La galère des anciens ministres d’Alpha Condé : Des témoignages chocs…

Gèle de comptes bancaires, interdiction de sortie du territoire, ces restrictions sont toujours en vigueur même pour les anciens ministres qui n’ont pas de démêlées avec la justice. Cette décision a été prise au lendemain du 5 septembre 2021, date de la prise du pouvoir par le Comité National du Rassemblement pour le Développement (CNRD).

Or, le 20 octobre 2022, le Chef du Gouvernement avait instruit son cabinet de se mettre en rapport avec le gouverneur de la Banque centrale, le ministre Secrétaire général de la présidence et celui de la Justice pour faire la situation sur le dégel des comptes des sociétés publiques et des personnes physiques.

Neuf mois depuis que cette instruction a été donnée, les choses n’ont pas évolué à en croire certains anciens dignitaires dont les comptes sont toujours gelés et les documents de voyage encore confisqués. Au micro d’un journaliste d’Africaguinee.com, ces anciens membres du gouvernement ne cachent plus leur amertume. Ces derniers ne comprennent pas pourquoi leurs comptes sont toujours gelés, ils sont empêchés de sortir du pays alors que la justice ne leur proche de ‘’rien’’.

« Depuis qu’on a gelé nos comptes bancaires et retiré nos documents de voyage, nous sommes là et on ne nous a jamais fait appel. Il a fallu que nous nous fassions les premières démarches auprès du procureur général qui détient la liste mais dommage qu’il n’avait aucune information sur nous car n’ayant aucun contact. Nous nous sommes présentés nous-mêmes pour savoir où est-ce qu’on en est parce qu’on nous a appris que la liste est sortie mais on ne nous a jamais convoqués c’est pourquoi on est allé demander de quoi nous reproche-t-on », explique un ancien membre du gouvernement.

C’est ainsi selon notre source qu’ils ont été envoyés vers la Direction des Investigations Judiciaires où ils ont été entendus sur PV (Procès-Verbal). Ceux-ci devraient faire un rapport et l’envoyer chez le procureur. Vu qu’il a reçu les rapports, il est en train de trier mais jusque-là ça traine, regrette cet ancien ministre de la République.

« Nous qui n’avions même pas duré dans le gouvernement on a reçu aucun financement, même nos salaires on ne les a pas reçus au complet. Là, nous les attendons pour qu’ils nous disent s’ils ont fait une synthèse parce que le premier ministre même avait demandé à ce qu’il y ait une vérification pour que ceux qui n’ont rien fait, qu’on les libère », ajoute notre répondant.

Ma maman est tombée malade…je n’ai pas pu l’évacuer  

Cet autre ex membre de l’équipe gouvernementale déplore cette privation de leurs droits sans aucun justificatif.

« Nous sommes privés de tous nos droits. On nous a dit que si on veut voyager, de faire un papier on va nous donner l’autorisation. Moi j’ai dit que je ne peux pas voyager mais j’ai besoin de mon argent parce que j’ai une famille, des enfants que je dois nourrir (…).  Ma maman est tombée malade, même pour l’évacuer je n’ai pas pu (…). Moi-même je suis malade, je dois aller faire des contrôles mais impossible parce que je n’ai pas de moyens, mon compte est encore gelé.

Nous sommes à la merci des gens, on est à l’attente pour voir ce qu’ils vont nous dire parce qu’il ne faut pas mettre tout le monde dans le même sac. Il y a certains dans la même équipe que nous, ils étaient là bien avant nous, ils ont eu leurs comptes dégelés, reçus leurs documents de voyage et ne sont plus là », explique notre source avant de lancer un appel à l’endroit des autorités.

« Ce que nous demandons aux autorités, c’est de voir notre situation. Le premier ministre a promis, s’il a donné des instructions je pense que celle-ci doivent être respectées et surtout qu’on fasse la part des choses, il ne faut pas mettre tout le monde dans le même panier. On ne peut continuer à nous priver de nos droits sans nous dire vous avez fait ceci ou cela. Ce qui est choquant, certains qui étaient parmi nous dans le dernier gouvernement, beaucoup ont reçu leurs documents et sont partis » dénonce cet ancien ministre d’Alpha Condé.

