Simandou : comprendre pourquoi 15 % pour la Guinée est un acquis et non une perte (Par Yakouba Deva Konaté)

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Évaluation de l'article

Le débat autour des 15 % que détient l’État guinéen dans les structures liées à Simandou et plus précisément dans la Compagnie du TransGuinéen(CTG) occupe aujourd’hui une place centrale dans l’opinion publique. Pour comprendre ce pourcentage et ce qu’il représente réellement, il est nécessaire de revenir aux faits, d’examiner les mécanismes économiques en jeu, et d’analyser les chiffres avec lucidité.

REPLACER LES 15 % DANS LEUR CADRE JURIDIQUE ET ECONOMIQUE

Avant tout, il convient de rappeler que les 15 % détenus par la Guinée ne sont pas un chiffre arbitraire. Ils constituent à la fois une clé d’accès à la gouvernance, un levier de souveraineté et un droit de tirage sur les richesses future d’un gisement exceptionnel. Ainsi, ce pourcentage doit être lu à la lumière de trois paramètres fondamentaux, la structure d’investissement, la répartition des risques et la rentabilité projetée.

À ce titre, il importe de préciser que le Code minier guinéen prévoit une participation gratuite de 15 % de l’État dans toutes les sociétés minières. Cette disposition, automatique et non négociable, existait bien avant l’avènement du CNRD. Elle n’est donc ni une concession politique ni un signe de faiblesse, mais plutôt un fondement légal visant à garantir à l’État une présence institutionnelle au cœur de la gouvernance minière.

LA CREATION DE LA CTG, UNE RUPTURE STRATEGIQUE MAJEURE

Or, avant les réformes récentes, l’État n’avait aucun droit de propriété sur les infrastructures stratégiques de Simandou, ni sur le chemin de fer, ni sur le port minéralier. Ces installations devaient rester entièrement privées, appartenant pour 30 ans aux multinationales WCS (blocs 1 et 2) et Simfer/Rio Tinto (blocs 3 et 4).

C’est précisément pour corriger cette anomalie que la Compagnie du TransGuinéen (CTG) a été créée. L’État y détient désormais 15 % de participation sans apport financier, ce qui constitue une prouesse rare dans la structuration de projets miniers d’une telle envergure. Cette part lui offre un droit de regard stratégique, une voix dans la gouvernance, ainsi qu’une capacité réelle à orienter les infrastructures vers l’intérêt national, au-delà du seul projet Simandou.

Il s’agit donc d’une avancée structurelle, et non d’un recul. La CTG incarne un équilibre inédit entre souveraineté économique et attractivité pour les investisseurs, conformément aux standards internationaux des partenariats miniers.

POURQUOI 15 % EST UNE FORCE ET NON UNE FAIBLESSE

Il faut comprendre que dans l’industrie extractive, les États qui ne financent pas directement les phases lourdes, exploration, rail, port, installations, reçoivent rarement une part gratuite appelée free-carry.

Dans le cas de Simandou, la Guinée bénéficie ainsi de 15 % gratuits, alors que le coût global du projet oscille entre 20 et 25 milliards USD. Cette part permet à notre pays d’être présents dans le capital sans supporter les milliards de dollars de risques initiaux. C’est un atout décisif, l’État obtient une place dans un mégaprojet sans hypothéquer ses finances publiques.

Pour illustrer, 15 % de 20 milliards USD = 3 milliards USD de valeur potentielle et 15 % de 120 millions de tonnes à 100 USD/t = 1,8 milliard USD de valeur brute par an.

Et cela sans compter les royalties, impôts et dividendes.

LES BENEFICES POTENTIELS POUR LA GUINEE, UNE TRANSFORMATION A LONG TERME

Par conséquent, le véritable enjeu n’est pas le pourcentage en soi, mais ce qu’il peut rapporter. Les projections montrent que Simandou peut générer entre 800 millions et 1,5 milliard USD de recettes publiques annuelles, grâce aux royalties (3 à 3,5 %), à l’impôt sur les sociétés, aux redevances douanières et aux dividendes des 15 %.

