Que s’est-il donc passé à Ouagadougou ?

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Évaluation de l'article

« En politique, rien n'arrive par hasard. Chaque fois qu'un événement survient, on peut être certain qu'il avait été prévu pour se dérouler ainsi », disait Franklin Delano Roosevelt.

Suite à l’annonce surprise d’une probable alliance entre l’UFDG et les FPDD, l’actualité politique guinéenne reste dominée par l’inculpation de l’ancien patron du CNDD devenu, par le hasard des temps, président des FPDD. Cette inculpation, qui devrait être un non-événement, puisqu’étant une suite logique d’un dossier judiciaire vieux de plus de cinq ans, aurait été vite récupérée par l’UFDG pour, dirait le camp adverse, en faire un marchandage politique…

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En effet, les récentes sorties de l’élite Ufdgiste concernant cette inculpation donneraient la chair de poule tellement la naïveté politique était palpable dans les arguments avancés. Nul ne doute qu’au-delà de l’aspect moral de l’équation posée, le contexte politique actuel de la Guinée ne serait pas à l’avantage de l’UFDG ; surtout quand on se réfère à l’histoire politique récente de la Guinée. Nul besoin de rappeler que l’affaire du massacre du 28 septembre 2009 est une patate chaude que tout homme politique, même affamé et irréfléchi, éviterait de toucher ; à plus forte raison de l’avaler. De ce point de vue, on pourrait se demander ce qui a poussé le président de l’UFDG d’initier un tel projet d’alliance sans un débat préalable à l’interne du parti ? Autrement, que s’est-il donc passé à Abidjan pour susciter une telle rencontre informelle à Ouagadougou ?

 

Même s’il est difficile de répondre à ces questions à la place de l’UFDG, un petit coup d’œil sur la succession des événements qui ont eu lieu avant et après cette rencontre de Ouagadougou pourrait nous édifier. Les experts nous enseignent qu’en politique, même si le destin est permis, il faut écarter le hasard puisque tout se planifie à l’avance. Mais avant, je demande aux lecteurs d’accepter la pluralité d’opinions sur un sujet aussi important, et qui pourrait même avoir un impact sur le rayonnement de la vérité dans cette affaire du massacre du 28 septembre 2009. Voyons !

Le RPG Arc-en-ciel serait-il le vrai géniteur des FPDD ?

Certes, en Guinée, chaque citoyen a le droit de créer un parti politique pourvu qu’il remplisse toutes les conditions dictées par la loi. Je suis de ceux qui pensent que les ambitions politiques du président des FPDD sont juridiquement bien valables. D’ailleurs, là n’est point le problème ! La question qu’on devrait se poser est de savoir pourquoi les FPDD ont pu facilement décrocher l’agrément de leur parti ; contrairement à d’autres, comme le Bloc libéral (BL), nés sous la présidence du RPG Arc-en-ciel ? Pourquoi le richissime homme d’affaires exilé à Dakar tenterait d’obtenir sans succès, et cela depuis près de trois ans, l’agrément de son parti politique dénommé Alliance nationale pour le développement et la solidarité (ANDS) ? C’est pour toutes ces raisons qu’il n’est pas exclu qu’on se demande si les FPDD ne seraient pas en train de faire le jeu de son possible géniteur qui ne serait autre que le RPG Arc-en-ciel. A moins que les FPDD ne changent de camp à la dernière minute, il est impensable que le pouvoir de Conakry puisse accepter qu’un parti, de surcroit dirigé par l’ancien homme fort du CNDD, soit agréé pour militer dans l’opposition. Rappelons que le président des FPDD, depuis son exil, aurait toujours soutenu le régime de Conakry ; et cela depuis l’élection présidentielle de 2010 en passant par les législatives de 2013. A ce que je sache, il n’y a pas eu d’incident majeur connu du grand public entre le président des FPDD et l’actuel homme fort de Conakry. Evidement, il se peut que, quelque part, des promesses n’aient pas été tenues ! Mais politiquement cela ne devrait en aucun cas pousser le président des FPDD à se démarquer si facilement de son ancien allié ; à un moment où il aurait besoin de ce dernier pour atténuer les pressions concernant les événements du 28 septembre 2009. D’où mes réserves quant à la sincérité de cette main tendue à l’UFDG.

