Sortie caustique du Dr Faya Millimouno : « Le CNRD s’est dévoilé très mal… »

0 0 votes
Évaluation de l'article

Dans une interview qu’il a accordée à nos confrère d’Africaguinee.com, l’ancien candidat à la présidentielle de 2015 s’insurge contre les « failles » du système judiciaire pourtant annoncé comme boussole de du régime d’exception dirigé par le général Mamadi Doumbouya. À l’entendre, tout porte à croire qu’entre le président du Bloc Libéral et le Comité National du Rassemblement pour le Développement (CNRD), la confiance s’est érodée.

Dr. Faya Milimouno accuse les militaires de ne pas travailler à un retour à l’ordre constitutionnel dans le délai conclu avec la CEDEAO et appelle à une renégociation de la transition.

La condamnation de l’ancien président de l’Assemblée Nationale, l’enlèvement du journaliste Habib Marouane Camara, la récente tragédie de N’Zérékoré en marge d’un tournoi de football dédié à la Refondation l’agacent. Pour lui, le CNRD s’est « dévoilé très mal » aux yeux des guinéens. Lisez…!

Africaguinee.com : La Cour de répression des infractions économiques et financières (CRIEF) vient de condamner l’ancien président de l’Assemblée nationale Amadou Damaro Camara à 4 ans de prison ferme. Cependant, d’autres anciens dignitaires attendent toujours en prison pour être fixés sur leur sort. Quelle lecture faites-vous de cette situation ?

DR. FAYA MILIMOUNO : Ce qu’on attendait beaucoup du CNRD, du gouvernement mis en place par le CNRD, c’était la question de la justice. Quand le président Doumbouya a dit qu’il faut que désormais en Guinée la justice soit la boussole, cela a suscité beaucoup d’espoir parce qu’il y a eu trop d’impunité dans notre pays. Et vous vous souviendrez que lorsque les médias comme Espace étaient encore là, je m’étais posé la question dans les grandes gueules de savoir : « pourquoi maintenons-nous en prison des gens contre lesquels on n’a pas encore de preuves pour prouver la culpabilité ? » Parce qu’il ne suffit pas de dire que quelqu’un a posé un tel acte, il ne suffit pas d’accuser. En matière de procédure pénale, lorsque vous accusez, c’est à vous de donner la preuve. C’est-à-dire que vous n’accusez pas et vous demandez à la personne que vous accusez de donner la preuve de son innocence. Ça ne va pas comme ça. Vous qui dites que tel a volé, c’est vous qui devez apporter la preuve que la personne a volé. Alors, on voit bien qu’on a du mal à trouver ces éléments de preuve…

On a créé la Cour de répression des infractions économiques et financières, ce qui était un pas dans la bonne direction. Mais cette institution n’a pas été dotée de ressources adéquates, ni humaines, ni financières, ni matérielles. Parce que pour retracer l’argent sale, cela demande une expertise. Je ne connais pas en Guinée l’organe qui en a l’expertise de retracer l’argent sale. Alors, on est donc resté à ce niveau-là, au niveau des intentions. Il est clair, selon le sens de votre question, que nous sommes en train de vivre quelque part du deux poids deux mesures. Parce qu’on ne peut pas arrêter quelqu’un, le garder pendant plus de deux ans, sans le présenter à un juge, parce que vous êtes encore en train de chercher des preuves pour établir sa culpabilité. Je crois que là-dessus, on ne peut tirer qu’une seule conclusion : Il y a une déception !

Dans le même sens, nous faisons face à plusieurs cas d’enlèvement ces derniers temps. Le dernier cas en date est celui du journaliste Habib Marouane Camara. Vous êtes inquiets ?

