Portrait d’un séjour en Guinée

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Évaluation de l'article

Après un séjour bien mérité en Guinée, me voilà enfin de retour aux USA ! J’avoue que ce voyage en Guinée m’a inculqué pas mal de choses. En effet, cette visite me permit de distinguer que la  Guinée, telle que décrite dans les milieux politiques et les medias  Guinéens, serait loin d’être conforme aux réalités de terrain. En d’autres termes, il y aurait bel et bien, d’un côté, une Guinée originelle, celle que j’appellerais la « Guinée authentique » ; et de l’autre, une Guinée imaginaire, celle que j’appellerais la « Guinée politisée et médiatisée »…

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La Guinée authentique, dont il s’agissait ici, est celle où les populations vaquaient librement à leurs occupations. Dans cette Guinée, l’appartenance ethnique ou régionale n’avait pas de couleur. Bref, c’était la Guinée dans sa dimension plurielle. Et c’est elle qui dominait la vie de la nation. Cette Guinée, on la ressentait partout ; dans les mosquées, les foyers, les marchés, les rues, et même dans les services de l’administration publique et privée. Par contre, la Guinée imaginaire était cette autre qu’on nous fabriquait du jour au jour. Cette dernière, on la retrouvait le plus souvent dans les medias et au niveau des QG des partis politiques. Là, les débats seraient centrés autour de deux choses principales : le pouvoir et l’ethnie. Et c’était cette Guinée circonstancielle qu’on essayait de nous vendre en dehors des frontières. Pourtant, elle était fabuleuse, et donc loin de la réalité. D’ailleurs, c’était à travers elle, qu’on nous faisait croire que les  Guinéens ne se parlaient plus entre eux ! Qu’entre Peuls et Malinkés, c’est l’adversité absolue ; qu’en Guinée, c’est la dictature sanglante qui sévirait. Plus grave, et par la faute de l’élite politique et religieuse, cette « Guinée imaginaire » semblait prendre le dessus sur la « Guinée authentique » qui faisait la fierté de mon enfance. Dans cette « Guinée authentique », les cérémonies religieuses étaient célébrées dans la diversité ethnique du pays, les activités sportives et culturelles magnifiées sans couleur ethnique ou régionale. Dans cette Guinée vraie, les jeunes montaient et descendaient ensemble dans les quartiers, préparaient le thé ou « Ataya » dans la cohésion. N’en déplaise aux extrémistes de tout bord, j’ose affirmer que cette « Guinée authentique » existe et elle existera toujours !

 

Le but de cet article est de relater les faits tels que vécus durant mon séjour en Guinée. Mais avant, je rappelle cette citation du célèbre Marcus Aurelius qui disait que « tout ce que nous entendons est une opinion, pas un fait. Tout ce que nous voyons est une perspective, pas la vérité ». Durant mon séjour, j’ai entendu des opinions qui ne pourraient être considérées comme des faits ; et j’ai vu des perspectives qui ne pourraient êtres considérées comme la vérité. C’est pourquoi, dans cet article, je ne cherche point à établir un fait ou une vérité. Et j’espère que les lecteurs tiendront compte et respecteront mes opinions tout en suscitant un débat d’idées à la hauteur des attentes.

 

Ma première surprise – Les services de l’aéroport de Gbessia Conakry

L’avion d’Air France qui nous transportait de Paris à Conakry, via Nouakchott, était à moitié rempli de passagers. Après l’escale de Nouakchott, le nombre de passagers pour Conakry était très réduit. On n’était pas plus de quatre passagers dans la section « Business ». Dans la section « Economy », le nombre de sièges vides dépassaient largement ceux occupés par des passagers. Est-ce la peur d’Ebola ? J’en suis certain ! Près d’une heure de vol après, nous voilà enfin à Conakry. Nous venions juste d’atterrir à l’aéroport de Gbessia. Certes, il était petit et le nombre d’avions présents sur le tarmac était très insignifiant comparé à d’autres dans la sous-région. Ma première surprise fut l’accueil à la descente de l’avion. Les services de l’aéroport étaient au point. Il y avait un traitement spécial pour les passagers de « Business class », et un respect absolu pour les autres. Le professionnalisme des services de l’immigration, et des agents de la sécurité était à la hauteur des attentes. L’aéroport était aussi propre au mieux de ses moyens. Après une trentaine de minutes d’attente, on m’informa que mes deux valises n’étaient pas à bord de l’avion. On m’indiquait ainsi un petit bureau au sein même de l’aéroport où je devais faire une réclamation concernant mes bagages. Avec un reçu en main, je quittais l’aéroport un peu nerveux. Le lendemain, il devait y avoir un vol d’Air France. Il était 18H quand mon téléphone sonna ! On m’informa que mes deux valises étaient arrivées. A ma grande surprise, on me disait aussi que mes valises pouvaient êtres délivrées à mon domicile. A peine 2H après, et grâce au service efficace de l’aéroport, me voilà en possession de mes valises. Qui l’aurait cru ?