À pleine capacité, la Guinée pourrait dépasser 1 milliard USD de recettes par an, un niveau jamais atteint dans son histoire minière.

Mais Simandou, c’est aussi un corridor de développement, zones industrielles, baisse des coûts logistiques, transformation locale (pellets, DRI, acier vert), 20 000 à 40 000 emplois directs et indirects, intégration de la bauxite, de l’or et de l’agriculture dans un réseau ferroviaire national.

Autrement dit, une infrastructure capable de redessiner la carte économique du pays.

POURQUOI LA COMPARAISON AVEC LA CBG EST ERRONEE

À ce stade, il est important de déconstruire un argument souvent avancé, « La Guinée avait 49 % dans la CBG, pourquoi seulement 15 % dans Simandou ? »

Cette comparaison est trompeuse pour trois raisons.

Primo, CBG = bauxite + infrastructures déjà existantes et Simandou = fer + rail + port, soit l’un des plus vastes projets miniers africains.

Comparer donc les deux, c’est comparer une voiture à un avion.

Secundo, la Guinée n’aurait jamais pu financer 5 % de Simandou, cela représenterait 1 milliard USD, incompatible avec la stabilité budgétaire nationale.

Tertio, les 49 % de la CBG n’ont jamais rapporté des dividendes proportionnels, en raison des amortissements, des marges faibles et des baisses de prix.

Ainsi, 15 % dans Simandou vaut bien plus que 49 % dans la CBG, en valeur absolue comme en perspective de long terme.

DES MUTATIONS STRUCTURELLES DANS LA CONDUITE DU PROJET

En parallèle, les autorités actuelles ont introduit des réformes qui ont profondément modifié le rythme et la structure du projet, remise en ordre du cadre contractuel, clarification des obligations des partenaires, structuration effective de la CTG, calendrier d’exécution ferme, intégration d’une vision d’avenir à travers Simandou 2040 (fonds souverain, industrialisation, transformation locale).

Ces éléments ont permis de débloquer un projet resté à l’arrêt pendant plus de deux décennies.

La question n’est donc pas pourquoi seulement 15 % ? La véritable question est comment transformer ces 15 % en 100 % de bénéfices pour la nation ?

Simandou est une opportunité générationnelle. Les chiffres parlent, l’histoire également. 15 % d’un projet structurant valent infiniment plus que 49 % d’un projet qui n’a jamais transformé l’économie.

Yakouba Deva KONATE

Spécialiste des questions minières, Partenariats Public-Privé & RSE

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Gandhi
Gandhi
6 décembre 2025 23:51

Oui Tiékourani, je suis entièrement d’accord avec vous. Dans un investissement, il faut être majoritaire car on investit pour gagner. Le Guinéen dépense pour consommer et met en garantie ses richesses. Par contre je pensais que vous aviez compris que les angbansanlés ont dégagé AC parce qu’ils veulent garder le pouvoir définitivement (AC a 80 ans, Doumbouya 40). Et comme nous sommes malheureusement dans un monde de violence où la loi du plus fort reprend officiellement ses lettres de noblesse, il va falloir malheureusement passer par la lutte armée, la seule manière de prendre le pouvoir en Guinée. Quant à… Lire la suite

BAMCE
BAMCE
21 novembre 2025 08:24

Nouveau scandale/détournement découvert 99 millions de dollars disparus des caisses dans le projet SIMANDOU.
Sans compter des 79 millions de dollars donnée par China Baowu Steel Group à DOUMBOUYA.

C’est révoltant et ça donne la rage,

Shams Deen
Shams Deen
20 novembre 2025 02:29

Tiekourani
Cest le code minier qui est à l’origine des 15% même si Alpha a été une déception au passage les moins nantis en papiers ont réussi 49% dans CBG.