Vous avez abordé dans votre question une dimension sur laquelle mon parti est intervenu il n’y a pas longtemps : L’insécurité. Elle est galopante dans notre pays. Or, quand on prend la responsabilité de diriger un pays, il y a des missions qui sont une obligation à accomplir. La première de ces missions, c’est d’assurer la sécurité des personnes et de leurs biens. Je crois que c’est la chose la moins bien faite aujourd’hui dans notre pays. Le dernier cas en date, c’est votre confrère, Marouane, dont on nous dit qu’il a disparu. Mais attendez ! Donc, finalement, en Guinée, comme les porte-parole (du gouvernement et de la présidence) le disent, les adultes ont le droit de disparaître ? Je crois que sur la question sécuritaire, nous attendons encore des actes forts, quoique le temps soit fini, malheureusement. Le temps est fini parce que, sauf renégociation, nous n’avons plus que quelques jours devant nous pour le 31 décembre 2024. Donc, la question sécuritaire, nous continuerons à marteler que les attentes sont là.

Pensez-vous à la fin de la transition en cours le 31 décembre ?

Écoutez, ce n’est un secret pour personne quand on dit que la période transitoire qui a commencé le 5 septembre 2021 avec le CNRD comme acteur majeur, prend fin le 31 décembre 2024. Ça prend fin le 31. Ce qui va se faire après le 31 doit être renégocié par les différents acteurs. Et cela doit se faire à part égale.

Si le CNRD a eu sa chance de prouver sa bonne foi, elle est tombée assez mal. Eh bien, maintenant il faut un dialogue qui va mettre autour de la table l’ensemble des acteurs pour renégocier ce que je considère la nouvelle période transitoire. Parce que, quelle que soit notre volonté, on ne peut pas, nous sommes aujourd’hui le 8 décembre, à moins qu’on ne fasse appel à la magie, avoir le référendum sur le texte de Dansa pour avoir une constitution.

On ne peut pas avoir le fichier électoral pour un RAVEC dont le coup d’envoi n’a été lancé qu’en novembre par le Premier ministre. Donc, le fichier électoral n’est pas là, nous n’avons pas un organe de gestion des élections disponible, donc rien ne peut aujourd’hui permettre que les élections se tiennent dans les jours qui nous séparent du 31 décembre. Donc, il faut être réaliste, aller à la conclusion que la Guinée va exister le 1er janvier.

Vous et moi, nous serons en Guinée sur ses 245 857 km², mais il faut déjà que nous commencions à poser les jalons pour que nous puissions ensemble définir ce que la Guinée sera désormais après le 1er janvier 2024. Après le 1er janvier ou après le 31 décembre 2024.

Le ministère de l’Administration du territoire et de la décentralisation a procédé au découpage administratif territorial. Quelle lecture en faites-vous ?

Pour ne pas ignorer l’histoire en la matière, vous vous souviendrez d’un dialogue qui a eu lieu au palais du peuple au cours duquel dialogue, à l’époque, le parti majoritaire dans l’opposition qui était l’UFDG et le parti au pouvoir (RPG arc-en-ciel) avait fait le deal pour nous donner une loi qui n’a jamais fait du bien au pays. Le deal consistait à faire quoi, à permettre la nomination des chefs de quartier et des présidents de district. Il vous souviendra encore lorsque Mory Condé était ministre de l’Administration du territoire et de la décentralisation, quand on a parlé de nomination des conseils communaux et des conseils de districts et de quartiers, je me suis levé pour dire que ce n’est pas faisable. Il n’y a pas ce qu’on n’a pas dit du régime de Sékou Touré. Nous, nous étions encore gosses… La vraie démocratie c’est à la base.

Aujourd’hui vous avez des remous dans certains endroits où les gens n’en veulent pas de ceux qu’on a choisis pour être leurs présidents de districts ou leurs chefs de quartier. Je ne veux pas que, plus on fait un pas en avant, plus on fait moins bien que ce que le PDG a fait. Le PDG que beaucoup de personnes ont critiqué.

Au temps du PDG, les élections se faisaient de façon libre, transparente et inclusive. Vous alliez sur un terrain, on dit qui veut être maire ? Tu lèves la main, on dit arrête toi là-bas. Et on redemande, est-ce qu’il y a un concurrent ? Tu lèves la main, on dit toi tu vas de ce côté. Et on dit aux populations, mettez-vous derrière celui que vous voulez qu’il soit votre maire. Dès que tu vois la ligne derrière ton adversaire tu es convaincu qu’il est plus populaire, il est plus légitime que toi. Aujourd’hui, on veut tout ramener au bavardage. On va choisir des gens dont on ne connaît pas l’origine. Écoutez, tous les villages de ce pays ont été fondés par quelqu’un. Les gens qui vivent là vivent depuis des siècles ensemble, ils savent qui joue quel rôle ? On ne peut pas faire échouer tout ça et prendre quelqu’un, qu’il soit chef de quartier.