 

Conakry, dans sa diversité, est devenue une grande métropole en chantier

Malgré les dispositions prises par la police routière, les embouteillages étaient devenus un casse-tête. Le manque d’infrastructures routières et le non respect des consignes de la police par certains conducteurs de taxis posaient un grand problème aux usagers, surtout aux heures de pointe. Malgré les efforts des autorités gouvernementales, Conakry restait une ville quasiment sale. Par contre, les grandes infrastructures immobilières en chantier étaient visibles partout à Conakry. Des immeubles modernes poussaient çà et là, en toute vitesse. L’extension de l’autoroute 2×2 jusqu'à Coyah, le lancement de Kaleta suscitaient des projets porteurs d’espoir. L’éclairage public sur l’autoroute et sur la route de Prince était une évidence ; même si le nombre de panneaux solaires par lampe et la distance entre les poteaux semblaient êtres un peu hors norme.

 

La multitude d’établissements scolaires privés dans la capitale et dans les grandes villes pourrait être considérée comme de l’anarchie dans ce secteur. En plus, à part les quelques cliniques médicales et pharmacies privées, le secteur informel dominait largement le formel. Le manque d’entreprises dans le secteur formel contribuerait largement au chômage des jeunes diplômés. Le gouvernement devrait se pencher là-dessus pour encourager l’entreprenariat des jeunes et la création d’un secteur formel dynamique. Le peu d’entreprises qui évoluaient dans le secteur formel appartiendraient généralement à des étrangers. L’obtention d’une simplement Immatriculation fiscale couterait près de deux milles dollars USA. La constitution d’une simple SARL pourrait avoisiner les trois milles dollars USA. Les banques de la place prêteraient rarement et difficilement ; à des taux très élevés. Bref, toutes les conditions seraient réunies pour empêcher le décollage du secteur formel sans lequel il n’y aurait jamais de développement proprement dit.

 

A part l’administration publique, les banques primaires seraient les principaux employeurs. La présence massive de banques d’origine nigériane confirmerait le rang de leader économique de ce pays frère dans le continent. Généralement, les services clientèle dans les établissements bancaires étaient appréciables ; même si le nombre de guichets restait insignifiant par endroits. Ce qui le plus souvent créait un long fil d’attente des clients ; surtout quand ça coïncidait à la période salariale des fonctionnaires de l’Etat.

 

Au niveau des départements ministériels, les fonctionnaires arrivaient au compte-gouttes entre 8H et 11H, pour ensuite quitter, le plus souvent, dès après la prière de 14H. On les entendait souvent dire qu’ils viendraient juste pour faire acte de présence. Ils disaient à qui voulait l’entendre que leur salaire mensuel serait insignifiant ; et donc il fallait qu’ils aillent se débrouiller ailleurs. Par contre, contrairement à ce que nous faisaient croire nos hommes politiques à travers les medias, c’était la Guinée dans sa diversité ethnique qu’on retrouvait partout et à tous les niveaux de responsabilité de l’administration publique. J’avais eu l’occasion de rencontrer des ministres et hauts cadres de l’Etat avec toute l’attention et la considération. A aucun moment, je n’avais senti une discrimination ou une méfiance. De même, j’avais constaté que le « sanakhouya » existait toujours entre les différentes composantes du pays. Partout, et à plusieurs occasions, j’avais vu des gens échanger dans la fraternité traditionnelle. Bref, les tensions ethniques n’y étaient pas au rendez-vous ! C’était le même constat dans les quartiers de Conakry et certaines villes de l’intérieur que j’avais visité.

