De longs mois de négociations entre le gouvernement guinéen et la Chine ont abouti, ce 5 septembre, à Xiamen (Chine) à la signature des accords économiques. Le plus important est celui qui vaut 20 milliards de dollars pour les prochains 20 mois. Il est un accord-cadre: ressources minières contre le financement des infrastructures…
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Le signataire, côté Guinée est Ibrahima Kassory Fofana, ministre d’Etat, chargé du partenariat public-privé. Nous lui avons posé quelques questions pour mieux comprendre cet accord qui pourrait aider la Guinée à se tirer d’affaires.
Vous avez signé sous les regards des présidents chinois et guinéen, des accords. De quoi s’agit-réellement ?
Ibrahima Kassory Fofana : Les accords d’aujourd’hui concrétisent le programme de coopération stratégique, convenu entre les deux pays à l’occasion de la dernière visite d’Etat en novembre dernier du professeur Alpha Condé. Les accords d’aujourd’hui traduisent en terme de montant, l’engagement de la Chine d’assurer à la Guinée, une enveloppe globale de 20 milliards de dollars. C’est l’accord que j’ai signé personnellement, qu’on appelle programme de ressources minières contre prêts, contre financements, couvrant la période de 2017-2036. On a eu 20 milliards de dollars, j’ai signé avec le coordinateur chinois ces 20 milliards de dollars immédiatement décaissables cette année. C’est 1 milliards 200 millions dollars qui concerne la reconstruction de la route Coyah, Mamou, Dabola; ça concerne la réhabilitation des voiries de Conakry et l’assainissement pour 200 millions et poussière, ça concerne un début de reconstructions des quatre universités ; ça concerne également la ligne Linsan-Fomi pour permettre de garantir la livraison de l’énergie de Souapiti à la Haute-Guinée, ce qui fait l’interconnexion ce qui fait 250 millions de dollars, etc.
L’objectif d’un taux de croissance à deux chiffres dans quatre ans est à la portée de la Guinée
C’est donc troquer les mines contre les infrastructures ?
Non, c’est ressources minières, contre les prêts pour financer nos infrastructures. Ce que j’ai oublié de dire c’est que cette somme de 20 milliards, n’englobe pas Souapiti qui sera signé dans les prochaines semaines, qui porte sur 1 milliards 500 millions de dollars. Donc si nous faisons la petite arithmétique, ça signifie que nous avons cette année entre 2017 et 2018 en termes de déboursements 3 milliards de dollars pour la Guinée, il y a aussi des subventions qui ont également fait l’objet de signatures (protocole d’accords équipement contre les changements climatiques ; accord de coopération pour le financement de l’extension de l’hôpital sino-guinéen notamment, NDLR) qui font environ 60 millions de dollars décaissables cette année et l’année prochaine.
Ces accords vont booster l’économie guinéenne ?
Si vous faites l’arithmétique, ça signifie pour le Guinée que nous sommes garantis pour un minimum d’un milliard de dollars par an, sur les vingt ans, évidemment avec un plus, Souapiti vient en plus pour 1 milliard et demi. C’est beaucoup d’argent pour la Guinée, puisque ça représente le septième ou le huitième de notre PIB ; c’est beaucoup d’argent pour la Guinée parce qu’en termes d’endettement, ça représente plus de 50% de la dette publique. Mais c’est beaucoup d’opportunités pour la Guinée ; pour le professeur Alpha Condé d’atteindre son objectif d’une croissance économique à deux chiffres dès 2020. Parce que pour y arriver, on a besoin d’un investissement global privé et public d’un milliard et demi par an. Pour être honnête, c’est pas de l’optimisme que j’affiche, mais du réalisme économique en tant qu’économiste.
On peut aller plus loin que ça, si nous accélérons les mesures structurelles qui pèsent sur l’investissement privé, nous éliminons les pesanteurs administratives, l’investissement privé va arriver beaucoup plus vite et plus ça arrive et plus ça fouette la croissance et plus le problème d’emplois se résout. Parce que c’est l’un des challenges de la Guinée, aujourd’hui. On parle de ces montants, le Guinéen reste sceptique et il a raison ! Parce que cela ne se traduit pas dans l’amélioration de son quotidien. La seule manière de traduire cela dans l’amélioration de sa vie, est qu’il ait du travail.
Si ces programmes sont vite exécutés, parce que leur exécution ne peut se faire sans des programmes d’emplois massifs, en recrutant du personnel, on distribue les revenus, cela pousse l’économie par l’investissement et par la consommation. L’objectif d’un taux de croissance à deux chiffres dans quatre ans est à la portée de la Guinée.
Maintenant, tout le challenge pour la Guinée, c’est d’arriver en matière d’administration, à faire preuve d’efficacité pour exécuter les différents programmes
Vous nous annoncez beaucoup de milliards. Vous y croyez ?
On est en train de négocier cela depuis deux ans, pour ceux qui ont suivi, c’est ma quatrième visite en Chine depuis que je suis en poste, cela a abouti à la conclusion de ce programme. Et comment peut-on se demander si on y croit ? Si le président chinois a été témoin de la signature des accords, ça veut dire que c’est garanti, que c’est bétonné. Maintenant, tout le challenge pour la Guinée, c’est d’arriver en matière d’administration, à faire preuve d’efficacité pour exécuter les différents programmes et projets concernés par ces montants. Mais l’argent est rendu disponible. Il n’y a plus de problèmes à ce niveau.
Vous allez aussi travailler à rendre efficace cette administration ?
Je suis le président du pool économique, nous commençons à structurer. Le président m’a donné l’instruction de réfléchir sur les modalités de coordination et d’exécution de ces projets de manière à éliminer les aléas administratifs qui pourraient peser en termes de délais sur l’exécution de ces projets. Donc je ne vais pas ou mon pool ne sera pas celui qui va exécuter le programme ! Mais nous allons coordonner de telle manière que toutes les entités administratives concernées dans cette exécution, fassent leurs boulots et à temps.
Interview réalisée par Ibrahima S. Traoré,
envoyé spécial de guinee7.com à Xiamen (Chine)