Le drame de WOMEY (N’ZEREKORE)dans le sud de la Guinée a entrainé et entraine encore des commentaires plus ou moins enflammés. Le discernement et la modération, habituellement rares dans les rangs du pouvoir, semblent abandonner certains ministres et notabilités du R.P.G-Arc-en-ciel. De discours vengeurs en propos humiliants, des proches du président, désignent quotidiennement nos compatriotes de la Guinée Forestière à la vindicte populaire. Ils (nos compatriotes de la Guinée Forestière) auraient la « barbarie dans leur gènes » selon M. Laye CONDE Junior, membre important du R.P.G.-ARC-en CIEL. D’autres, comme le Ministre de la santé, proposent l’anéantissement administratif de la sous-préfecture…
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C’est-à-dire priver de services publics d’Etat, toute la population de la contrée. Point d’école, ni de dispensaire, avec à la clef la transformation de la sous-préfecture en une immense caserne, sous tutelle militaire. En clair, le retour d’une forme d’expédition punitive collective de type colonial, contre des populations « rebelles » qu’il faut soumettre.
Et le président Alpha CONDE semble y consentir. D’ailleurs, alors que ses deux ou trois ministres « bulldozers » multiplient des initiatives guerrières contre de simples paysans terrorisés à WOMEY, lui, indifférent à cette tragédie, il continue ou renouvelle ses séjours dans de luxueux palaces à PARIS, WASHINGTON et ailleurs. Peut-être, a-t-il lui-même secrètement ordonné des « frappes » militarisées contre les populations de WOMEY ? Il l’a déjà fait à ZOGOTA, à SIGUIRI, Labé, CONAKRY…. A mon avis, il serait imprudent d’exclure cette hypothèse tout aussi probable. Car l’appétit de pouvoir de « El hadj, professeur, opposant historique, chef des armées, chef de l’état…etc… », Président Alpha CONDE est si insatiable, qu’il est susceptible de recourir à toutes les extrémités. Ainsi, les autochtones d’autres régions de notre pays sont avertis de ce qui les attend, s’ils refusaient de se soumettre à un pouvoir qu’ils n’ont jamais choisi. Résultat :dans un contexte de terreur généralisée qui aura été créé, les futures élections ne pourront qu’être gagnées par le pouvoir en place, c’est-à-dire le président sortant.
Bien sûr, quelques cadres de la coalition R.P.G.-Arc-en-ciel ont condamné ces déclarations ignobles, mais tardivement et de façon molle. Le président lui-même n’a pas fait preuve d’un empressement excessif pour mettre un terme à ce qui s’apparente à une entreprise de stigmatisation d’une partie de nos compatriotes.
Alors, le motif de cet intolérable ostracisme visant à infliger une punition collective à de pauvres populations terrorisées ?
—Une délégation sanitaire, curieusement militarisée, venue donner des « conseils » aux habitants du village de WOMEY à propos d’EBOLA, aurait été attaquée et assassinée sans raison apparente par les villageois auxquels l’assistance sanitaire était promise. Bilan : neuf morts.
Les habitants de WOMEY seraient à l’origine de l’altercation sanglante. Tous les jours, sur les radios et télévisions publiques, certains officiels gouvernementaux et du R.P.G. déversent sur les autochtones de WOMEY destombereaux d’accusations toutes plus infâmantes, les unes que les autres. Toute tentative non officielle de comprendre ce qui s’est réellement passé est récusée. Les villageois de WOMEY, tout aussi victimes que les agents décédés, sont interdits de parole, déjà traqués et affublés de qualificatifs ignobles. A écouter certaines notabilités du pouvoir, ils sont COUPABLES et RESPONSABLES. Nul besoin d’en faire la démonstration. Ils sont de WOMEY, de surcroît autochtone de la Guinée Forestière. Ils étaient présents au moment des faits. Ils sont donc coupables, forcément coupables. A voir.
Rétablissons tout de suite les faits dans leur réalité :
1°.En Guinée, M.S.F. n’a commis aucune maladresse, pas même dans la communication. Concernant EBOLA et sa propagation, cette O.NG., a donné la bonne information, au bon moment et dans les termes appropriés. Elle n’a aucune responsabilité d’aucune sorte dans la propagation de l’épidémie, ni dans l’hostilité agressive des populations contre une administration qui ne s’est jamais signalée à elles que par des répressions militaires sanglantes. Dans notre pays, elle n’y a fait et ne fait que du bien. Prétendre le contraire, ou même l’insinuer est au mieux, de la mauvaise foi, au pire un manque de probité intellectuelle.