AOT DIALLO
AOT DIALLO
19 novembre 2025 20:20

 » Si on gagnait 100 milliards qui sont distribues, beaucoup de Guinéens en profiteraient pour aller s’intaller au canada. C’est la Guinee « 

Gido Gine, tu as dit la verite-vraie la…

Kaou Labe
Kaou Labe
19 novembre 2025 17:32

Tiekourani,
ÉVIDEMMENT , MAGASSAOUBA MENT.

Tiekourani
Tiekourani
19 novembre 2025 14:02

Gido Gine, moi je me réfère toujours à l’actualité, c’est le ministre Magassouba sous le cnrd qui a dit: « Avant on avait 0% donc 0 francs. On a négocié et on a réussi a avoir 15% des rails, du port, des mines ».

Giɗo Gine
Giɗo Gine
18 novembre 2025 20:17

@Tiekourani, N’oublions pas que c’est Alpha qui a obtenu ces 15% donc meme s’il était reste au pouvoir, le deal allait être le meme. Rio Tinto et ses partenaires ont mis en place un deal, ont cherche les financements en mettant peut être 20 a 30% de leurs propres fonds et ont réussi a convaincre les Guinéens qu’ils doivent gadrer 85% de la part. Il est possible de bénéficier de Simandou avec les taxes. On pourrait obtenir jusqu’a 50% des benefices mais il faudra apprendre des autres pays comme l’Arabie Saoudite dans les 1950s. Mais meme si on gagnait 100%.… Lire la suite

AOT DIALLO
AOT DIALLO
18 novembre 2025 19:46

Merci Tiekourani pour ton rappel : ce projet va rapporter 200 a 400 milliards USD – et ils se vantent que nous allons encaisser 4 milliards USD !

Ou sont les 15% de leurs bobards ??

Ah oui, ils n’ont pas precise que c’est moins toutes les ristournes et pots-de-vins !

Apres ca il reste juste un petit 1% pour nous, les didons de la farce…

Tiekourani
Tiekourani
18 novembre 2025 15:12

Monsieur Konaté, la réserve de fer du gisement de Simandou est estimée entre 2 et 4 milliards de tonnes. Si l’on valorise cette quantité au prix actuel du marché, environ 100 à 120 dollars la tonne, cela représente une richesse potentielle de 200 à 400 milliards de dollars, voire davantage selon l’évolution des cours mondiaux. Comparée à cette valeur colossale, l’investissement de 20 milliards de dollars consacré au développement du projet apparaît dérisoire. Comment un pays qui détient une telle réserve stratégique peut-il se contenter d’un rôle marginal dans son exploitation ? La logique économique voudrait que l’État guinéen emprunte… Lire la suite

AOT DIALLO
AOT DIALLO
17 novembre 2025 20:44

Bravo Mr Konate pour cette lettre de motivation pour un poste de ministre. Mais vous avez oublie votre CV avec la precision du poste recherche…

Baren, Djiba nous a quand meme fourni un des secrets du programme : les feuilles du document mis bout a bout font 14 km ! Ca s’est VRAIMENT IMPORTANT pour nous !

Baren SOUMAH
Baren SOUMAH
17 novembre 2025 19:17

Les Accords et les Contrats de Simandou 2040 sont secrets. Le boss illettré du projet, Djiba Diakité, nous l’a répété en long et en large. Mais les « spécialistes » affidés des putchistes du CNRD pensent que les guinéens boivent l’eau par les narines.
On nous explique que 15% sur un bien qui nous appartenait à 100% serait « une prouesse rare ». Vraiment ??! Arrêtez d’insulter l’intelligence des guinéens.
1+1=2. Pas besoin de démonstration. Tout le monde le sait. C’est de l’arithmétique et non de la philosophie.

BAMCE
BAMCE
17 novembre 2025 16:05

Yakouba Deva KONATE un vrai troll qui ne racontes que des sottises dans son charabia d’articles.
Nous on se nourrit pas de la propagande.
Honte à toi et tes semblables