Notation souveraine B+, la Guinée poursuit sa marche ascendante (Par Abdoulaye GUIRASSY, économiste-politologue)

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Évaluation de l'article

La notation souveraine d’un pays est une évaluation de sa capacité à rembourser sa dette publique, attribuée par des agences de notation comme Moody’s, Standard & Poor’s et Fitch Ratings qui se partagent l’essentiel du marché mondial. Cette note, généralement représentée par des lettres suivantes :

• AAA pour un risque très faible ;

• BBB pour une solvabilité moyenne ;

• D pour défaut de paiement).

L’évaluation est basée sur des indicateurs économiques, budgétaires et politiques. Une note élevée signale un faible risque pour les investisseurs, tandis qu’une note basse indique un risque plus élevé et peut entraîner des taux d’intérêt plus élevés pour les emprunts du pays. Chaque agence possède son système de notation, avec des échelons intermédiaires, les notes peuvent être ainsi accompagnées d’un « + » ou « – » ou encore d’un « 1 » ou « 2 ».

En d’autres termes, le rôle des agences de notation est de mesurer le risque de non-remboursement des dettes que présente l’emprunteur. Pour cela, elles construisent des scénarios financiers prévisionnels et évaluent la probabilité que chacun de ces scénarios se réalise à partir de l’examen de la structure future des coûts et des revenus de l’emprunteur. L’analyse du risque est ainsi déléguée à moindre coût à quelques acteurs spécialisés dans cette activité.

Depuis quelques années, le cadre macroéconomique de la Guinée a connu une embellie substantielle et remarquable dont le point d’orgue est le lancement du méga projet minier Simandou. Ces performances économiques viennent d’être reconnues par la très crédible agence de notation américaine Standard & Poor’s qui a attribué à notre pays, une notation inaugurale « B+ avec perspective stable », gage d’une solvabilité moyenne pour notre pays alors qu’une masse critique des pays d’Afrique subsaharien affichent une note allant de « C » (risque important d’insolvabilité), à « D » (situation de cessation de paiement).

Cette notation qui ne souffre d’aucune forme de complaisance, est le reflet de la solidité des fondamentaux de notre économie et des perspectives de croissance fortes favorisées par le projet intégré mine et infrastructure Simandou, elle dénote en outre un signal positif de la conjoncture économique nationale aux enjeux économiques incommensurables. Les dividendes à tirer de cette appréciation positive peuvent être multifactoriels et multiformes.

Les avantages de la note B+ pour la Guinée

Avec cette notation de solvabilité moyenne, la Guinée verra ses coûts d’emprunt largement amenuisés au sein des marchés financiers internationaux ainsi qu’au niveau des autres bailleurs bi et multilatéraux avec bien entendu des marges plus réduites. Une meilleure notation de crédit révèle aux yeux des créanciers et autres investisseurs, une situation où le risque de défaut de paiement est à niveau plus faible. Toute chose qui fera baisser substantiellement la prime de rendement (écart par rapport au taux sans risque).

Avec ces atouts, il sera dorénavant loisible pour notre pays, la République de Guinée d’emprunter sur les marchés financiers internationaux avec des taux d’intérêt relativement bas, réduisant de facto le fardeau du service de la dette.

• Confiance des investisseurs

La notation B+ permettra à la Guinée d’améliorer son accès aux marchés internationaux à travers le capital de confiance que la présente note engendre au niveau des investisseurs dans la mesure où, certains investisseurs institutionnels ont des mandats limitant leur exposition aux crédits les moins bien notés (forte aversion aux risques). Une meilleure note pourrait par voie de conséquence élargir la base des investisseurs potentiels, ce qui constituerait un appel d’air aux investisseurs étrangers (fonds souverains, fonds communs, fonds d’obligations souveraines), facteur générateur de plus d’investissements dans la dette ou dans les projets de développement de la Guinée.

• Signal positif, crédibilité garantie, ancrage des politiques publiques et Effets d’entraînement pour le secteur privé

Une amélioration ou une notation solide est une validation externe des réformes politiques, de la discipline budgétaire ainsi que la gouvernance. Le gouvernement de la Guinée pourrait renforcer les réformes (ex : gestion de la dette, transparence budgétaire, lutte contre la corruption) en utilisant la notation comme un « sceau de confiance ».

Lorsque le risque souverain diminue, les entreprises nationales en bénéficient à travers la baisse des primes de risque pays, coûts d’emprunt moindres, meilleures lignes de crédit auprès des prêteurs étrangers. Les banques et entreprises guinéennes pourraient avoir un meilleur accès au crédit international ou à des financements moins coûteux. Certaines études montrent clairement qu’une amélioration de la note souveraine réduit le risque des entreprises.

• Développement du secteur financier / approfondissement des marchés de capitaux

Un émetteur souverain crédible aide à établir des courbes de rendement de référence, attire les souscripteurs et favorise le développement des marchés financiers domestiques.

Avec cette note, la Guinée pourrait renforcer son marché obligataire intérieur, avec plus de liquidité et des instruments financiers plus sophistiqués.

