Conakry, la rupture avec Beny Steinmetz et Vale sur le Simandou, etc…. Bref tout un gâchis et que de temps perdu pour cette génération de jeunes guinéens qui ne trouvera jamais d’emplois avec les politiques publiques actuelles menées par le gouvernement guinéen.
Quels enseignement à tirer du projet de plan de licenciement massif chez Rio Tinto en Guinée ?
De toute évidence, le pays n’a pas 36 solutions pour s’en sortir. La seule qui vaille est de déconstruire totalement le système actuel qui a été fait sur des bases électoralistes et anti-économiques depuis 2010. La sortie honorable pour la création de richesse économique, la création d’emplois pour les centaines de de milliers de jeunes et de femmes, passe par :
(1) Les investissements publics massifs non pas sur la quantité et les effectifs de masse dans l’éducation nationale, mais pour faire de la qualité et du savoir faire des étudiants et des élèves du primaire au supérieur actuellement dévasté par des sous-investissements inqualifiables depuis plusieurs années.
Un seul exemple à titre comparatif de nos résultats académiques, avec ceux du reste du continent. Sur le dernier répertoire du classement des 200 premières universités en Afrique, publié en février 2016 par la très sérieuse University Web ranking, il n’existe le nom d’aucune université guinéenne. C’est dire le niveau du mal qui gangrène, tout le secteur de l’éducation nationale en Guinée.
Des slogans démagogiques ne suffiront pas à régler les problèmes structurels dans ce secteur essentiel pour l’avenir du pays. Mais plutôt il va falloir beaucoup plus de vision, beaucoup plus de discipline dans la gestion des ressources et beaucoup plus d’argent pour faire bouger positivement les lignes et les résultats dans ce secteur stratégique.
(2) Les investissements massifs sur le secteur primaire (agriculture, pêche et élévage), dans toutes leurs composantes sectorielles. La Guinée devrait s’orienter activement vers les exportations de biens et de services et vers le marché international pour faire beaucoup plus d’entrées de devises sans avoir à attendre tout du secteur minier qui a montré toutes ses limites pour ce pays de toutes les occasions ratées .
(3) Le changement de la gouvernance publique actuelle qui ne fait absolument rien du tout pour renforcer la lutte contre la corruption endémique de l’ensemble du système et le contrôle plus rigoureux des finances publiques dans tous les secteurs de gestion : les marchés publics et les administrations centrales, les Télécommunications et l’Office de la Poste, les Eaux de Guinée, la Sotragui, bref dans tout le portefeuille de l’Etat.
(4) Avec la coopération décentralisée, il existe énormément de possibilités de financement du développement des collectivités à la base. Il suffit de prendre les exemples de réussite dans trois pays de la sous-région comme le Mali, le Burkina Faso et le Sénégal, pour mesurer combien de fois la Guinée perd énormément dans ce secteur et qui se trouve inscrit pourtant, dans les priorités des partenaires au développement comme la France, l’Allemagne, les pays Scandinaves, les USA et le Canada entre autres.
Cependant, pour accéder aux financements dans la coopération décentralisée, faut-il que la Guinée accepte d’organiser des élections communales et municipales justes et transparentes ! C’est aussi simple que cela, la seule condition necéssaire et suffisante pour que les financements extérieurs arrivent dans ce secteur, est que la volonté politique soit clairement au rendez-vous, au niveau de la classe politique, et au premier chef, au niveau du président de la République.
Sans une volonté politique claire et forte, le pays continuera de s’enfoncer inutilement dans la misère alors que le marché international n’est pas complètement fermé pour la Guinée, à condition qu’elle en accepte les règles du jeu par la transparence et la discipline dans la gestion, et non par la propagande politique interminable et les bagarres de chapelles.
Abou CONDE