 

Le manque d’eau dans certains quartiers de Conakry, et le déficit en véhicules de transport public restaient un grand défi à relever. Le train et le nombre de bus par tronçon étaient très insignifiants par rapport à la demande des citoyens. Même si le lancement de Kaleta aurait atténué les désertes d’électricité, le manque d’eau dans les robinets posait un grand problème. Partout, on voyait des femmes alignées, bidons en mains, à la recherche de l’eau. Les nouveaux camions citernes qui seraient mis à la disposition de la SEG se voyaient rarement dans les quartiers démunis. Mais, là aussi, il serait important de noter que ces femmes et enfants à la recherche de l’eau étaient issus de toutes les composantes ethniques du pays. Donc, c’était un mal commun sans distinction !

 

La restructuration de l’armée serait une réalité. Les militaires en uniforme se faisaient rares dans les rues et bars des quartiers. La gendarmerie et la police semblaient finalement jouer leur rôle qui, jadis, était confié à l’armée sous le régime militaire. J’avais eu l’occasion de sillonner quelques camps militaires et quelques escadrons de la gendarmerie. Partout, la discipline et le respect de la hiérarchie étaient de mise. Le niveau intellectuel de nouvelles recrues au sein de la gendarmerie et de la police serait beaucoup plus appréciable que les régimes précédents. Le peu d’officiers de l’armée, de la gendarmerie, et de la police que j’avais rencontrés étaient généralement très républicains au sens réel du terme. Ils maitriseraient parfaitement leur rôle dans la marche de la République.

 

Au niveau de la justice et du garde des sceaux, les choses semblaient être au point par rapport aux régimes précédents. En tout cas, de toutes les structures administratives que j’avais eu l’occasion de visiter, l’optimisme semblait être plus grand à ce niveau. Par contre, les bâtiments faisant office de tribunaux, aussi bien à Conakry qu’à l’intérieur du pays, seraient dans un mauvais état. Ces bâtiments devraient être réfectionnés pour donner une belle image à cette structure nouvellement érigée en ministère d’Etat.

 

La liberté de la presse était une évidence, même si quelque part nos hommes de medias n’auraient pas la formation requise pour jouer pleinement leur rôle. Beaucoup d’animateurs seraient des journalistes par accident. Les débats et les articles de presse seraient généralement personnalisés en violation flagrante de la déontologie. La HAC semblait jouer son rôle, mais ses positions seraient interprétées comme partiales par certains organes de la presse. Cette institution d’une importance capitale pour l’instauration de la vraie démocratie en Guinée devrait travailler pour apporter la confiance et la transparence entre elle et ces organes proprement dits. Elle doit rassurer tous qu’elle est au-dessus de la mêlée.

 

La vie politique du pays serait devenue un danger imminent pour la quiétude

Contrairement aux autres domaines d’activités de la nation, où l’on retrouvait la Guinée dans sa diversité ethnique, au sein des partis politiques, les proportions ethniques au niveau des militants seraient loin d’être le cas. J’avais eu l’occasion de compulser à plusieurs reprises les assemblées générales des principaux partis du paysage politique. Le constat était que, pratiquement, la Guinée ne compterait que deux grands partis politiques ; à savoir le RPG Arc-en-ciel et l’UFDG. Les autres partis n’existeraient qu’à travers les medias. En dehors de quelques sympathisants, ces partis n’auraient presque pas de militants. Ainsi, pour économiser quelques lignes, on ne parlera que du RPG Arc-en-ciel et de l’UFDG.

 

Le cas de l’UFDG

A l’UFDG, l’engagement des militants semblait être au ralenti. On sentait une démotivation au niveau des militants et des structures du parti. Ici, tout tournerait autour du président du parti. J’avais assisté aux réunions hebdomadaires du vendredi entre les responsables des différentes structures du parti. Même si l’intervention du président du parti était d’une éloquence à la « Obama », il faut tout de même l’avouer, que le compte-rendu des différentes structures du parti n’était pas à la hauteur des attentes. En effet, il n’y avait pas de débat ouvert, mais plutôt une succession de lamentations qui n’ajoutaient rien de positif à la vie du parti. C’était aussi la même chose lors des assemblées hebdomadaires du samedi. Autre remarque très importante serait qu’aucun grand commerçant et haut cadre de l’administration publique ou privée n’étaient présent lors de ces assemblées hebdomadaires. Le peu de cadres qui y étaient seraient des fonctionnaires à la retraite. En plus, à chaque fois que le président du parti était hors de Conakry, les militants et responsables des différentes structures ne venaient pas en grand nombre pour assister aux assemblées hebdomadaires du parti. A vrai dire, l’heure à l’UFDG ne ressemblait pas à une année électorale. Pourtant, la date du premier tour de l’élection présidentielle était bien connue à l’UFDG : c’est le 11 octobre 2015. A l’UFDG, il semblerait qu’il n’y avait aucune stratégie réelle pour affronter cette élection. Déjà, on criait partout que l’élection serait déjà perdue d’avance. Une très belle manière de démotiver ses propres militants à l’approche d’une élection aussi importante !