• Effets macroéconomiques / soutien à la croissance

La notation B+, est un levier permettant à notre pays de bénéficier des charges d’intérêts plus faibles, ce qui libère l’espace budgétaire pour plus d’investissement dans les infrastructures et dans les programmes sociaux, ce climat de confiance accru est également susceptible d’attirer les Investissements Directs Etrangers (IDE) et des investissements de portefeuille. À terme, cette notation de qualité pourrait donc contribuer (indirectement) à la croissance et à la stabilité économiques de notre pays.

Une étude récente a montré que lorsqu’un pays en développement obtient pour la première fois une notation souveraine comme c’est le cas de la Guinée, cela a un effet positif significatif sur le développement de son système financier domestique (profondeur bancaire, intermédiation financière accrue), en contrôlant mieux la sélection adverse ou les biais de sélection.

Cela pourrait s’avérer comme un effet catalyseur du développement des marchés de capitaux domestiques. En outre, une amélioration de la note souveraine réduit le risque des entreprises nationales, probablement grâce à la stabilité macroéconomique et une baisse des primes de risque pays.

A l’échelle macroéconomique, la note B+ avec ses différents leviers (réduction du service de la dette, l’afflux de portefeuille et l’IDE supplémentaires) favoriserait un bénéfice macro-économique direct et indirect de l’ordre de 100 à 250 millions USD par an selon nos recherches, bien entendu avec l’hypothèse que le PIB de notre pays serait autour de 20 milliards de dollars.

Pour approfondir la réflexion et à titre d’illustration, notons qu’avec une notation souveraine B- le taux d’intérêt généralement appliqué serait de 11% en termes de rendement moyen, en revanche, avec cette notation inaugurale B+ que Standard and Poor a attribué à notre pays, le rendement moyen pourrait être réévalué autour 9% au lieu de 11%, soit une différence empirique d’environ 200 points de base. Toute chose qui favoriserait des économies d’intérêt notables.

Pour faciliter la compréhension des avantages inhérents à cette notation, posons un cas pratique, si par exemple la Guinée était amenée à refinancer 1,75 milliard USD à 9 % au lieu de 11 % grâce à la notation B+, l’économie annuelle réalisée pourrait être de : 2 % × 1,75 milliard = 35 millions USD par an, soit environ 350 millions USD sur 10 ans (hors actualisation). Ce qui constituerait une plus-value énorme pour notre économie avec un afflux potentiels de capitaux.

D’ailleurs les recherches du Fonds Monétaires Internationales (FMI) montrent clairement qu’une amélioration d’un cran de la notation souveraine dans la catégorie spéculative (B+) comme c’est le cas actuel de notre pays, est susceptible d’entraîner :

• des flux de portefeuille étrangers supplémentaires allant de à 0,2 à 0,5 % du PIB,

• et une hausse des Investissements Directs Etrangers (IDE) de 0,1 à 0,3 % du PIB.

Dans le même ordre d’idées, si nous partons du postulat selon lequel le PIB actuel de la Guinée se situerait autour de 20 milliards USD, cette notation souveraine pourrait alors drainer vers notre pays un afflux des Investissements Directs Etrangers (IDE) de l’ordre de 60 à 160 millions USD à court terme, selon nos estimations fondées sur un benchmarking des économies similaires.

Outre ces avantages quantitatifs, cette note a également des avantages qualitatifs au nombre desquels nous pouvons citer :

• Crédibilité et perception accrues entrainant la baisse des primes de risque ;

• Accès privilégié aux financements multilatéraux et hybrides ;

• Conditions plus favorables pour les Partenariats Publics Privés (PPP) et les prêts concessionnels ;

• Plus grande flexibilité des politiques budgétaires et monétaires, grâce à des réserves et flux de capitaux renforcés.

A la lumière de ce qui précède, il apparait évident que notre pays poursuit sa marche ascendante vers l’émergence, cette notation souveraine B+ est un tremplin important qui ouvrira à la Guinée les portes de la finance internationale, améliorera la perception du risque-pays et servira de catalyseur pour une gestion économique plus rigoureuse.

La mise en œuvre du projet séculaire simandou que le CNRD a réussi avec brio, doit être un levier essentiel que nous devons collectivement actionner pour promouvoir une diversification réussie de notre économie. A ce titre, la création future d’un fonds souverain pour assurer la gestion transparente des revenus issus du méga projet est une vision stratégique salvatrice.

