Le bénéfice dont le pouvoir s’attendait à tirer en termes de coup de com, par la mise en semi-liberté de quatre lieutenants de Cellou Dalein Diallo, après huit mois de détention à la Maison centrale, sans procès, s’est soldé par un flop. C’est le moins qu’on puisse dire, si l’on s’en tient aux commentaires avisés des experts en la matière, qui pensent que la justice guinéenne vient de se tirer simplement une balle dans les pieds, en prenant cette décision de mauvaise grâce.
Abdoulaye Bah, Elhadj Ibrahima Chérif Bah, Mamadou Cellou Baldé, et Ousmane Gaoual Diallo, ce quatuor de cadres du principal parti d’opposition, a pu regagner ses pénates la semaine dernière, suite à une mise en liberté conditionnelle. Un geste diversement interprété dans la cité. Bien que l’opinion en soit réduite à des conjectures.
Si les bénéficiaires de cette mise en liberté sont aux anges, ainsi que leurs proches, et on en saurait leur en tenir rigueur, le président de l’Ufdg, Cellou Dalein Diallo semble pour sa part, accueillir cette nouvelle avec circonspection. Car pour lui, « cela ne saurait réparer les préjudices subis, tant sur le plan moral que physique par ces innocentes victimes…»
Certains observateurs avertis qualifient la décision, d’éminemment politique. C’est le cas de Maître Traoré. L’un des membres du Barreau les plus révérés pour la justesse de ses positions en faveur des droits de l’homme. Qui de surcroît fait partie des avocats conseils, commis à la défense de ces cadres de l’Ufdg.
Dans une tribune publiée à cet effet, Me Mohamed Traoré, au lieu d’applaudir des deux mains, relève plutôt une entorse dans cette décision, attribuée au directeur de l’Administration pénitentiaire, Charles Victor Macka. Un fonctionnaire qui n’aurait selon Mme Traoré « aucun pouvoir juridictionnel ». Le fait que « le régime de semi-liberté s’applique à un détenu qui est déjà condamné. Tel n’est pas le cas de ces quatre détenus placés en régime de semi-liberté », est la cerise sur le gâteau de cette mise au point de cet avocat futé.
De quoi battre en brèche cette sortie de Tibou Kamara, porte-parole du gouvernement, qui s’est empressé de mettre cette libération des détenus sous le sceau du « grand humanisme du grand président ».
Une tribune qui n’a fait que mettre de l’eau au moulin des contempteurs du régime. Qui se sentent ainsi confortés dans leur conviction, selon laquelle la justice serait un instrument aux mains de l’exécutif. Ne dit-on pas que « trop de communication tue la communication ». A bon entendeur.
Durant leur détention pour « trouble à l’État par la dévastation et le pillage, atteinte aux institutions de la République, participation à un mouvement insurrectionnel, menace de violences ou de mort par le biais d’un système informatique, diffusion et la mise à disposition d’autrui de données de nature à troubler l’ordre public », des ONG de défense des droits humains n’ont eu de cesse de brocarder le régime de Conakry.
A ces rapports à charge contre le pouvoir d’Alpha Condé d’Amnesty International, de Human Rights Watch et de la FIDH, se sont greffés ceux de l’Union Européenne et des États-Unis. Tous plus corrosifs les uns que les autres. Ces tirs groupés auraient bien quelque chose à voir dans ce geste du « grand Timonier ».
Il faudrait tout de même rendre à César ce qui est à César. Car n’eût été une injonction venue d’en haut, comme le prétendent bien des gens, notre régisseur national aurait bien du mal à se bouger.
Mamadou Dian Baldé