Des dossiers vides

Cet autre ministre lui dénonce une situation irrationnelle à leur encontre.  « Nous sommes dans une situation complètement irrationnelle. Nous ne savons pas ce qu’on nous reproche, nous avons été auditionnés, nous avons fait nos dépositions je crois que des vérifications avaient été conduites par rapport à nos déclarations. En ce qui me concerne, l’officier enquêteur de mon dossier m’a dit qu’ils n’ont absolument rien trouvé à l’issue des vérifications. J’ai demandé alors pourquoi on ne me libère pas. Il m’a répondu, ‘’les gens ont beaucoup parlé, fait des annonces et aujourd’hui c’est difficile pour eux de dire qu’il n’y a rien’’. Donc ils vont trainer la procédure le plus longtemps que possible », révèle cet ancien dignitaire.

La même source ajoute qu’elle a une deuxième fois été convoquée à la direction centrale des investigations judiciaires où elle a été confrontée au solde de son compte bancaire mais le montant était insignifiant.

« J’ai dit alors pourquoi vous ne nous libérez pas ? L’officier m’a dit que ça ne relève pas d’eux mais du procureur général et du ministère de la justice. Jusqu’à présent on a aucune information, aucune visibilité sur notre situation. En attendant nos comptes sont bloqués, on ne peut pas voyager, partir voir nos familles, ça nous impacte fortement et c’est très compliqué », regrette cette source.

Directeur général d’une entreprise

Le 24 septembre 2022, soit trois semaines après la prise du pouvoir, le Colonel Mamadi Doumbouya avait annoncé qu’il n’aura pas de ‘’ Recyclage’’. Bien que dans les faits ce n’est pas le cas, mais pour certains anciens dignitaires, en plus n’avoir pas été recyclés, la confiscation de leurs documents les empêche d’avoir d’autres opportunités de travail.

« J’ai été contacté par des entreprises parce qu’il y en a parmi nous qui étions du secteur privé, nous ne sommes pas de fonctionnaires, c’est un contrat qui nous liait avec la fonction publique. On était là pour mettre nos compétences à la disposition de la Guinée et donc une fois cette mission achevée on allait revenir dans le secteur privé. On m’a proposé un poste de Directeur général d’une entreprise mais puisqu’il y a encore des poursuites qui pèsent sur nous et qui ne sont pas encore achevées, je n’ai pas pu bénéficier du poste. J’ai également eu une opportunité de poste dans un pays européen mais vu que je ne peux pas sortir du territoire, j’ai raté cette opportunité. On ne peut pas travailler ici et ailleurs, c’est vraiment compliqué », regrette cet ex membre du gouvernement de Kassory.

« Tous ce qu’on peut dire aux autorités c’est que nous sommes tous des Guinéens. Nous avons voulu servir la patrie du mieux que nous avons pu, si aujourd’hui le paradigme politique a changé, c’est une réalité dont on prend acte. Mais s’il est avéré qu’on n’a rien à nous reprocher, tout ce qu’on demande c’est qu’on nous libère », demande cet autre membre du gouvernement.

Ils veulent qu’on fasse la courbette…mais non

Pour cet autre ministre, puisque les autorités actuelles n’ont pas de quoi leur reprocher comme infraction, leur stratégie consiste à désormais à les pénaliser de la sorte pour les obliger à faire la courbette et rallier leur cause.

« J’ai même été voir à la justice sur mon dossier mais on ne nous dit rien. On refuse de communiquer, et pendant ce temps nous ratons d’énormes opportunités alors que le pouvoir ne veut pas travailler avec nous. Certains veulent qu’on fasse la courbette aller les supplier pour sortir du pays, je ne le ferai pas moi. C’est vraiment injuste, on ne nous reproche de rien mais nos documents sont confisqués, nos comptes sont gelés. C’est dans quel genre d’Etat de droit sommes-nous ? », s’interroge un ancien dignitaire visiblement très remonté par rapport à cette situation.

Pour le moment, toutes nos tentatives pour avoir la version du procureur général par rapport à toutes révélations n’ont pas eu de suite.

A suivre…

Africaguinee