Pendant ces campagnes électorales, chacun des candidats à la présidentielle du 11 octobre prochain tient qu’il est celui dont les Guinéens et la Guinée ont besoin pour sortir du bourbier. Tous, ces candidats, ont deux grands défis majeurs à relever : la promotion de la croissance économique inclusive et la réconciliation nationale. L’économie guinéenne ne se porte pas bien, pas seulement à cause des chocs dus à Ebola, mais de ses carences structurelles….
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La croissance économique n’a jamais été suffisante pour permettre l’amélioration des niveaux de vie. La pauvreté en Guinée est plus due à l’effet de croissance qu’à l’effet de distribution des fruits de la richesse agrégée. La pauvreté est plus d’incidence rurale qu’urbaine, ce qui est une lapalissade. Dans l’autre ordre d’idées, les Guinéens ont besoin de réconciliation, d’une vraie réconciliation . Le tissu social s’effiloche en Guinée et la fibre ethnique devient de plus en plus manipulée. Les Guinéens ont grand besoin d’un dirigeant qui permette de fédérer les forces de la nation et de rassembler tous autour des valeurs de la République.
Ici, j’essaie d’esquisser la méthode qui sera empruntée pour l’analyse désintéressée et cartésienne des programmes politiques de nos partis, afin que les Guinéens, électeurs, se fassent des opinions éclairées des implications des différentes promesses d’interventions publiques sur leur vie.
Nos avons besoin d’une croissance économique soutenable et inclusive. Chacun de nos partis a des propositions à ce sujet, je présume. Tantôt, on compare la Guinée à ses limitrophes et l’on tire des boulets sur les performances du candidat à sa propre succession. Nous posons, c’est bien celle de Jean Paul Mockers : « […] Pourquoi telle économie croît-elle plus rapidement que telle autre et plus lentement qu’une troisième. Et pourquoi, les formes de ces croissances sont-elles différentes les unes des autres. » L’économiste catalan Xavier -i-Martin a répondu à cette question, après une longue investigation empirique publiée en 1997 dans l’American Economic Review . Il a trouvé cinq facteurs corrélés à la croissance économique durable. Ce sont : (i) les stabilités macroéconomique et politique, (ii) l’investissement dans l’éducation et la santé, (iii) la gouvernance et les institutions appropriées, (iv) un environnement favorable aux affaires et (v) une situation géographique favorable. Dans notre canevas d’analyse des programmes de nos partis politiques, nous éluderons, volontiers, la situation géographique. La Guinée est un scandale géologique et un château d’eaux. Ce dont nous voulons c’est des idées qui mettent fin aux paradoxes de la Guinée : dotations géographiques énormes et mal-développement.
Ainsi, l’analyse des programmes de nos partis politiques portera sur :
- 1)Le renforcement de la stabilité macroéconomique et la politique de dynamisation de la croissance économique
Depuis la première République, où l’inflation fut réprimée, notre économie est caractérisée par des poussées inflationnistes. Les chocs exogènes ont souvent influencé nos niveaux de production et d’emploi. L’Etat a toujours été la principale source de création monétaire, les opérateurs privés après avoir anticipé l’inflation l’ont aggravée. Les créances sur le secteur public ont toujours la source principale de création monétaire, et ce entre 2000 et 2010. La masse monétaire a connu des évolutions erratiques au cours de cette période, passant de 14,8% en 2001 à 75 % en 2010. Les politiques de stabilisation n’ont permis qu’un répit de l’inflation. La monétisation des déficits publics abyssaux par le truchement des avances à l’Etat a induit de l’inflation et ses corolaires de détérioration de la valeur de la monnaie et des pouvoirs d’achat de nos concitoyens.
