Retrait de Rio Tinto du Simandou – Et après ?

Aziz Bah
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Évaluation de l'article

Aziz BahLe moment ne serait pas aussi grave qu’on ne l’imagine. Les émotions doivent laisser place à la raison. Il serait plus catastrophique pour la Guinée de traiter Rio Tinto comme étant un antagoniste dans cette affaire. Avant tout, il y a des accords bien établis qui lient tous les protagonistes dans ce projet. Et la Guinée et tous les protagonistes doivent s’y soumettre en les respectant et les faire respecter scrupuleusement.

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Je viens de lire un document d’un ancien ministre des mines largement distribué à travers des sites guinéens. Loin de moi la prétention de nier le parcours professionnel de ce cadre dans le secteur bancaire aux Etats-Unis, il ne peut prétendre être un expert sur les questions des mines ! Le fait d’être ancien ministre des mines ne fait pas de lui un expert dans ce domaine. Certes, il semble avoir un intérêt particulier à ce secteur, et il aurait même tissé des relations privilégiées avec certaines multinationales qui y évoluent. J’ai bien parcouru le contenu de son document paru sur certains sites guinéens. Je remercie l’auteur pour son sentiment patriotique démontré à travers le document. Par contre, je ne suis pas d’accord avec les conseils prodigués dans le document. Et franchement, je n’y vois que des conseils qui contrediraient les accords qui lient la Guinée aux différents protagonistes dans le projet Simandou ; même si l’auteur prétend que la Guinée aurait à faire avec des antagonistes dans cette affaire. En effet, contrairement aux conseils avancés par l’auteur, je ne pense pas que la Guinée puisse exiger de Rio Tinto, ou à un des protagonistes, une rétrocession sans contrepartie de son actif. De même, la Guinée ne pourrait pas dicter ou s’opposer si Rio Tinto ou un des protagonistes décidait de faire une cession de son actif à une nouvelle multinationale. D’ailleurs, il serait naïf de comparer le scénario BHP dans Boffa à celui de Rio Tinto dans le Simandou ; puisque les dispositions contractuelles entre ces deux mégaprojets seraient loin d’êtres identiques.

La question essentielle que les Guinéens devraient se poser est de savoir si la Guinée avait bien défendu ses intérêts dans ledit contrat. Et c’est là où le bas blaise surtout quand on sait qu’en Guinée, les intérêts personnels ont toujours diligentés l’avenir du pays. Souvent, les hommes qui négocient nos contrats miniers et autres projets majeurs seraient plus soucieux des pots de vin que de l’avenir du pays. En plus de leur opportunisme, nos hommes n’ont malheureusement pas les compétences requises pour traiter des questions sur la table. Il n’est un secret pour personne que nos gouvernants sont malheureusement coptés par affinité aux dépens des compétences. Après Getma, BHP, BSGR et Vale, Rio Tinto vient de mettre la Guinée devant le fait accompli par la faute de nos représentants et décideurs au tour de la table des négociations. D’ailleurs, et devant une telle situation, que va faire Bolloré qui aurait un espoir caché de voir les mines guinéennes passer par le Port de Conakry ?

On ne peut pas développer un pays par tâtonnement. De même, on ne peut pas espérer d’un miracle en plébiscitant des juniors à des hautes responsabilités au sein de l’exécutif. La Guinée ne pourra point se développer en misant sur des éléphants blancs. Le développement durable se forge à la base. Et oui, un retrait de Rio Tinto du Simandou n’est pas une fin de parcours pour la Guinée. J’ai toujours dit que le gouvernement ne devait jamais participer à un projet de développement majeur si son actif dans ledit projet n’atteint pas les 30% au minimum. Avec 5% seulement dans le projet de Simandou, il était évident que les protagonistes n’auraient aucune considération pour la Guinée. Avec ce retrait de Rio du Simandou, la Guinée a une ultime occasion de réévaluer ses stratégies concernant ses projets miniers. Il vaut mieux de geler les projets dans l’oubliette si la Guinée n’a pas les moyens de participer à hauteur de 30% au minimum. Ce qui semble être de l’ordre de l’impossible aujourd’hui, sera sans doute une possibilité demain. D’ailleurs, l’avenir d’un pays s’évalue en termes de générations. Il suffit que chaque génération fasse ce qui lui incombe pour réaliser l’impossible. Le gouvernement Condé n’a pas pour le moment les ressources nécessaires pour faire profiter aux guinéens les mines du Simandou. Il faut penser à d’autres stratégies de développement durable et laisser Simandou à la future génération. On entend chaque jour des décrets nommant des gens à des responsabilités au sein de l’exécutif.  Il faut mettre fin à ces nominations par effraction ; et pour une fois miser sur les hommes qu’il faut à la place qu’il faut. Ainsi, et seulement ainsi, que la Guinée pourrait espérer à se mettre sur la voie d’un développement durable.

On ne peut pas vivre le présent dans le passé et espérer d’un futur radieux. Nos gouvernants doivent changer de stratégies sur toute la ligne pour que les choses bougent de façon positive. Aujourd’hui, nous assistons au scénario d’un « one man show » ; puisque le président de la république contrôle tout et veut tout contrôler. Il n’est un secret pour personne depuis 2010, que la Guinée serait devenue une république où cohabitent difficilement deux équipes gouvernementales : l’une officielle dirigée par un premier ministre coptée par mesure ; et l’autre officieuse lorgnée à Sekhoureya et seule détentrice du vrai pouvoir exécutif. Il faut immédiatement mettre fin à cette cacophonie au sein de l’exécutif pour que l’État puisse efficacement jouer son rôle.

Enfin, il faut que le Guinéen sache pour une fois, qu’il y’a une grande différence entre un lettré et un intellectuel. Le premier se forge sur les bancs de l’école ; et le second est le résultat d’une longue expérience pratique dans un domaine de la vie quotidienne. Ainsi, le fait d’avoir un diplôme universitaire n’est pas suffisant pour faire de quelqu’un un intellectuel. De même, le fait de ne pas fréquenter l’école ne signifie pas qu’on n’est pas intellectuel. Malheureusement qu’en Guinée, ce sont les lettrés qui nous ont le plus souvent dirigés, à la place des intellectuels. D’ailleurs, j’ai remarqué que nos intellectuels se trouvent en majorité du coté de Madina. En effet, nos hommes d’affaires, malgré qu’ils ne soient pas lettrés, sont les vrais intellectuels du pays. Contrairement aux hommes qui nous gouvernent, ces derniers connaissent bien d’où ils viennent, ou ils sont, là où ils veulent aller, et le chemin à suivre pour être là où il faut. C’est ça ma définition d’un intellectuel ! Malheureusement, à cause de l’effet de la globalisation, ces hommes d’affaires majoritairement illettrés ne pourraient pas efficacement nous représenter dans le pouvoir exécutif. Sinon…

Certes, la Guinée regorge de cadres à la fois lettrés et intellectuels qui peuvent honorablement nous représenter au sein du pouvoir exécutif. Par contre, les nominations par affinités font que ces hommes se retrouvent rarement et sont souvent en minorité dans les girons du pouvoir. Il faut immédiatement remédier à ceci. 

A bon entendeur salut !

D’ici là, merci de contribuer au débat.

 

Abdoulaye Aziz Bah

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