GBK Dans un article intitulé « Pour la création d’un mouvement citoyen à but unique : l’abolition de l’esclavage au Fouta Djallon » et publié sur le site actuconakry.net le 31 juillet 2013.
{jcomments on}Mansour Kaba n’est certainement pas un abolitionniste car l’esclavage a été aboli dans les colonies françaises en 1848. Quant à la chefferie traditionnelle, elle a été supprimée en 1957. Il faut noter au passage que la chefferie traditionnelle n’était pas un régime esclavagiste. Les chefferies étaient des micro-Etats avant la colonisation, gérés selon les lois coutumières ou musulmanes notamment pour le Fouta et Kankan. C’étaient des Etats aristocratiques, avec à leurs têtes des rois, des nobles, des doutis (propriétaires des terres) ou des djamanatis (propriétaires de l’Etat) à Kankan et ailleurs en Haute Guinée. Comme dans tout régime aristocratique, les sujets, donc les paysans et autres n’appartenant pas à la classe dirigeante, étaient sur des terres qui ne leurs appartenaient pas et devaient payer des taxes ou impôts très souvent en nature aux rois, nobles ou chefs de la chefferie.
Les termes esclave, esclavage, ou noble ou noblesse sont encore présents dans le vocabulaire des Maninka-morys et des Peuhls. Ce fait s’explique par la forte islamisation de ces sociétés ainsi que le rôle qu’elles ont joué dans l’islamisation des autres régions de la Guinée.
L'esclavage n'étant pas prohibé par l’islam, les pays musulmans ont été les derniers à ratifier l’abolition de l’esclavage ; l’Arabie Saoudite en 1926 et la Mauritanie en 1981. Cette mentalité persiste encore aujourd’hui chez les Arabes qui continuent de considérer les noirs comme des esclaves. A Kankan comme à Labé ce même sentiment persiste encore dans la conscience des nostalgiques. Un des érudits de Kankan ne disait-il pas dans un passé lointain que « mieux vaut mourir que d’être maninka ». Ne confondez pas Maninkamory et Maninka.
Aujourd’hui les relations entres les anciens rois ou nobles et les anciens sujets ne sont en aucun cas des relations entre maitres et sujets. Les sociétés traditionnelles de Guinée ont évolué et évoluent de jour en jour comme partout dans le monde.
Autant la Guinée est en compétition avec les pays voisins, le reste du monde, dans le cadre de l’émancipation économique, sociale et politique, autant les Guinéens individuellement ou par région naturelle ou encore par ethnie se trouvent dans ce même monde de compétition. En Guinée il n’est pas question de nobles ou d’esclaves, mais de pauvres et de riches.
Sous le piètre style de la forme primitive foulaphobe, le nouvel idéologue du RPG, Mansour Kaba, s’en prend traitreusement à l’ethnie peule, coupable à ses yeux d’esclavagisme. Il oublie ou peut-être fait semblant d’oublier que la société maninkamory est presque identique à celle du Fouta.
M. Kaba devrait d’abord se regarder dans le miroir avant de sortir un tel article minable, qui s’articule autour des « Roundés, Foulassos ou moutons, boucs ou chèvres ». Les Maninka-Morys à Kankan sont organisés autour des kabilas des Kaba, de Camarala, de Chérifoula, de Dianela et de Touréla. Les Keita, Traore, Kourouma, Condé, Diallo et autres Nabayaka n’ont pas le droit de créer leur kabila, ils ne bénéficient pas des mêmes considérations sociales que les Maninkamorys, à moins qu’ils n’adhérents à un des kabilas de Nabaya.
M. Kaba, lors de mon baptême à Kankan, je ne sais pas si mon père a sacrifié un éléphant, un bœuf, un mouton, une chèvre, un bouc ou un lapin, ou peut-être du « dä ». M. Kaba, je suis de Kankan. Je ne suis ni noble, ni esclave. Je suis kankaka et citoyen guinéen comme mon compatriote Camara de Dalein, Labé.