C’est à cela que je dis que le CNRD s’est dévoilé très mal. Vouloir dire aux guinéens, nous sommes aussi guinéens nous devons faire ceci, nous devons faire cela. A un moment donné, ils sont venus par les armes. On les a acceptés. Ils nous ont dit qu’ils vont faire des choses mais qui n’ont pas été faites. Maintenant, c’est le moment de renégocier pour une nouvelle période transitoire qui va nous ramener véritablement vers une vie constitutionnelle normale pour mettre les guinéens au travail et sortir de ce tourbillon, où nos enfants n’avaient pas vu qu’aujourd’hui. C’était comme au temps du Professeur Alpha Condé.

Parlons du drame survenu au stade du 3 avril de Nzérékoré, le 1er décembre dernier où 56 personnes ont été tuées dans une bousculade, selon le bilan fourni par le gouvernement. Comment expliquez-vous ce drame ?

Ce qui s’est passé à N’zérékoré nous offre l’opportunité de demander des comptes au gouvernement. Au gouvernement, parce que déjà, les guinéens qui observaient ce tourbillon qui avait commencé à s’emparer des guinéens, des mouvements de soutien, ceci ou cela, les guinéens se posaient la question, mais comment tout cela va se gérer finalement ? Cela n’a pas été le premier incident de ce tournoi-là. Je crois que certains de vos confrères ont relaté, à l’occasion de certains matchs, qu’il y a eu aussi des débuts de violences, comme à Dinguiraye par exemple. Mais là où nous avons vécu le comble, c’est à N’zérékoré, où on met des dizaines de milliers de personnes, des enfants, de rien du tout, qui n’ont rien à voir avec la politique. Parce que, clairement, eux, ils étaient manipulés.

C’est clair qu’en Guinée, le football, c’est la deuxième religion. Tous nos enfants jouent au football, même s’ils n’ont pas de terrain pour jouer. Ils jouent dans la rue. Alors, cette manipulation a amené un grand nombre de personnes dans un endroit qui était inapproprié. Parce que c’était un chantier. Quand on dit que les gens ont jeté des pierres, c’est comme l’histoire de l’aveugle (…) Si l’aveugle vous dit qu’il va vous cogner, soyez sûr qu’il a déjà le caillou en main. Donc, dans l’un comme dans l’autre, où les personnes sont rentrées avec des cailloux sur ce terrain, où ils ont trouvé ça sur place parce que c’est un chantier, c’était déjà irresponsable de permettre que cela soit.

Aujourd’hui, on cherche des enquêtes indépendantes pour établir la vérité. Parce que les chiffres qu’on commence à donner sont si différents les uns des autres, que la seule chose qui peut permettre aujourd’hui que nous ayons une lumière, sur ce qui s’est passé à N’zérékoré c’est d’abord la destitution des organisateurs. Tant qu’ils seront en position de commande, la vérité sera cachée aux Guinéens. Ne serait-ce que pour permettre à la procédure d’enquête de se dérouler correctement, sans interférence. Le président Mamadi Doumbouya doit prendre un acte fort, celui de demander aux gens de rendre des comptes. Dans d’autres pays, ces genres de choses se font, où on déplore tant de morts, quand on est responsable associé de près ou de loin, on démissionne. Mais chez nous, on n’a pas la culture de la démission.

Comme vous le savez, le gouvernement, c’est la soupe. Donc, quand on est à côté de la soupe pour boire, on ne quitte jamais, quel que soit ce qu’on nous reproche. Sauf quand on vous dit, levez-vous maintenant et foutez le camp. Donc, les actes forts que le peuple de Guinée attend de Mamadi Doumbouya, c’est de dire qu’il faut que la vérité soit connue sur Nzérékoré. Et pour qu’elle soit connue sur Nzérékoré, il faut que ceux qui sont en position de pouvoir et qui sont associés de près ou de loin à cela, soient démis de leur fonction. Si on peut les réhabiliter après, bien, tant mieux. S’il est établi qu’ils n’ont pas commis de fautes, cela peut se réparer. Actuellement, nous voyons des décrets de radiation, de réinstallation, etc.