 

En toute logique, la succession des événements concernant les FPDD a été trop rapide pour écarter une possible main cachée du pouvoir de Conakry. En effet, la marche sans incident des femmes à N’Zérékoré pour réclamer le retour de l’ancien homme fort du CNDD, la démission de ce dernier de l’armée, sa cooptation surprise à la tête des FPDD, l’annonce de son retour au bercail, sa main tendue à l’UFDG, et la médiatisation à grande pompe de ces événements, devraient donner à réfléchir ; surtout quand on sait que l’actuel l’homme fort de Conakry est loin d’être un nain politique. Rappelons que tous les collaborateurs qui seraient restés fidèles à l’ancien homme fort du CNDD seraient du côté de la mouvance présidentielle, sans compter une grande partie de sa base électorale. Par conséquent, le président des FPDD, une fois à Conakry, aurait-il l’audace de défier tous ceux-ci pour honorer ses engagements envers l’UFDG ? D’aucuns me diront pourquoi pas ; puisque les patrons du PEDN, du GRUP et du RDIG qui semblent aujourd’hui prendre leur distance de l’homme fort de Conakry, étaient aussi de la mouvance présidentielle. Bingo ! Mais est-ce que la situation du président des FPDD est logiquement comparable à ces derniers ? J’en doute ; mais seul l’avenir nous le prouvera ! En tout cas, la sagesse nous enseigne qu’il serait plus facile de se réconcilier avec un ancien allié que de former une nouvelle alliance avec un ancien ennemi. C’est d’ailleurs pour cette raison que les adeptes n’ont pas tardé à qualifier cette intention d’alliance entre l’UFDG et les FPDD de contre nature. C’est comme si l’Angleterre s’alliait à la Russie pour combattre les Etats-Unis d’Amérique. En tout cas, cette affaire d’alliance entre l’UFDG et les FPDD, suivie par l’inculpation du président des FPDD, semble profiter mieux au RPG Arc-en-ciel dans la mesure où elle occuperait aujourd’hui les esprits de tous les Guinéens et fait oublier toutes les autres préoccupations essentielles de l’élection présidentielle. En attendant, le 11 octobre 2015 c’est demain !

Une alliance prématurée avec les FPDD pourrait réduire la marge de manœuvre de l’UFDG en cas de deuxième tour à la présidentielle

Je me demande toujours le bien-fondé de cette intention de nouer une alliance anticipée entre l’UFDG et les FPDD ; surtout que les deux partis ont tous les deux formulé leur volonté d’êtres candidats à l’élection présidentielle de cette année. Alors, la question logique qu’on devrait se poser est de savoir quels seraient les contours de cette alliance puisque personne ne connait le poids réel des FPDD ; contrairement à l’UFDG qui a déjà prouvé sa suprématie au sein du marigot politique guinéen. Vont-ils se limiter à dire qu’en cas de deuxième tour, tel parti soutiendrait tel autre ? A moins que l’UFDG ne mette la charrue avant les bœufs, on pourrait répondre oui à cette dernière; puisque logiquement une vraie alliance se fait en tenant compte du poids politique réel issu des urnes de chaque parti. Et comme les FPDD n’ont jamais participé à une élection, il serait une nouveauté unique à la Guinée que si l’UFDG octroyait une garantie quelconque aux FPDD avant le premier tour de l’élection présidentielle. Sans doute, et si elle est sincère, les FPDD exigeraient le maximum de compromis dans cette alliance avec l’UFDG. Par conséquent, qu’est ce que l’UFDG aurait à proposer aux autres partis qui auront plus de voix que les FPDD au lendemain du premier tour ?