Le sentiment foulaphobe de certains intellectuels malinkés à l’endroit de l’ethnie peule cache un désarroi, voire une peur devant l’émancipation économique, sociale et intellectuelle de cette ethnie. Des amis malinkés me disaient à Conakry et à Kankan que les Peuls occupent tous les secteurs économiques du pays, qu’il ne faut pas laisser un Peul devenir président du pays.
En tant que Kankanka, j’ai un autre projet de société dont Mansour Kaba devrait s’inspirer : il s’agit d’éveiller la conscience de la communauté malinké, du fait que la communauté peule en matière d’émancipation économique, sociale et intellectuelle, l’a devancé de plus de 50 ans.
A Kankan, sans le boulanger peul, pas de pain. Sans le Peul pas de viande au marché. Toute la chaine de distribution de produits de consommation alimentaire et courante est entre les mains de cette ethnie. Au moins 90% des boutiques de Nabaya ont pour propriétaires nos Kaous / Kahous (oncles). Pour chaque 1.000 FG dépensés, 900 FG atterrissent dans la poche d’un oncle. Le secteur du transport, du diamant et de l’or sont aussi dans les mains de nos compatriotes peuls.
Kankan n’est que le sommet de l’iceberg.
Sur le plan scolaire, universitaire et intellectuel, le constat est encore plus amer pour les Malinkés : la grande majorité des cadres guinéens dans les administrations publiques et privées, banques, assurances, institutions bilatérales et multinationales ainsi que dans les medias sont les Peuls. Sur 100 étudiants guinéens en Europe et en Amérique, 80 à 90 sont des jeunes originaires du Fouta. En Allemagne où je vis, la quasi totalité des jeunes cadres guinéens sortis des universités ou des « Fachhochschule » sont des jeunes Peuls. Ici à Frankfurt, je ne connais aucun jeune cadre malinké.
En Guinée, dans les lycées et universités, il y a deux à trois fois plus de jeunes Peuls que de Malinkés. Le taux de déscolarisation de la jeune fille malinké est le plus élevé selon les statistiques de l’Unesco. Il y a très peu de jeunes filles malinkés dans les lycées et universités. En Allemagne de l’ouest, pendant les 35 dernières années, aucune fille malinké n’a réussi dans les études universitaires et professionnelles. Des filles peules oui.
Ainsi le nombre de femmes intellectuelles malinkés est extrêmement faible. Et quand les femmes sont analphabètes ou semi-analphabètes, les enfants n’ont pas de chance dans l’émancipation intellectuelle et professionnelle. Dans ce monde actuel, la prospérité passe par l’école ou l’apprentissage d’un métier.
M. Kaba, ce constat est inquiétant. Mais il n’est pas trop tard. Mettons-nous au travail. Que le jeune Maninkamory apprenne le métier de boulanger, de boucher, de cordonnier, de maçon, mécanicien, etc. Investissons dans l’éducation scolaire et universitaire de nos enfants. Inculpons dans leur éducation la notion de compétition. La haine à l’ endroit du Peul ne contribue en aucun cas à résoudre les problèmes de la misère et de l’ignorance dans notre ethnie.
Jusqu'à la fin des années 1970, les Peuls étaient à Conakry en grande majorité les boys (personnel domestique), les petits artisans et « tabliers ». Aujourd’hui la force financière de quelques opérateurs économiques de nos compatriotes du Fouta est supérieure au budget national du pays. Quand ils ferment boutique, il n’y a plus d’argent dans les banques.
Si nous nous mettons au travail comme eux, nous les rattraperons dans 30 à 50 ans. Si nous faisons mieux, nous les dépasserons dans 50 ans. Si nous ne faisons rien, la Haute Guinée sera transformé en un vaste « rundé » dans 50 ans.
Lamine Camara
Frankfurt, Allemagne