Abdoulaye Guirassy, économiste-politologue

Directeur des Etudes Economiques à l’AGAC

Chargé de cours d’économie monétaire et membre correspondant de l’Académie des Sciences de Guinée (ASG)

guirassy_abdoulaye@yahoo.fr

610 05 55 55

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Gandhi
Gandhi
25 octobre 2025 19:03

Quelle était la note du Sénégal avant d’avoir découvert la dette fantôme ?
Pourquoi vouloir rassurer le monde de la finance international alors que le cours du GNF est au plus bas ?
Simandou est une garantie mais n’empêche nullement la gestion de la dette (qui est repartie à la hausse depuis le PPTE), la transparence budgétaire (nulle), la lutte contre la corruption (???).
Merci de se souvenir d’Enron…

BAMCE
BAMCE
25 octobre 2025 11:10

En réalité, depuis la crise des subprimes 2007-2008, les agences de notations ont perdus leurs crédibilité parce que n’ayant pas si anticiper et ont été mêmes accusés d’avoir gonflés les produits bancaires…

Youssouf Bangoura
Youssouf Bangoura
23 octobre 2025 23:00

BAMCE, tu as bien raison, les agences de notations font parti du système qui gouverne ce monde mais bon, elles permettent aussi à des gouvernements d’emprunter facilement ou pas des crédits sur le marché international .Dans notre cas, grâce à Simandou, les putschistes ont le vent poupe sur le plan international . L’autre jour, il y avait les ambassadeurs Français, Anglais et le représentant de celui des USA à Moribaya ( vu sur Youtube ) Tiekourani, si on avait à ce instant précis de notre histoire des hommes capables et patriotes à la tête de notre pays, ce projet pouvait… Lire la suite

BAMCE
BAMCE
23 octobre 2025 18:34

« L’interpretation de Mr Guirassy me rappelle Alpha Conde qui vendait aux guineens le program PPTE … » @TAG

Bien vu, je suis sûr que la junte à négocier cette note à des fins de propagande jusqu’à preuve du contraire.

Last edited 24 jours plus tôt by BAMCE
Tiekourani
Tiekourani
23 octobre 2025 12:21

Youssouf, ton observation est très pertinente. Cependant, le véritable problème réside dans ceux qui dirigent actuellement le pays. La question fondamentale que nous devrions tous nous poser est la suivante : pourquoi les multinationales choisissent-elles de collaborer avec des autorités dont la légitimité est contestée ? Ces militaires, arrivés au pouvoir sans mandat populaire, sont illégitimes pour gérer des ressources aussi stratégiques que les mines. Ils n’agissent pas dans l’intérêt du peuple, mais souvent dans celui de groupes économiques et politiques qui profitent de cette situation. Comme l’a souligné Kaou, l’exploitation minière illustre parfaitement cette injustice. Les populations locales ont… Lire la suite

BAMCE
BAMCE
23 octobre 2025 11:52

Bonjour Youssouf Bangoura, J’ai l’impression et je trouve qu’il y a plus de comm et de propagande de la part de la junte autour du projet SIMANDOU qu’il ne rapporte à la Guinée. C’est un projet très mal ficeller à mon avis. Cependant, DOUMBOUYA et son entourage n’ont pas la capacité (intellectuelle) de gérer un tel projet. C’est dommage pour la Guinée qui ne va pas profiter… Si bien que, je doute par le seul fait du projet SIMANDOU que la crédibilité économique de la Guinée soit rehausser. Outre cela, Standard & Poor’s et Moody’s, sont les plus grandes agences… Lire la suite

Tag
Tag
22 octobre 2025 23:48

L’interpretation de Mr Guirassy me rappelle Alpha Conde qui vendait aux guineens le program PPTE (Pays Pauvres Tres Endettes) comme une victoire economique majeure dont il fallait etre fier. Le plus important ici est surtout de savoir que cette note est attribuee a l’Eat guineen en tant qu’entite et non pas a la Guinee et a son economie. Et cela est naturellement du au lancement du projet Simandou comme le dit Mr Guirassy, mais contrairement a ce qu’il dit, c’est presqu’uniquement pour cette raison-la prace que le fait est que les projets miniers ont tendance a se poursuivre meme s’il… Lire la suite

Kaou Labe
Kaou Labe
22 octobre 2025 13:11

Simandou :
 » De la poussière et des cours d’eau pollues pour les Populations  » .

Mais c’est bon pour L’IMAGE ECONOMIQUE de la Guinée !

AH OUI ??!!

Youssouf Bangoura
Youssouf Bangoura
22 octobre 2025 12:01

BMCE, non, elle est très très crédible cette agence de notation, entre nous, il faut qu’on se dise la vérité, le projet Simandou avantage beaucoup et beaucoup les putschistes au pouvoir sur le plan économique international . Pour la première fois que je vois les Sénégalais s’énerver en se comparant à nous sur le plan économique car, leur pays a une très mauvaise notation . Il faut noter que le taux la dette publique guinéenne se situe entre 33 à 35 % du PIB alors que le Sénégal est à 120 % du PIB d’oû sa mauvaise notation . Simandou,… Lire la suite

Tiekourani
Tiekourani
21 octobre 2025 13:26

Article d’un e*ro à la recherche de sa pitance.

BAMCE
BAMCE
21 octobre 2025 06:36

Du n’importe quoi, la propagande continue, cette agence de notation n’est pas sérieuse, on ne peut pas attribué une note à un Etat défaillant avec une mafia à la tête du pays. Si on vérifie, la junte à acheter cette notation à coup de milliards….

AOT DIALLO
AOT DIALLO
20 octobre 2025 19:32

Merci pour votre publi-reportage Mr Guirassy. Il ne manque plus que votre C.V. pour le roster presidentiel – le remaniment ministeriel aiguise les appetits… 🙂