La Guinée, une fois de plus, est en deuil. Le sang d’innocents Guinéens a encore été versé. Presque simultanément nous avons appris l’assassinat de huit personnes en mission de sensibilisation sur l’épidémie Ebola à Womey (Préfecture de Nzerekore) et de M. Amadou Oury DIALLO responsable du parti d’opposition, l’UFDG. Le mardi 23 septembre 2014, des échauffourées du même ordre ont éclaté à Forecariah.
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Bien avant, début avril 2014, un centre de traitement Médecins sans Frontières à Macenta avait été attaqué. Les travailleurs humanitaires avaient échappé de peu au lynchage.
Violence endémique
Ces tragiques événements, en apparence totalement indépendants les uns des autres, illustrent à la perfection la culture de violence et d’impunité qui est devenue depuis des années, le quotidien du peuple de Guinée. La violence est endémique et va en s’aggravant de jour en jour. Depuis 2006, ce sont des milliers de nos compatriotes qui ont perdu la vie, tantôt victimes des balles des forces de l’ordre, tantôt victimes d’affrontements politico-ethniques, tantôt victimes du grand banditisme qui opère presque à visage découvert. Sur les grands axes routiers – déjà impraticables pour la plupart – des bandes de coupeurs de routes opèrent en permanence. Cette violence tantôt ciblée, tantôt aveugle n’épargne personne : simples citoyens, serviteurs de l’Etat en mission, travailleurs sociaux, hommes et femmes de médias, religieux, militants politiques ou syndicaux, etc.
Violence entretenue
Le pouvoir en place entretient en toute illégalité des milices tribales et des bandes de tueurs qui opèrent sous le couvert des forces sécurité. En Guinée Forestière particulièrement, des résidus de bandes armées de la guerre civile libérienne sont ouvertement tolérés. Depuis janvier-février 2007, les pouvoirs successifs à Conakry y ont recours comme forces supplétives pour terroriser la population et mâter dans le sang, les manifestations populaires. Au plan politique, la violence sert au pouvoir actuel du RPG-Arc-en-ciel à étouffer toute opposition et à préparer des futurs coups de force électoraux. La division et l’opposition des communautés étant à la base de toute sa politique, il n’est pas étonnant que des violences éclatent continuellement à travers tout le pays.
Impunité de rigueur
La Guinée a la triste particularité d’avoir vécu depuis l’indépendance en 1958 sous le signe de la violence institutionnelle. Tous les crimes politiques et une grande partie des crimes de droit commun n’ont jamais fait l’objet d’investigations sérieuses, permettant de connaître la vérité, de punir les coupables et de rendre justice aux victimes. A chaque événement, le gouvernement actuel adopte la politique de l’autruche et se complait dans des déclarations soporifiques, avec des promesses d’enquêtes qui ne connaissent jamais de suite sérieuse. Même lorsque des suspects sont arrêtés, c’est le temps « que les esprits se calment » ; ils sont discrètement relâchés par la suite, l’Etat n’ayant ni les moyens, ni la volonté de poursuivre la procédure. Dans les assassinats tristement célèbres comme ceux de Madame Aissatou Boiro, la justice se contente de condamner de simples exécutants pour donner le change, laissant les puissants commanditaires impunis. Dans la région forestière, en Haute Guinée et en Moyenne Guinée, il y eu depuis 2010/2011 de nombreux affrontements sanglants à caractère politico-communautaires, avec des milliers de victimes. Aucun de ces événements d’une extrême gravité n’ont connu de suite judiciaire sérieuse. Tout récemment, à Macenta, l’attaque du centre de traitement d’Ebola a été vite oubliée. Plus grave, l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), avait publiquement averti à l’époque le gouvernement guinéen des graves menaces qui pèsent sur les travailleurs humanitaires. Mais comme toujours, rien n’a été fait pour désamorcer cette bombe qui éclate partout aujourd’hui.
Plu près de nous, il ya les crimes du stade du 28 Septembre, toujours sans jugement, sans compter les nombreux morts au cours des manifestations de 2012 et 2013.
Même pour les crimes et délits de droit commun, la justice est incapable de faire éclater la vérité et de punir les coupables. Nous avons vu récemment la révolte des populations de Kankan contre la connivence apparente entre les criminels et certains responsables de la justice. Des criminels et délinquants se pavanent sans peur dans nos cités, intimidant au passage les honnêtes citoyens. En Guinée, l’impunité est reine. La justice est désarmée et inopérante.
L’Etat guinéen disqualifié
Aujourd’hui, avec la grave crise économique et sociale que connaît le pays, la cruelle vérité est que le gouvernement guinéen, par ses agissements irresponsables, est complètement disqualifié aux yeux de la population pour résoudre ses problèmes. Les crimes se nourrissent de l’impunité. L’Etat guinéen malgré ses puissants moyens, a perdu son rôle d’organe impartial garant de l’intérêt général et de protecteur des citoyens. Abandonnées à elles-mêmes face à des problèmes existentiels, à la limite du désespoir, les populations baignent dans la culture ambiante de la violence et rejettent tout ce qui vient de l’Etat et tout ce qui le symbolise. La société guinéenne est bloquée ; la violence est devenue le moyen courant d’expression et de résolution des conflits. Le dialogue n’a plus sa place, hélas au sein de la communauté nationale. Les populations se font justice elles-mêmes.
Au nom de l’UFD et de ses militants et sympathisants, nous présentons nos condoléances les plus attristées aux familles des victimes.
Pour arrêter ce cycle de violence ininterrompue, nous lançons au gouvernement et à toutes les forces vives du pays, un appel à tenir dans les plus brefs délais, une Conférence nationale – Vérité, Justice et Réconciliation. Il n’ ya aura pas de réconciliation sans vérité et sans justice. Seule une telle assise peut avoir l’autorité nécessaire pour mener les investigations nécessaires afin d’en finir avec l’impunité et ce cycle infernal de violence. Le sang des Guinéens ne doit plus couler. Trop c’est trop.