Quarante-cinq ans après l'agression portugaise contre la republique de Guiné, un ancien proche du président Ahmed Sékou Touré, revient sur cet évènement qualifié par les uns de "faux complots", par les autres, "de tentative de déstabilisation de la Guinée". Que s'est-il passé ? Devant un parterre de journaliste, El –hadj Momo Bangoura, ex-secrétaire Général du Parti démocratique de Guinée-Rassemblement Démocratique Africain (PDG-RDA), ancien dignitaire du régime de Sékou Touré, lève un coin du voile en pointant un doigt accusateur sur le rôle « déstabilisateur »joué par la France après le « non » belliqueux de la Guinée en 1958…
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« Après le référendum du 28 septembre 1958. La guerre nous avait été déclarée par la France sans ambages. Le 25 aout 1958, quand le Général De-gaulle est venu ici, il a dit. Citations : ‘’Monsieur, voilà un individu (Sékou Touré, ndlr) avec lequel nous ne pourrons jamais nous entendre. Nous n’avons plus rien à faire ici. Le 29 septembre au matin, la France s’en ira’’ Page 199 in « les carnets secrets de la décolonisation » de George Chaffard. Voilà la déclaration de guerre.
« Le Général De-Gaulle donne le feu vert pour une action globale de déstabilisation pendant plus de vingt ans, des complots vont se succéder sur le sol guinéen. Le leader guinéen a contre lui, l’ensemble du dispositif occidental de renseignement. On décide de frapper un grand coup, éliminer Sékou Touré et installer par la force, un nouveau régime à Conakry’’, page 245, in « la piscine » de Roger Fadigol et Pascal Scrop.
Les complots dont nous avons entendu parler, ce n’était pas du tout de l’invention de Sékou Touré. Ceux qui préparaient et mettaient les complots en Guinée, c’est eux qui ont fait ces écrits. Mais il y a eu échec dans l’exécution de ces complots.
Le point culminent de ces complots a été l’agression du 22 novembre 1970 à Conakry. Les agresseurs sont venus dans la nuit du 21 novembre, et agressé la Guinée pendant le mois de carême musulman. Il y avait dans les rues de Conakry près de cinq cent cadavres, mais malheureusement pour les agresseurs, ils ont eu la défaite.
Que s’est-il passé ?
« Dans la nuit du 21 novembre 1970, une délégation des complices des mercenaires a rendu visite à Ahmed Sékou Touré dans sa case privée de Bellevue. C’était pour savoir où il passe la nuit ce jour-là. Sékou Touré était en Pyjama. Après leur entrevue, Sékou Touré leur dit au-revoir. Mais il s’est dit que ces gens n’avaient pas l’habitude de lui rendre visite la nuit. Il a quitté sa résidence.
Et effectivement, les premiers coups de fusils ont visé la case où habitait Sékou Touré. Elle a été calcinée, brûlée. A 7 heures du matin, la Voix de l’Allemagne annonçait qu’il y avait la guerre à Conakry et que le « coq est cuit ». Une métaphore voulant dire que Sékou était mort.
A 9 heures, Sékou Touré prend la parole et dit : « peuple de Guinée, tu es agressé, lève-toi ». C’est ainsi qu’il a ouvert les casernes de Conakry, on a distribué les fusils dans toutes les concessions, dans tous les quartiers. La population a pris les armes contre les agresseurs ».
De la gestion de l’agression…
L’agression du 22 novembre 1970, n’a pas été gérée par la Guinée seulement. Elle a été gérée par l’Afrique, l’ONU et la Guinée. Après l’agression, Ahmed Sékou Touré s’est adressé à tous les chefs d’Etat africains. Il y a une importante délégation des Etats riverains du Sénégal (OERS) qui est venue à Conakry. Une délégation de l’ONU est venue. Les mercenaires et leurs complices arrêtés sur place ont été incarcérés dans les prisons du camp Kémébouréma de Kindia. La délégation onusienne les a interrogé tous. Ils ont reconnu leur faute. La délégation a fait une résolution qui a été soumise à l’ONU, qui a fait une autre résolution, exigeant la sanction exemplaire aux mercenaires et à leurs complices. L’OERS en a fait autant. L’OUA (organisation de l’unité africaine) s’est réunie à Lagos (capitale du Nigéria) et exigé des sanctions exemplaires.
Donc, quand j’entends parler des « orphelins », je ne les appelle pas des victimes, j’ai pitié d’eux très sincèrement. Ces orphelins-là, ils ont raison d’être affligés, leurs proches ont été pendus. Cette pendaison a été exigée par l’Onu, l’Afrique, par le peuple de Guinée et par le monde entier. Personne n’a été sanctionné ici secrètement, ça été publiquement, d’ici jusqu’à Nzérékoré, Siguiri, Boké, et il y a eu quatre pendaisons au pont 8 novembre.
Que s’est-il passé après ?
L’agression était le point culminent de la guerre que nous avons subie au lendemain du vote référendaire du 28 septembre 1958. Le dernier haut-commissaire de l’Afrique Occidentale française (AOF), Pierre Mesmer qui résidait à Dakar a été écrit trois jours avant le vote. Citation : « j’envoie à Conakry le 25 septembre à bord d’un navire de la marine nationale, une compagnie de parachutistes dans laquelle un solide commando à l’ordre écrit et signé de ma main, de se faire remettre les milliards et de les transporter aussitôt à bord du navire qui les ramènera à Dakar. Le recours à la force est autorisé jusqu’à l’ouverture du feu. J’étais et suis encore certain qu’il était nécessaire en 1958 de traiter la Guinée sévèrement’’ page 241, du livre de Pierre Mesmer.
Quand on a voté « non », au lendemain, Ahmed Sékou Touré n’avait pas les salaires des travailleurs. Il n’avait pas un rond pour payer les travailleurs, tout l’argent était parti…
Après toutes ces péripéties, la Guinée s’est réconciliée avec la France. Cette réconciliation a été proclamée à un jour solennel de la France. A savoir un 14 juillet 1975. La France a reconnu sa faute et demandé pardon.
Le président français d’alors, Valéry Giscard-d’Estaing, est venu à Conakry en décembre 1978 pour célébrer la réconciliation entre la Guinée et la France. Ahmed Sékou Touré l’a pris et l’a fait promener à travers toute la Guinée. L’institut supérieur agronomique de Faranah (ville natale de Sékou Touré), porte le nom de Valéry Giscard-d’ Estaing. En 1982 Sékou Touré est parti en France pour célébrer toujours la réconciliation entre les deux pays. Jacques Foccard est venu à Conakry, un an avant la mort de Sékou Touré, pour demander pardon à Sékou Touré… ».
Trente ans après sa mort, Ahmed Sékou Touré continue de faire « polémique ». Père de la Guinée indépendante, l’ancien président guinéen est considéré comme : « Bourreau pour certains, héros pour d’autres ».