Le Mercredi 25 Janvier 2017 j’ai pris part à la cérémonie traditionnelle – organisée par l’amicale des victimes du camp Boiro – commémorant les tristes et douloureuses pendaisons de 1971. En dépit de la tristesse de l’évènement et de sa solennité, ce fut une occasion de joie sincère avec des retrouvailles émouvantes avec des camarades d’enfance et d’infortune ; entre autres Touré Kindo (**) que j’ai rencontré pour la première fois en 1945 au collège…
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Pour la petite histoire et la grande, Kindo est «le seul rescapé du «complot Kaman-Fodéba». Il y avait aussi l’émotion et la joie aussi de rencontrer des survivants, des veuves, des fils et filles des disparus des différentes tourmentes et tragédies traversées par la Guinée aussi bien sous Sékou Touré que sous ses successeurs.
Du fait du retentissement que l’évènement eut à l’époque jusque et y compris hors de nos frontières, la commémoration devrait être d’une ampleur gigantesque. La maigreur squelettique de l’assistance qui de mon point de vue et dans mon attente devrait être d’une toute autre ampleur m’a fait éprouver une immense tristesse et une profonde amertume. À mon sens, la commémoration de cette douloureuse et honteuse blessure devrait revêtir un caractère national pour refléter la diversité des victimes puisées indifféremment dans toutes les ethnies et couches sociales de la nation.
Ainsi, on peut et on doit regretter que le peuple de Guinée ait laissé la commémoration de cet évènement aux seules victimes et à leurs familles directes.
Ajoutant à l’amertume et au chagrin, nous avons hélas constaté que même les victimes et leurs familles n’étaient pas au grand complet à ce rendez-vous. Les victimes sont-elles oubliées, abandonnées à leur triste sort ? Pire peut être, leurs sacrifices sont-ils vains et n’ont-ils servi à rien ? Ni de leçon pour éviter que cela ne se reproduise, encore moins de motif pour se battre et prendre en main notre destin.
Pour ajouter encore plus d’amertume et de chagrin, à l’heureuse exception du Bloc Libéral, en la personne de son président Dr Faya MILIMMONO, la classe politique a brillé par son silence assourdissant et son absence. Il en est de même pour les institutions républicaines dans leur ensemble. Car il ne faut pas se voiler la face, la présence du Ministre Gassama DIABY n’était qu’individuelle et personnelle. En dépit de son habile et diplomatique discours qui laissait entendre qu’il parlait au nom du Gouvernement et du Président de la république il ne trompe que ceux veulent bien se laisser tromper.
Quant à l’absence du chef de l’État ou d’un représentant officiel et dûment mandaté, elle est si non admissible du moins incompréhensible, quand on pense que, n’eut été son exile au moment des faits, il serait probablement parmi les victimes.
Enfin, il faut signaler l’absence de toutes les autorités religieuses et coordinations régionales. Concernant la communauté internationale, seul l’Ambassadeur des États Unis a voulu honorer la cérémonie de sa présence et de son soutien. Qu’il en soit félicité et remercié ainsi que son peuple et son gouvernement.
Nonobstant l’amertume, le chagrin que soulèvent ces faits regrettables et condamnables, on ne peut que souhaiter et espérer que les hommes de bonne volonté, tout particulièrement les patriotes guinéens ne vont pas baisser les bras et se laisser aller au désespoir. Dans l’intérêt supérieur de la Guinée et des guinéens, je termine par une note d’espoir en formulant le vœu que ces actes et comportements négatifs cèdent la place à d’autres actes et comportements plus conformes aux ambitions et désirs de l’immense majorité des guinéens.
La cérémonie prit fin par la lecture du saint coran sur les ruines de la partie carcérale du tristement célèbre camp Boiro – que l’on doit du reste reconstruire à l’identique pour servir de mémorial de toutes les victimes sans exclusive des régimes répressifs qu’a connu la Guinée.
Mamadou Kolon Diallo (*)
- *) Elhadj Mamadou Kolon Diallo est professeur de mathématiques à la retraite. Il fut arrêté durant le «complot des enseignants » de 1961. Il est l’auteur de plusieurs livres dont: Six années au Camp Boiro et Pour avoir eu raison trop tôt. Éditions Phoenix. 2011
**) A son arrestation, en 1969, Kindo Touré, est Directeur de la Police économique et à sa libération, en 1974, il est radié de la Sécurité. Il est l’auteur du livre : Unique survivant du “Complot » Kaman-Fodéba.