 

Autre fait qui aurait attiré mon attention à première vue : à l’entrée principale du siège du parti à la CBG, il était écrit en lettres capitales ce qui suit : « BIENVENUS A L’UFDG. WELCOM ». Que fait la cellule de communication de ce grand parti à vouloir négliger une telle gravité ? Serait-ce une erreur de dire que ce parti est devenu un mouvement de masse sans … ? Espérons que le congrès du parti qui pointe fera bouger les choses !

 

Le cas du RPG Arc-en-ciel

Contrairement à l’UFDG, l’appartenance ethnique des militants du RPG Arc-en-ciel semblait plus diversifiée. Effet des alliances ou moyens financiers ? Rien n’est moins sûr ! Certes, au niveau de tous les partis, les proportions des militants issus de la région d’origine du leader seraient nettement supérieures à celles des ressortissants des autres régions. Par contre, il semblerait qu’au fil du temps, le RPG Arc-en-ciel ait pu se débrouiller pour que le parti soit plus divers ethniquement. On y retrouve pratiquement des militants et sympathisants issus de toutes les régions et en des proportions très confortables. Ici, les militants étaient plus engagés et l’optimisme plus élevé quant à une victoire de leur parti aux prochaines échéances électorales. Sans cesse, on magnifiait le bilan du président de la République. A première vue, on sentait que le parti avait les moyens de sa politique. Il y avait plus de sérieux dans les débats, même si par endroits l’arrogance et les propagandes se faisaient sentir. Ici, rien ne semblait être pris à la légère pour s’assurer d’une victoire à l’élection présidentielle de cette année. Contrairement à l’UFDG, ce parti semblait reconnaitre la force de mobilisation de son adversaire potentiel. Une très belle façon de motiver ses propres militants à se faire enrôler dans le fichier électoral. Au RPG, l’atmosphère était conforme à une année électorale. Les mouvements de soutien se multipliaient au rythme du temps. Le parti communiquerait mieux que son adversaire. Et c’est tant mieux…

 

Conclusion

La Guinée vient de loin et un long chemin reste à parcourir. Nos problèmes seraient loin d’être liés à celui d’un homme à la tête de l’exécutif. Nous avons un système pourri qui doit impérativement être remplacé. Ce système, puisqu’entretenu par l’élite politique et religieuse du pays, ne sera pas facile à changer. Il nous faut donc du temps et une prise de conscience de tous les citoyens. La première chose à faire serait de rassurer toutes les composantes du pays que la Guinée est un bien commun.

 

Certes, les tensions politiques et je dirais même religieuses existent par endroits. Les conséquences d’Ebola se font sentir aussi bien économiquement que socialement. Mais rappelons-nous qu’aucune œuvre humaine n’est parfaite. Le constat serait que, lentement et surement, la Guinée avance sur bien des domaines. Qu’elles soient politiques ou pas, les récentes tournées du président de la République à l’intérieur du pays, et les messages d’unité véhiculés çà et là seraient de nature à apaiser les tensions politiques. Et c’est d’ailleurs le rôle d’un président de la République. Il suffirait alors de joindre l’acte à la parole en mettant en place un gouvernement de large ouverture qui tiendrait compte de toutes les sensibilités régionales du pays, et à des proportions appréciables.

 

Enfin, il faut noter que la popularité du président de la République semblait être réelle dans une large mesure. Les infrastructures immobilières et routières enclenchées, le lancement de Kaleta, l’éclairage public, les mouvements de soutien, et la communication autour du bilan de son quinquennat semblaient bien porter fruit. Il serait naïf de la part de l’opposition de négliger cette évidence. D’ailleurs, ne serait-il pas trop tard pour l’opposition de contrecarrer cet élan de la mouvance présidentielle à quelques mois seulement de la date fatidique du 11 octobre… ? Espérons que le dialogue politique enclenché portera fruit à la satisfaction de tous.

 

A bon entendeur salut !

 

Ramadan Moubarak.

 

D’ici là, merci de contribuer au débat.

 

A Aziz Bah

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