M.S.F. fait et continue de faire un travail admirable en Guinée, alors que certaines notabilités gouvernementales bien identifiées, séjournent dans les palaces occidentaux, quand elles ne sont pas en train de piller les maigres ressources du pays pour s’acheter pavillons et appartements dans les quartiers et banlieues chics de PARIS, comme l’a fait récemment un ministre, avec son épouse comme prête-nom.
2°.La propagation d’EBOLA est due exclusivement à la désinvolture et à l’irresponsabilité du président Alpha CONDE. Il n’y a pas si longtemps, alors que EBOLA pouvait être encore facilement stoppé, il invectivait M.S.F. à la télévision sous les tonnerres d’applaudissement de ses affidés. La raison ?—M.S.F. exagérerait. Lui Alpha CONDE maîtriserait EBOLA. Stupéfaite par cette attitude irresponsable du président Alpha CONDE, l’O.R.E.P. dont je suis le vice-président, avait sorti une déclaration solennelle condamnant les propos du président irresponsable et désinvolte. C’est sur insistance deM.S.F. et dessoignants guinéens que le président a précipitamment déclaré vouloir faire une guerre à EBOLA. Voilà les faits.
Alors, peut-on parler de « barbarie » quand nos compatriotes de WOMEY et d’autres régions de la Guinée Forestière chassent de leur village, une délégation « sanitaire » militarisée mandatée par un pouvoir qui les a systématiquement massacrés, sans raison ? (voir les évènements de N’Zérékoré, de ZOGOTA, de Guéckédou….) ?
La violence est intolérable comme mode de règlement de différend, quel qu’en soit l’auteur, Etat, individu, ou collectivité villageoise. Rien ne justifie qu’on ôte la vie de qui que ce soit. Les tueries de WOMEY sont condamnables, infiniment. Les simples salariés (agents de santé, journalistes, employés de bureau) ne sont pas l’Etat. Ils sont victimes, tout comme le sont les villageois de WOMEY que les vrais responsables de leur sort veulent mettre au banc de la société. Sans excuser les meurtres, il faut dépasser les explications et indignations officielles de circonstances.
Des multiples commentateurs,aucun n’a émis le moindre doute sur les explications officielles gouvernementales qui ont pourtant souvent varié. Ainsi, depuis quelques jours il semble bien que, le pouvoir a trouvé des plumes ou des claviers « bienveillants » mais pas désintéressés. Ainsi, la propagation rapide de EBOLA, les massacres à WOMEY seraient de la faute de Médecins Sans Frontières (M.S.F.) qui ne saurait pas communiquer sur la « culture » des Villageois de WOMEY.
Certains, malicieusement ont même mis en cause « M.S.F. » pour avoir mis en garde contre la consommation de certaines viandes de brousse dont il est scientifiquement prouvé qu’elles sont un réservoir de virus à EBOLA. En ne dissimulant pas une vérité scientifique dont la connaissance par le grand public est utile, cette O.N.G. aurait commis une faute. Et de ce fait, elle serait Responsable des évènements de WOMEY. Le pouvoir de Conakry peut donc rester tranquille. Les coupables sont trouvés.
Cela étant dit, se contenter des arguments de circonstance, fabriqués par le pouvoir pour dénigrer nos compatriotes de la Guinée Forestière, serait une erreur lourde de conséquences. Car cet accablement inacceptable, loin d’apporter calme et sérénité, éveillera rancœur, et sentiment souvent fondé que les mêmes sont toujours maintenus dans une sorte de mépris que rien ne justifie. Les Mandingues disent à juste raison que « on maya Kele té na ban na ». Pour d’éventuels lecteurs qui ne comprendraient pas la langue malinké, l’expression entre guillemets veut dire à peu près ceci 🙁 la bataille contre le mépris et l’humiliation ne s’arrête jamais, tant qu’on n’a pas recouvré la dignité). Nous sommes très exactement dans cette configuration avec les évènements de WOMEY.
A WOMEY, les villageois n’ont pas provoqué l’incident meurtrier. Alors, d’où vient que subitement, dans notre pays aujourd’hui, une mission sanitaire tourne en affrontement sanglant ?
En pareille circonstance, selon moi, le devoir d’un « honnête homme » est de réfléchir à des questions comme celle-là, plutôt que d’être un supplétif d’un gouvernement, quel qu’il soit.