 

Les alliances prématurées n’arrangeraient en rien l’UFDG. Qu’on les initie maintenant ou pas, les alliances électorales se formeront sans doute en cas de deuxième tour. Le seul combat que l’UFDG devrait mener était l’obtention d’un fichier électoral et d’une cartographie fiables. Mais hélas ; puisque le moment ne serait plus opportun pour parler de la fiabilité du fichier électoral. En analysant les résultats du dernier recensement de la CENI, et en décortiquant les arguments de la mouvance présidentielle, on pourrait se permettre de conclure que l’objectif final serait de forcer l’opposition au boycott électoral. D’ailleurs, il se murmurait dans les secrets de la mouvance présidentielle qu’aucune loi électorale n’exige la participation ou non d’un parti à une élection. De même, aucun parti ne peut empêcher la tenue d’une élection, dirait-on. Par conséquent, puisqu’elle est devant le fait accompli, l’opposition ne pourrait que décider de sa participation ou non à l’élection présidentielle. Notons que le leader de l’UFR, l’autre poids lourd de cette opposition, aurait déjà formulé des doutes quant à sa participation à cette échéance électorale dans ces conditions.

L’inculpation du président des FPDD serait-il une dernière étape de son acquittement pur et simple par la justice guinéenne ?

L’attitude de l’élite Ufdgiste par rapport à cette inculpation continue de défrayer la chronique. Après ses gaffes qui ont suivi l’annonce du projet d’alliance avec les FPDD, l’UFDG avait l’occasion cette fois-ci de prouver qu’au-delà des politiques, la justice a l’ultime obligation de faire indépendamment son travail. En d’autres termes, à défaut d’apprécier l’inculpation de son probable allié, l’UFDG devrait tout simplement prendre acte de la décision et mettre la justice devant ses responsabilités. Par contre, en s’attaquant à une décision de justice qui, de surcroit, est une suite logique d’une procédure judiciaire aussi compliquée que les événements du 28 septembre 2009, l’UFDG aurait donc influencé les étapes suivantes de cette procédure tant attendue. D’ailleurs, on se demande si cette réaction de l’élite Ufdgiste n’était pas le fruit d’une confusion entre ces deux notions judicaires: inculpation et culpabilité. La seconde est une conséquence de la première ; même si la première ne conduit pas nécessairement à la seconde. D’ailleurs, dans toute procédure judiciaire, l’inculpation d’un accusé est un préalable pour soit aboutir à une culpabilité ou à un acquittement. Dans ce cas ci, le président des FPDD et son avocat seraient tous d’accord sur son inculpation. En d’autres termes, ils écarteraient toute manipulation de la justice à des fins politiques ; comme pour dire que l’UFDG serait allée un peu loin en dénonçant un acte judiciaire qui suivrait sa procédure normale. Avec une telle prise de position prématurée, que ferait l’UFDG si demain, cette même justice guinéenne, décidée à en finir avec cette affaire du 28 septembre (elle n’a pas le choix), acquittait le président des FPDD ? Il est évident, qu’à l’heure où nous sommes, on peut se permettre de dire qu’avec ou sans une alliance avec l’UFDG, le président des FPDD aurait une grande chance de se tirer d’affaire dans cette bataille judiciaire qui pointe. A défaut d’un acquittement, le président des FPDD pourrait tranquillement rentrer à Conakry pour finalement servir son vrai sauveur. Ainsi, l’UFDG n’aurait que les yeux pour pleurer ! Rappelons qu’à travers une conférence de presse tenue la semaine dernière, le gouvernement venait de donner son feu vert au président des FPDD pour rentrer en Guinée afin de bien préparer sa défense. Et si tout ceci est une manigance de l’homme fort de Conakry, alors on pourrait conclure que quarante ans d’expérience politique peuvent bien faire une différence dans pareille situation. Et c’est tant pis pour les nains politiques !

 

Je terminerai en rappelant cette citation célèbre de Martin Luther King Jr. « ce qui m'effraie, ce n'est pas l'oppression des méchants ; c'est l'indifférence des bons ». Et c’est pourquoi, je reste et demeure solidaire aux « vraies » victimes du 28 septembre 2009.

A bon entendeur salut !

D’ici là, merci de contribuer au débat.

A Aziz Bah

 

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