Croyez-vous au bilan provisoire fourni par le gouvernement ?

Le mal est fait. C’est-à-dire qu’on ne peut pas ressentir le mal davantage. Là où nous allons ressentir le mal davantage, c’est lorsque nous avons l’impression que quelque chose est en train d’être caché. Ça, c’est ce qui peut faire davantage mal. Mais en ce moment-là, le gouvernement peut venir transparent en mettant tout en œuvre pour que ceux qui ont perdu la vie à Nzérékoré, qu’on connaisse chacun par son nom, par son âge, par sa filiation, etc. Qu’on connaisse tous ceux qui ont été blessés. Ça, au moins, ça peut apaiser les guéris que nous sommes pour dire qu’au moins il y a un effort de faire en sorte que la vérité jaillisse. Mais si nous avons l’impression que quelque chose est en train d’être caché, c’est là où nous allons ressentir davantage la douleur suite à ce qui s’est passé à Nzérékoré.

A suivre !

 

Avec Africaguinee.com

Subscribe
Me notifier des
guest
8 Commentaires
Inline Feedbacks
View all comments
BAMCE
BAMCE
11 décembre 2024 15:01

@Africain

Je pari que AFRICAIN de l’UFDG dans le CERAG-Gaoul maintenant lol.

En principe, les critiques que vous formulez contre votre parti UFDG doit être à nous (surtout moi et Jacques) qui ne sont pas de l’UFDG.

Africain
Africain
11 décembre 2024 09:47

Mieux vaut tard que jamais. Bienvenu au club.

Nous aussi à l’UFDG, nous n’avons pas été à la hauteur sur les principes démocratiques au lendemain du coup d’Etat et lors de l’élection présidentielle de 2020 à laquelle nous avons participés après avoir dénoncé et rejeté son fondement juridique quelques mois avant.

Last edited 13 heures plus tôt by Africain
Tag
Tag
10 décembre 2024 19:38

Comme on fait son lit, on dort, Faya. Inutile de venir nous bassiner avec cet inutile blabla maintenant que tu te rends compte que tu es interdit de sortie de territoire alors que tu as passe ton temps a semer la division de la classe politique, servant de fait d’acoudoir au CNRD. Faya a toujours ete le champion de la duplicite. Alpha Conde lui-meme l’a demasque apres sa chute en indiquant que Faya etait avec lui lorsqu’il torpillait toutes les strategies et actions de l’opposition. Je suis pret a parier que c’est Alpha Conde qui lui avait donne la caution… Lire la suite

Kaou Labe
Kaou Labe
10 décembre 2024 17:32

Tiekiurani ,
Heureux qui comme n’a pas connu Toure Szkou et son régime !
C’est LA PORTE DE DJAHANNAMA !

Tiekourani
Tiekourani
9 décembre 2024 18:43

J’ai vu dans les réseaux sociaux des famille qu’on a vidé d’une concession en pleine nuit par des gendarmes. Comment peut on commettre des telles violations des droits humains alors qu’on nous avait promis que la justice allait être la boussole. Vraiment doumbouya et sa secte cnrd nous font vivre le pire des cauchemars. Je ne connais le régime de Sekou mais ce que je vis là, je ne pense que ce pays ait vécu pire que ça. Je vous jure que je n’ai jamais eu peur que maintenant, chaque jour je m’attend à être arrêté ou tué par ces… Lire la suite

Kaou Labe
Kaou Labe
9 décembre 2024 16:47

Pauvre Faya !
REVES PERDUS !

BAMCE
BAMCE
9 décembre 2024 15:01

On a envie de dire à FAYA MILIMONO qu’on récolte ce qu’on a semé, il est l’un des soutiens de DOUMBOUYA et son CNRD.