Nous chercherons donc, à travers l’analyse des programmes de nos partis politiques, les solutions proposées par chacun d’eux en vue de garantir le pouvoir d’achat de nos concitoyens et défendre la valeur de la monnaie guinéenne qui n’est que partiellement convertible. Par ailleurs, nous analyserons les stratégies de nos partis pour l’augmentation de la création de la valeur ajoutée et de la richesse agrégée, très faibles pour sortir les masses de la pauvreté, créer des emplois et d’élever les niveaux de vie.
- 2)La stabilité politique
Les manifestations politiques ont été récurrentes ces cinq dernières années, elles ont engendré des conséquences multiples tant au niveau des citoyens qu’au niveau de l’Etat qui enregistra des manques à gagner en termes de recettes fiscales. Ces manifestations ont été la conséquence d’un certain nombre de réalités dont le manque de confiance entre les dirigeants et l’opposition. Nous analyserons ce dont proposent nos partis pour établir la confiance entre l’opposition et le pouvoir au sujet des questions électorales, notamment.
L’autre point de l’analyse portera sur les stratégies réconciliation nationale proposées par nos partis. Les clivages ethniques sont grands. La fibre ethnique est tellement manipulée que les frustrations et ressentiments sont visibles et tendent à donner lieu à la promiscuité. Que proposent nos partis au sujet de la réconciliation, la vraie, pas celle factice et politique ?
- 3)Les réformes du système de santé
Notre système de santé publique est malade. L’avènement d’Ebola a démontré qu’il se portant autant mal que celui des pays sortis des guerres civiles. Il est caractérisé par l’inégalité d’accès. Le document stratégique de réduction de la pauvreté (DSRP III 2013-2015) le dit clairement : « Le système de santé n’est pas performant, il n’est pas accessible, ni équitable et est incapable de satisfaire le droit à la santé pour tous, en particulier pour les plus vulnérables. » Il souffre aussi de l’insuffisance des dotations financières, le document susmentionné dit aussi : « Part du budget à la santé 2,3 % en moyenne au regard des engagements d’Abuja , qui stipulent qu’un pourcentage de 15 % du budget de l’Etat soit consacré à la santé. » Il souligne aussi que les 5 /6e de nos centres de santés décentralisés ne reçoivent qu’une minime fraction de cette allocation budgétaire et généralement en fin d’exercice budgétaire.
Par ailleurs, il existe une inadéquation entre les ressources humaines et les demandes en soin. De 1985 à 1982, le ratio (médecin par 1000 habitants) était de 0,02. En 1990, le ratio fut de 0,13. De 2005 à 2013, ce ratio n’a pas assez changé, il y avait 100 médecins pour 1000 habitants en Guinée, selon les statistiques de l’OMS. Le nombre de lits d’hospitalisation pour 1000 habitants est alarmant. Il y avait en 2014, moins de lits d’hospitalisation pour 1000 habitants que nous en avions en 1970. En 1970, il y avait 740 lits d’hospitalisation pour 1000 habitants et en 2014, seulement 230.
La gouvernance de notre système de santé reste à désirer. Les dépenses en santé engagées par l’Etat sont faibles et insuffisantes, mais sont-elles usées à bon escient ? Nos évaluerons ce que proposent nos partis et leurs candidats pour rendre notre système de santé accessible , surtout aux plus vulnérables , favoriser la reddition des comptes dans nos centres hospitaliers et leur gouvernance , faire augmenter nos dépenses publiques de santé et aussi les ressources humaines qualifiées . Par ailleurs, nous analyserons les propositions visant à améliorer l’état physique de nos hôpitaux où les crevasses et les décrépitudes sont visibles et l’état des moyens techniques et infrastructures alarmant.
- 4)Les réformes du système éducatif
Nous entendons souvent nos politiciens et candidats à la présidentielle d’octobre prochain dire qu’ils veulent faire du système éducatif guinéen un modèle. L’état de notre système d’enseignement n’est à rappeler à personne. Il souffre de sous- investissement chronique, de la mal gouvernance, du manque des infrastructures et des ressources humaines qualifiées en quantité.