Les pouvoirs qui se sont succédés en Guinée, y compris celui de M. Alpha CONDE, sont traditionnellement violents (au sens meurtrier du terme) avec les citoyens, une violence gratuite, sans apporter aucune sécurité aux citoyens. L’exercice illégitime de la violence d’Etat a pris une ampleur tout à fait inhabituelle, depuis l’élection présidentielle de 2010.Voir les massacres lors des marches politiques, ou les assassinats ciblés d’opposants. Ici, vous êtes embastillé pour avoir émis des doutes sur la compétence intellectuelle du président et sur sa probité face aux biens nationaux(contrats miniers opaques), là, c’est le Frère(grand ou petit) du Ministre d’Etat-secrétaire général de la présidence qui gifle un petit commerçant dans la rue ou sur les marchés, parce que le FRERE est au pouvoir, ailleurs on prête allégeance au FILS parce que le « Père » est président et c’est la condition d’accès à tous les marchés publics.Tout cela est une violence extrême, inimaginable chez nos voisins, Sénégal, Mali, Burkina…par exemple.
Par ailleurs, en Guinée, il n’y a pas d’Etat respectueux de ses citoyens. Pour le commun des Guinéens, l’Etat c’est la répression des citoyens, les rackets généralisés, et les passe-droits quand on appartient à l’oligarchie. Ce qui correspond exactement à ce qu’ils vivent au quotidien. Dans les villages, à l’intérieur de la Guinée qu’on appelle le pays profond, l’Etat et ses représentants ne se sont jamais signalés aux populations que par les répressions, et les pillages. On devient gendarme, policier, douanier, militaire, ou magistrat parce que, appartenir à ces corps vous garantit d’emblée une impunité totale, quoi que vous fassiez, à une seule condition : se mettre au service exclusif de ceux qui sont au pouvoir. Autrement dit, si vous privatisez la puissance publique au profit exclusif de ceux qui sont au pouvoir, alors vous aurez acquis le droit de vous en servir pour vous-même afin de vous enrichir par le racket du plus grand nombre apeuré et démuni.La preuve ?—Les plus grandes fortunes (monétaires, immobilières et foncières) en Guinée sont des fonctionnaires : militaires (officiers ou pas), gendarmes, douaniers, magistrats, policiers, impôts, finances, et employés de la banque centrale.L’origine de leur fortune pour la plupart ?—Pillage des ressources publiques et répressions sanglantes des citoyens afin de rendre impossible, tout questionnement sur l’origine des fortunes captées. Tous les fonctionnaires ne sont évidemment pas des tortionnaires et des racketteurs. Mais aucun d’entre eux ne peut expliquer sa fortune par une activité économique légale qu’il aurait exercée et qui lui aurait permis d’accumuler en si peu de temps, une si grande fortune relativement au revenu moyen d’un Guinéen.
Dans ce contexte, l’arrivée de représentants de l’Etat dans un village, en l’occurrence WOMEY, accompagnés de groupes militaires n’annonçait rien de réjouissant pour les villageois. Et l’intuition des villageois n’a pas tardé à devenir une réalité. Comme d’habitude, et peut-être dans une confusion, les militaires du gouverneur et du préfet tirent des coups de feu en direction des autochtones. Puisque depuis 2010, le pouvoir a pris l’habitude d’ordonner des tueries contre de paisibles citoyens, les habitants de WOMEY se sont probablement sentis encore attaqués. Ils se sont défendus comme ils ont pu. Et de façon légitime.
Je suggère aux députés, y compris à ceux du R.P.G.-Arc-en-ciel de mettre sur pied une commission d’enquête parlementaire pour :
—Auditionner les ministres et personnalités publiques qui ont fait ou font encore des déclarations vengeresses et guerrières contre nos concitoyens de la Guinée Forestière.
—Enquêter à WOMEY et dans toute la Guinée Forestière, sur les possibles exactions causées par les expéditions punitives militarisées ordonnées par certains ministres proches du président.
Les villageois ne sont en aucun cas des coupables. Ils sont des victimes du pouvoir et de ses représentants. Ils se sont défendus, maladroitement peut-être, mais ils n’ont fait que se défendre. Et si il n’est pas mis fin aux exactions, aux rackets des forces de l’ordre sur les routes, dans les villages, d’autres WOMEY ne sont pas à exclure.
Mamadou BilloSY SAVANE.