Pour avoir une économie performante, il faut une force de production bien formée et donc employable. Pour faire les citoyens de demain, il faut que notre système éducatif transmette des valeurs. Pour une croissance économique durable, il faut de l’innovation, donc des institutions d’enseignement de qualité et la définition des moyens de financement des recherches. Pour faire émerger une nouvelle génération d’entrepreneurs, il faut que le système éducatif soit efficace et transmette des valeurs dont la prise de risque et la pensée divergente.
L’éducation nationale doit être le nerf de la guerre et la mère des priorités. Quelles sont les idées de réformes de nos partis politiques ? Nous les passerons au peigne fin.
- 5)La gouvernance et les institutions appropriées
Nous commencerons par analyser les entourages de chacun des candidats. Car il ne fait aucun doute qu’assez d’Hommes dans leurs entourages seront promus ministres, une fois le pouvoir acquis. On nomme un ministre pour son sens de l’Etat, de l’engagement politique et aussi pour ses compétences . Quel type de gouvernement proposent nos différents candidats ? Le point est aussi très important, car les réformes ne seront entreprises que par les ministres qui formeront le gouvernement. Nous voulons d’une architecture gouvernementale « pro-growth » et c’est bien lui, le gouvernement l’avantage compétitif des pays dans la mondialisation. « Les gouvernements, disait , Richard H . Vietor , se concurrencent pour obtenir des marchés , se faire des part belles des IDE , pour accéder à la technologie , à la compétence et aussi pour obtenir des taux des croissances économiques plus grands. »
Puis, nous analyserons ce dont proposent nos partis au sujet de : la gouvernance économique et financière, celle administrative et puis celle institutionnelle. Pour l’analyse des institutions, qui sont à notre entendement des règles et des lois et non des acteurs, nous évaluerons les propositions de nos partis afin de doter notre pays des règles de lois claires, des mécanismes et des acteurs permettant leur application vertueuse. Ces institutions sont pour nous, je vais reprendre la nomenclature de Dani Rodrik et d’Arvind Subramanian , celles génératrices , régulatrices , stabilisatrices et d’extension de marchés .
- 6)L’environnement favorable aux affaires.
Les contraintes qui pèsent sur notre environnement des affaires en Guinée sont nombreuses et peuvent être résumées en : (i) la caducité et la cherté des facteurs de productions : électricité , eau , transport , communication , (ii) la corruption , (iii) l’inefficacité de la justice , de la santé et du système éducatif , (iv) la faiblesse des institutions , (v) la difficulté d’accès aux ressources financières , (vi) la rigidité de la fiscalité et sa complexité .
Les investissements directs rentrants entre 1970 et 2012, n’ont été que de 3 279 millions de dollars, alors que les aides publiques reçues au cours de la même période s’élèvent à 8 551, 8 millions de dollars. Quelles réformes, pour rendre notre environnement des affaires alléchant ? Comment attirer les IDE et arrêter de devenir une société d’assistance et mendiante dans laquelle les aides conduisent à la mise en place des stratégies de capture et de détournements de leurs emplois supposés ?
Nous analyserons tout et aucune information ne sera prise à la légère, fût-elle une promesse. Nous évaluerons leur faisabilité et leur sincérité. Le mensonge et l’imposture ne passeront plus. Voilà le lourd travail auquel je vais m’atteler. Toutes les stratégies visant à promouvoir la croissance et la réconciliation nationale seront évaluées pour voir ce quelles pèsent et valent. Je dois aussi dire que je dispose des informations incomplètes au sujet de nombre de partis, au cas où je venais à en manquer, mon analyse portera sur les trois partis du partis suivants : l’UFDG, l’UFR et aussi le RPG Arc-en-ciel. Je commencerai ce travail par le bilan du président Alpha Condé, puis j’analyserai les programmes des partis politiques. A bientôt !
Ibrahima SANOH, citoyen guinéen